Coronavirus : Le flexi-confinement plonge le Japon dans la confusion

Le gouvernement est tiraillé entre sa volonté de préserver au maximum l’activité économique et son souci de freiner l’épidémie de coronavirus sur le territoire. Les entreprises demandent des consignes claires et un plan de compensation financière.

 
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Le 7 avril dernier, les Tokyoïtes qui se pressent au carrefour de Shibuya n’ont pas l’air de se préoccuper de l’état d’urgence qui a été décrété la veille par le gouvernement. (Rodrigo Reyes Marin/ZUMA Press/Z)

Publié le 9 avr. 2020 à 15h23 Mis à jour le 9 avr. 2020 à 15h55

Va-t-on travailler ou pas ? C’est la question que se posent désormais chaque matin des millions d’employés japonais confrontés à une stratégie gouvernementale extrêmement confuse. Tiraillé entre sa volonté de préserver au maximum l’activité économique et son souci de freiner l’épidémie de coronavirus sur le territoire, le gouvernement de Shinzo Abe multiplie les consignes contradictoires et exaspère les acteurs économiques comme les collectivités locales.

Officiellement, le Japon, qui n’a recensé que 5.002 cas d’infections au covid-19, a déclaré, mardi, l’état d’urgence dans sept préfectures du pays, abritant 45 % de la population totale. Dans ces régions, les habitants sont censés rester au maximum chez eux et éviter les interactions en dehors de leurs foyers. Mais le gouvernement central a, par ailleurs, demandé à plusieurs secteurs de maintenir au maximum une activité normale afin de ne pas faire plonger l’archipel dans une brutale crise économique . Selon Goldman Sachs, le PIB nippon risque de chuter de 25 % sur le deuxième trimestre en glissement trimestriel.

Salons de coiffure essentiels

De nombreuses usines, des commerces ou des services, fermés dans les autres pays ayant opté pour le confinement, sont pour l’instant encouragés, par l’exécutif, à poursuivre le travail. C’est le cas notamment des restaurants, des bains publics ou encore des pressings. « Nous considérons que les salons de coiffure et les magasins de bricolage sont essentiels à la vie quotidienne », a ainsi martelé, mercredi, Yasutoshi Nishimura, le ministre de l’Economie, devant les gouverneurs de préfecture plutôt abasourdis.

La loi sur l’état d’urgence précise que ce sont les autorités locales qui définissent au final quelles sont les activités économiques essentielles ou non sur leur territoire. Mais leur pouvoir est limité car elles ne peuvent pas forcer les fermetures d’entreprises ou imposer la moindre pénalité contre les contrevenants. Et leur message est désormais brouillé par celui du gouvernement central, qui semble donne la priorité à la sauvegarde de la croissanceplutôt qu’à l’endiguement de l’épidémie.

Multiplication des cas à Tokyo

A Tokyo, Yasutoshi Nishimura, qui est également à la tête du comité national de réponse à la crise sanitaire, a notamment contredit publiquement la gouverneure Yuriko Koike en lui demandant de reporter de deux semaines ses consignes de fermeture des commerces de la mégapole. Très remontée, l’élue devrait prendre la parole vendredi pour lister exactement les secteurs d’activité qui sont appelés à fermer dès ce week-end pour au moins un mois. Elle s’inquiète, elle, de la multiplication rapide des cas dans la mégapole et des premiers signes de saturation dans les hôpitaux.

Prisonnières de cette confusion, les entreprises exigent des consignes claires et réclament un plan de soutien pour compenser les pertes de revenus qu’engendreraient les fermetures. Le grand plan de relance annoncé, cette semaine, par l’exécutif ne prévoit pas pour l’instant cet accompagnement crucial, qui seul motiverait les sociétés à accepter le confinement.

Yann Rousseau