Le Japon peine à mener sa transition énergétique

Par Rédacteur  le 03.03.2019 à 11h00

Huit ans après la catastrophe de Fukushima, les énergies renouvelables ont du mal à se développer dans l’archipel, faute de volonté politique. Cet article est extrait du magazine n°865 (mars 2019).

La centrale solaire de Setouchi Kirei a été mise en service fin 2018.
La centrale solaire de Setouchi Kirei a été mise en service fin 2018.
THE ASAHI SHIMBUN/GETTY IMAGES

Le Japon, durement frappé par la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011, ne parvient toujours pas à redéfinir sa politique énergétique. Seuls neuf réacteurs nucléaires ont été redémarrés sur les 50 mis à l’arrêt en raison de la lenteur des examens de sûreté et d’une opinion publique très hostile à leur remise en fonction. Et ces neuf réacteurs fournissent à peine… 2 % de la production totale d’électricité.

Premier ministre Shinzo Abe veut faire du nucléaire un axe de sa politique énergétique

Or, pour atteindre ses objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre comme promis lors de la COP21 à Paris en 2015 (-26 % en 2030 par rapport à 2013), Tokyo table sur une part du nucléaire de 20 à 22 % dans son mix énergétique (contre 22-24 % pour les énergies renouvelables). Concrètement, cela impose de relancer une trentaine de réacteurs et le Premier ministre Shinzo Abe n’a jamais caché sa volonté de faire du nucléaire un axe de sa politique énergétique, arguant qu’il permet de réduire la dépendance japonaise vis-à-vis du Moyen Orient. Ce qui l’oppose à sa population, 75 % des Japonais s’étant déclarés en 2018 pour la sortie immédiate ou progressive du nucléaire. Les entreprises, de leur côté, ne sont pas en reste. En juillet 2018, plus de 100 organisations privées et publiques ont lancé la Japan Climate Initiative (JCI) pour limiter le réchauffement climatique à 2 °C. Ses actions : des conférences et du lobbying auprès du gouvernement.

S’il ne parvient pas à imposer sa politique, le gouvernement risque de faire davantage appel aux énergies fossiles plutôt qu’à une part plus importante d’énergies renouvelables. Car le développement de ces dernières, qui n’assurent aujourd’hui que 14 % de l’électricité du pays, est freiné par de multiples obstacles. En particulier la forte opposition des lobbys de la pêche à l’éolien offshore et des opérateurs d’électricité qui refusent de laisser utiliser leurs infrastructures aux nouveaux acteurs du renouvelable.

L’éolien offshore comme alternative la plus crédible

Quelles sont les alternatives ? Avec des montagnes couvrant près des deux tiers du territoire, et des plaines très peuplées, le Japon manque de place pour le solaire. Une solution : déployer les panneaux photovoltaïques sur les toits. Selon le ministère de l’Environnement, la puissance cumulée pourrait atteindre 185 gigawatts (GW) (l’équivalent de 185 réacteurs nucléaires). Côté géothermie, avec 23 GW, le Japon, dispose de la troisième capacité géothermique théorique du monde. Mais la construction de centrales entre en concurrence avec l’exploitation des sources thermales.

Le point de vue de Yasuko Kameyama, chercheuse à l’institut National des Études environnementales à Tsukuba. 

« L’énergie renouvelable qui a le plus de potentiel au Japon est l’éolien. Notamment l’éolien offshore, qui est la clé pour augmenter la part du renouvelable dans le mix énergétique. Mais son développement ne pourra se faire sans une mobilisation des politiques afin de répondre à l’opposition des pêcheurs locaux. L’autre levier sur lequel il est indispensable de jouer est le prix du carbone, qui doit augmenter au Japon pour rendre le renouvelable compétitif face aux énergies fossiles. Il faudrait aussi développer un système de stockage d’électricité pour lisser la production. Tout cela est techniquement possible, il manque juste la volonté politique. Par ailleurs, pour le nucléaire, le chiffre fixé par le gouvernement (20-22 % du bouquet énergétique d’ici à 2030) ne tient pas compte du déclin démographique du pays. En réalité, il n’est probablement pas nécessaire de relancer autant de centrales pour répondre à la demande. La dépendance énergétique du Japon est un problème qui devrait être résolu par le développement des renouvelables. »

Yuta Yagishit