5 février 2020

 

7. Menteurs assidus

Mensonges par omission de Tepco

Corium du réacteur n° 2 (capture d’écran vidéo Tepco)Corium du réacteur n° 2 (capture d’écran vidéo Tepco)

 

Tepco a attendu deux mois avant d’annoncer la fonte des cœurs des réacteurs. Et pas que Tepco. Tous les experts nucléaires savent ce qu’il arrive quand un cœur n’est plus refroidi. Tous les experts officiels de tous les pays ont donc attendu sagement que Tepco dise enfin la vérité avant d’avouer également qu’ils étaient au courant. Un seul expert japonais a dévoilé la vérité avant tout le monde, Mishio Ishikawa, le 29 avril 2011 à la télévision japonaise.

 

Pas de cancer ni de mort dû à la radioactivité ?

Comparaison de cas de cancer de la thyroïde pour les enfants de Fukushima

Comparaison de cas de cancer de la thyroïde pour les enfants de FukushimaComparaison de cas de cancer de la thyroïde pour les enfants de Fukushima

 

Les autorités japonaises, assistées par Tepco, le martèlent : chez les enfants testés, aucun cancer de la thyroïde n’est dû à la radioactivité. Ce n’est pas du tout ce que pense les médecins de l’IPPNW, l’International Physicians for the Prevention of Nuclear War. Selon leur analyse, dans la préfecture de Fukushima, le taux de nouveaux cas de cancer est plus de quinze fois supérieur à la moyenne du Japon. Pour mémoire, en octobre 2019, 231 cas de cancer de la thyroïde ont été suspectés chez les enfants de Fukushima, dont 174 ont été confirmés par une intervention chirurgicale.

Pour les morts, c’est pareil. Pourtant jamais le taux de mortalité n’a été aussi élevé dans une usine : 8 morts la première année, 16 morts en 4 ans et demi. Mais pas question de reconnaître que la radioactivité y soit pour quelque chose. Et on n’a jamais eu de nouvelle non plus des centaines de disparus des listes des premiers liquidateurs de Fukushima en 2011.

Nicolas Sarkozy : « Je suis allé à Fukushima »

 

Photo non truquée : Éric Besson posant devant la centrale de Fukushima Daiichi (photo Antoine Bouthier/AFP)
 
 
 
 
 
Photo non truquée : Éric Besson posant devant la centrale de Fukushima Daiichi (photo Antoine Bouthier/AFP)
 
 
 
Le président de la République française, Nicolas Sarkozy, a aligné trois gros mensonges à Caen le 6 avril 2012. Selon lui, il serait allé à Fukushima avec Nathalie Kosciusko-Morizet. La voix du Japon précise : « En réalité, M. Sarkozy s’est bien rendu au Japon le 31 mars 2011 (…) mais il n’avait siégé qu’à Tokyo, soit à 250 kilomètres de la centrale nucléaire. Un mensonge retentissant au Japon et dans le monde. » Nathalie Kosciusko-Morizet n’y est pas plus allée, elle a d’ailleurs déclaré plus tard : « Personne ne va à Fukushima ». Dans le même discours de Caen, Sarkozy affirme aussi que « la vague a atteint 42 m de haut », information totalement contradictoire avec la réalité puisque les experts japonais l’ont finalement évaluée au plus haut à 23,60 m. La vague en elle-même a été mesurée à environ 14 m au niveau de la centrale. Éric Besson quant à lui y est bien allé l’année suivante en février 2012 où il s’est dit « globalement rassuré » car il a constaté qu’il n’y avait « pas de radioactivité forte autour de la centrale ».
 

La catastrophe de Fukushima à 6 ou 7 sur l’échelle INES ?

 

Pierre-Franck Chevet jurant de dire la vérité (capture d’écran vidéo Public Sénat)

 

 

Pierre-Franck Chevet jurant de dire la vérité (capture d’écran vidéo Public Sénat)

 

 

Lors de l’émission « Le téléphone sonne » (Questions sur l’état de la sureté des installations nucléaires) du 17 avril 2013 sur France Inter, Pierre Franck Chevet, alors président de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), a annoncé sans être contredit par les journalistes que l’accident de Fukushima avait été classé au niveau 6 de l’échelle internationale INES. L’accident avait pourtant été classé au niveau 7depuis le 12 avril 2011, soit 2 ans avant son intervention ! Celui qui avait la responsabilité de la sûreté nucléaire en France a donc été pris en flagrant délit de manipulation de l’opinion sur une chaîne publique nationale.

En savoir plus

Les mensonges de l’IRSN

 

Dessin de Julien Loïs
 
 
 
 
 
Dessin de Julien Loïs

 

 

 

Cette institution sérieuse qu’est l’IRSN, sous l’image de grande objectivité qu’elle veut donner,  n’est jamais neutre. Son penchant pour la minimisation de tous les dangers de l’atome est bien connu. Mais quelquefois, à force de toujours vouloir rassurer, cela tourne au mensonge. Je rappelle régulièrement ses écarts sur ce blog et il n’y a jamais eu de démenti. Ainsi, selon l’IRSN, la perte d’un corium n’est pas forcément un problème pour l’environnement, les évacués allaient revenir d’ici trois mois en 2011, il n’y a pas eu de rejet de strontium et de plutonium au Japon, une centrale nucléaire ne peut pas exploser en France.

Perspectives heureuses

 

Retrait d’un assemblage du réacteur 3 (capture d’écran vidéo Tepco)Retrait d’un assemblage du réacteur 3 (capture d’écran vidéo Tepco)

 

Boris Le Ngoc, responsable relations publiques et communication digitale de la SFEN (Société Française d’Energie Nucléaire) a publié le 12 mars 2015 un article et un dossier très minimisateur et rassurant, Fukushima 2015, état des lieux et perspectives : selon lui, l’évacuation du combustible des piscines des réacteurs 1 à 3 était prévue pour être terminée en 2015. On ne sait pas sur quelles sources il s’appuyait pour affirmer cela. Quatre ans plus tard, on peut dire que son enthousiasme était démesuré puisque pour les réacteurs 1 et 2, il ne s’est rien passé. Pour le réacteur 3, le transfert a commencé en mai 2019 ; toutefois, depuis juillet dernier, Tepco a stoppé l’opération à cause de problèmes techniques.
Sinon, toujours dans le même article, « la consommation des denrées ne présente aucun risque pour la santé » et Tepco a la « maîtrise de la situation ».

 

8. Publicité mensongère

General Electric et l’avenir du Japon

Capture d’écran de la publicité de General Electric

 

 

Capture d’écran de la publicité de General Electric

 

General Electric, après avoir construit la centrale nucléaire de Fukushima, diffusait un spot publicitaire annonçant : « Quand Tepco a signé le plus gros contrat à l’export de GE (General Electric), nous avons équipé Tokyo de la centrale la plus efficace en son genre au monde. Ce qui veut dire plus d’emplois chez nous et un avenir meilleur pour les Japonais. GE, nous améliorons votre quotidien. » Aujourd’hui, la majorité des Japonais regrette d’avoir été trompée…

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Un avenir radieux

 

Bannière de Futaba (Source AFP/JIJI)Bannière de Futaba (Source AFP/JIJI)

Les Japonais regrettent tellement d’avoir été bernés par l’industrie nucléaire qu’en 2016, ils ont décroché la célèbre pancarte de Futaba dont le slogan, inventé par M. Onuma, était : « L’énergie nucléaire : l’énergie qui prépare un avenir radieux ».

Les JO de 2020

 

Caricature de 281… AntinukeCaricature de 281… Antinuke

 

Shinzo Abe n’a pas hésité à mentir pour obtenir les JO de Tokyo. Le 13 septembre 2013, il a assuré au Comité international olympique que Tepco maîtrisait la situation vis-à-vis de la catastrophe de Fukushima : « It has never done and will never do any damage to Tokyo. » Évidemment, c’était un gros mensonge. En effet, un nuage radioactif est bien passé par deux fois sur Tokyo en mars 2011 et y a laissé une pollution mesurable dans les poussières. A la centrale de Fukushima Daiichi, le démantèlement est illusoire, les délais intenables à cause des multiples problèmes techniques. Tout autour, la décontamination définitive des sols est impossible. On n’élimine jamais les radionucléides, on ne fait que les déplacer. On ment à la population pour qu’elle retourne vivre dans des territoires contaminés. La propagande éthosienne bat son plein.

 

  1. Théories du complot

Sabotage de la centrale

Il faut lire cet article qui analyse la théorie du sabotage de la centrale de Fukushima par l’état d’Israël diffusée par certains sites fumeux : Fukushima : retour sur une théorie du complot (Conspiracy Watch, 6 mars 2012). C’est un Japonais qui est à l’origine de cette théorie. Yoichi Clark Shimatsu, contributeur régulier de la chaîne de télévision officielle de la République populaire de Chine, est surtout un théoricien du complot à l’imagination débordante.

Missiles dans l’unité 4

 

Photo Tepco Photo Tepco

 

Certains internautes ont réussi à échafauder une théorie comme quoi on fabriquait des missiles dans le réacteur n°4 de Fukushima Daiichi à partir de cette photo diffusée par Tepco. On distingue bien deux poteaux dont la base est munie de 4 jambes de force qui accroissent leur stabilité et leur solidité. Mais rien à voir, mis à part la forme ressemblante, avec des missiles et à des ailettes…

Voici une info véritable pour faire le pendant de celle du « missile » : une bombe américaine a bien été trouvée à la centrale de Fukushima Daiichi au cours de travaux destinés à créer un parking en 2017. La région où est implantée la centrale Fukushima Daiichi, à cheval sur les localités côtières de Futaba et Okuma, hébergeait en effet durant la Seconde Guerre mondiale une base aérienne de l’armée nippone et a subi des bombardements étatsuniens importants, notamment en 1945.

Concours de hoax

Et pour terminer ce chapitre, juste pour rire, mais je ne mettrai pas le lien, cette pépite de conspirationisme : « Révélation Fukushima: c’était un méga attentat ! ». Vous retrouverez facilement cet article sur le net, où le site Wikistrike (dont la devise est « Rien ni personne n’est supérieur à la vérité » !) assure que le Japon a été victime d’un attentat qui a utilisé  le système Haarp, que le séisme n’était pas de magnitude 9, que le réacteur 4 a été détruit par une arme nucléaire, que Naoto Kan a payé 20 milliards pour éviter que le mont Fuji n’explose, etc. Qui dit mieux ?

 

10. Communication insidieuse

La minute de vérité

 

Incendie de l’unité 1 de Fukushima Daiichi qui n’a jamais eu lieu (capture d’écran du film « Accident nucléaire de Fukushima » de Steve WebbIncendie de l’unité 1 de Fukushima Daiichi qui n’a jamais eu lieu (capture d’écran du film « Accident nucléaire de Fukushima » de Steve Webb

 

Sorti en 2012, le film documentaire de Steve Webb, « Accident nucléaire de Fukushima », réécrit l’histoire en développant une kyrielle de mensonges : les explosions des unités 1 et 3, dont les images existent pourtant, sont minimisées avec des reconstitutions ne correspondant pas du tout à la réalité. Quant à l’explosion de l’unité 2, elle n’est même pas mentionnée. Le film énonce également que les experts de l’AIEA sont intervenus « quelques jours après le tsunami », ce qui est complètement faux. Ils ne sont venus à Fukushima que fin mai 2011. Autre mensonge : « trois des réacteurs de Fukushima sont totalement irréparables ». C’est faux puisque les explosions ont concerné 4 bâtiments réacteurs. Autre absurdité : les gaines de zirconium protègeraient le combustible de la chaleur. Le mensonge continue avec le tonnage de combustible de Tchernobyl répandu dans l’atmosphère : 8 tonnes selon le reportage. Pourtant, d’après le magazine La Recherche, c’est 50 tonnes, cherchez l’erreur… On continue : aucune mention du problème majeur de l’eau contaminée stockée sur le site.

Et en conclusion, cerise sur le gâteau, la voix off dit qu’il faudra peut-être 10 ans avant que les personnes évacuées puissent toutes revenir chez elles ! Et quid de la contamination qui continue ? de la période de 30 ans du césium 137 ? de la fin programmée des indemnités aux réfugiés ?

Le réalisateur dévoile finalement sa subjectivité en validant la décision de Shinzo Abe de poursuivre le redéploiement du nucléaire au Japon. Ce film, qui a été construit avec de nombreuses incohérences et mensonges, est fait à la gloire de l’industrie nucléaire et prétend, dès 2012, tirer les leçons de la catastrophe pour continuer à produire de l’électricité nucléaire. Il a été diffusé en septembre 2015 dans la série « La minute de vérité » sur la chaîne française Numéro 23, désormais dénommée RMC Story.

 

Fausse traduction

 

Fausse traduction de l’IRSN (capture d’écran de la vidéo de l’IRSN)Fausse traduction de l’IRSN (capture d’écran de la vidéo de l’IRSN)

Dans la vidéo très instructive et très bien conçue « L’analyse de l’IRSN du déroulement de l’accident de Fukushima » diffusée sur youtube en 2013, la traduction des paroles de Masao Yoshida, directeur de la centrale de Fukushima Daiichi est fausse. Le 14 mars 2011, juste après l’explosion de l’unité 3, celui-ci, affolé, appelle le quartier général pour l’informer de la situation : « QG ! QG ! C’est affreux ! L’unité 3 a explosé maintenant. Je pense que c’est probablement la vapeur ! » (source : TV japonaise, 7:38 – 7:48). Or, l’IRSN, qui a repris la bande son de Tepco, a livré cette traduction : « QG ! QG ! C’est terrible ! On a eu un problème sur le site n°3 ! » (source vidéo de l’IRSN, 52:56 – 53:06). Pourtant, aucun doute, Yoshida dit bien « suijôki » (vapeur). La traduction de l’IRSN censure ainsi l’hypothèse émise par le directeur de la centrale : l’explosion de vapeur. L’IRSN s’aligne donc sur la version officielle du gouvernement japonais en faisant mentir feu Yoshida.

 

Comment vivre heureux en territoire contaminé ?

C’est le programme que vous propose Ethos, sous la houlette du Français Jacques Lochard, directeur du CEPN et vice-président de la CIPR. Comme cela coûte trop cher de déplacer les populations suite à un accident nucléaire, les gouvernements, en totale complicité avec les industriels de l’atome, ont inventé le programme Ethos qui permet de faire accepter la vie en territoire contaminé. Expérimenté dans les territoires pollués de Tchernobyl, il a été d’autant plus facilement appliqué aux populations de Fukushima. Le sociologue Frédérick Lemarchand pose bien le problème : « Faut-il entraîner l’humanité à « vivre avec » les conséquences d’un accident nucléaire ? Le faire est techniquement raisonnable car un accident est toujours possible, y compris en Europe, mais politiquement condamnable car conduisant à une logique d’adaptation à ce qui doit rester à jamais inacceptable. »

 

  1. Confusions courantes

dosimètre et radiamètre : un dosimètre mesure en continu les doses reçues et donnera au final une dose reçue pour une certaine durée. Par exemple, les travailleurs du nucléaire portent des dosimètres pour limiter leur présence en milieu radioactif. On peut aussi se servir d’un dosimètre pour mesurer la présence de radon dans une pièce. Le radiamètre quant à lui sert à mesurer la radioactivité gamma d’un environnement à un instant T. On le nomme aussi plus communément compteur Geiger car il compte les désintégrations qui passent dans son capteur.

microsievert et millisievert : ces deux unités de mesure ont fait souvent l’objet de confusions lors des premières semaines de la catastrophe de Fukushima. Ce sont toutes les deux des fractions décimales du sievert, unité servant à mesurer la dose reçue par une personne. Le millisievert (mSv) est un millième de sievert alors que le microsievert (µSv) en est un millionième.

radiation et radioactivité : le mot radiation est un terme rassemblant toutes sortes de choses comme la chaleur, la lumière, les rayons X ou les rayons radioactifs. Alors que la radioactivité ne couvre que les rayons radioactifs. Utiliser le terme radiation à la place de radioactivité, comme le veut l’usage anglo-saxon, n’est pas anodin car cela amoindrit la précision d’un discours, voire minimise sa portée.

barres et assemblages : le combustible nucléaire est conditionné dans des barres de 4 m environ appelées aussi crayons. Les barres sont disposées par dizaines dans des assemblages de section carrée. Au moment de l’accident nucléaire en 2011, la centrale de Fukushima avait 14225 assemblages dans ses 6 réacteurs et ses 7 piscines, soit 896 175 barres.

centrales et réacteurs : la France compte 58 réacteurs mais elle n’a que 19 centrales nucléaires car elles possèdent toutes plusieurs tranches (ou unités). Le Japon quant à lui avait 54 réacteurs nucléaires en 2011 au moment de l’accident répartis dans 15 centrales. Aujourd’hui, il n’y a plus que 9 réacteurs en activité. La population est devenue très méfiante vis-à-vis de cette énergie dangereuse qui, de surcroît, est devenue moins rentable que certaines énergies renouvelables.