À Fukushima, la décontamination des terres les plus irradiées progresse

En six ans, les Japonais ont, par décapage, enlevé 80 % du césium qui s’est déposé sur 25 % de la zone de contamination intensive autour de la centrale de Fukushima, essentiellement les champs cultivés et les maisons d’habitation. Mais reste la forêt qui, bien que fermée au public, est un réservoir à césium.

Les faits

À Fukushima, la décontamination des terres les plus irradiées progresse
Aperçu d’une zone décontaminée utilisée pour l’entreposage temporaire de terres contaminées. O. Evrard-P. Laceby-A.Nakao/ C.E.A.

 

À la suite de l’accident de la centrale nucléaire de Fukushima Dai-ichi en 2011, les autorités japonaises ont commencé en 2013 à décontaminer, plus exactement à scalper, la couche superficielle du sol (5 cm) de la région touchée par le panache radioactif. Cette surface, grande comme la Corse, mesure 9 000 km2, et comprend les onze municipalités évacuées de la « zone spéciale de décontamination » et les 40 communes non évacuées, la « zone de suivi intensif de décontamination ».

Dans ce contexte, qu’est devenu le césium 137, l’un des isotopes du césium, principal radionucléide émis lors de l’accident ? C’est ce qu’ont cherché à savoir Oliver Evrard, du Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (CEA/CNRS/UVSQ), et ses collègues Patrick Laceby (Alberta Environment and Parks) et Atsushi Nakao (Université de Kyoto) en faisant la synthèse de pas moins de 60 études internationales réalisées sur ce sujet.

Résultat : « L’accident de Fukushima nous donne de précieuses indications sur l’efficacité des techniques de décontamination, indique Olivier Evrard. En effet le décapage sur les terres cultivées des 5 premiers centimètres de sol permet de réduire les concentrations en césium d’environ 80 %. Ce qui est plutôt efficace», observe le géochimiste.

Ce sol est remplacé par du granite broyé qu’on mélange avec la sous-couche de façon à pouvoir y planter du riz dans les rizières ou semer du sarrasin, des légumes ou des fleurs sur les parcelles de pleine terre. Simple, cette technique engendre néanmoins une grande quantité de déchets, difficiles à traiter, à transporter et à stocker pendant plusieurs décennies à proximité de la centrale, avant de les envoyer vers des sites de stockage définitif qui devraient être trouvés en dehors de la préfecture de Fukushima à l’horizon 2050.

Ces travaux ont généré environ 20 millions de mètres cubes de déchets, soit environ 200 000 gros camions semi-remorque, et coûté 24 milliards d’euros.

Détecter les éventuelles recontamination

Ces activités de nettoyage ont concerné principalement les plaines agricoles côtières et les zones habitées. En revanche, pour l’heure, les forêts n’ont pas été prises en compte. Or elles couvrent 75 % du territoire touché par le nuage radioactif, une zone montagneuse située entre la plaine côtière et les sommets culminant à 900-1 000 m. Leur nettoyage coûtera très cher : 128 milliards d’euros.

« Ces forêts constituent donc un réservoir potentiel, à long terme, de radiocésium, qui peut être redistribué à travers les paysages suite à l’érosion des sols, aux glissements de terrain et aux crues, comme lors des typhons comme en octobre dernier », précise Olivier Evrard. « D’où l’importance de suivre le transfert de la contamination radioactive à l’échelle des bassins-versants côtiers et, éventuellement, de détecter une recontamination des zones assainies en cas de débordement des cours d’eau », explique Atsushi Nakao.

Chercheurs et décontaminateurs n’en sont donc encore qu’à mi-chemin. Bonne nouvelle cependant : cette recherche est prolongée pour 5 ans, au travers du projet franco-japonais Mitate porté par le CNRS et le CEA. Déjà, ce dernier a mis au point un procédé à petite échelle dit de « flottation » pour séparer les particules de terre chargées en césium (projet Demeterres).