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Mois : septembre 2021

Les couleuvres obscures

Les couleuvres obscures, élément naturel de mesure de la radioactivité à Fukushima

Habitantes des zones désertées de Fukushima, les couleuvres obscures permettent aux scientifiques de mesurer les niveaux de radioactivité, dix ans après la catastrophe de la centrale nucléaire.

[L'industrie c'est fou] Les couleuvres obscures, élément naturel de mesure de la radioactivité à Fukushima

Les couleuvres obscures, cobayes des scientifiques

Des chercheurs de l’Université de Géorgie ont sollicité des couleuvres obscures, une espèce de la région de Fukushima ayant la particularité de se déplacer sur une très courte distance : seulement 65 mètres par an ! En évoluant sur un périmètre restreint, ces couleuvres donnent un aperçu fidèle des niveaux de contamination sur un endroit précis. Environ 80 % de la radioactivité qu’elles accumulent provient du contact direct avec le sol, les arbres et les plantes et 20 % des proies contaminées qu’elles ingurgitent.

Une couleuvre obscure. Crédit : Université de Géorgie.

Neuf couleuvres obscures ont été étudiées. Elles ont été équipées d’un capteur GPS et d’un dosimètre pour mesurer la radioactivité. Les résultats de l’étude, menée pendant un mois sur ces serpents, ont été publiés dans la revue zoologique Ichthyology & Herpetology en juillet 2021. « Parce que les serpents ne bougent pas beaucoup et qu’ils passent leur temps dans une zone locale particulière, le niveau de rayonnement et de contaminants dans l’environnement est reflété par le niveau de contaminants dans le serpent lui-même », explique Hannah Gerke, auteure principale de l’étude.

Les résultats de l’étude

L’étude a révélé que les serpents vivant dans la zone d’exclusion de Fukushima présentaient des niveaux de césium 22 fois supérieurs à ceux vivant en dehors de cette zone. Le césium 134 et le césium 137 sont des éléments radioactifs qui ont la particularité d’être présents dans le sol et donc de contaminer les serpents. Les scientifiques ont également constaté de fortes variations de niveaux de rayonnement, notamment entre des endroits proches. Les serpents de l’étude avaient été lâchés à 24 kilomètres de la centrale nucléaire.

Un point rassurant : les scientifiques ont constaté une baisse du niveau de radioactivité par rapport au taux recensé après l’accident. Cette baisse s’explique notamment par la désintégration naturelle des éléments radioactifs au cours du temps. Pour rappel, la catastrophe de Fukushima, provoquée par un séisme de magnitude 9,1, avait obligé 150 000 personnes à fuir la ville en 2011.

Habitantes des zones désertées de Fukushima, les couleuvres obscures permettent aux scientifiques de mesurer les niveaux de radioactivité, dix ans après la catastrophe de la centrale nucléaire.

l’AIEA à Fukushima

Japon: l’AIEA à Fukushima pour évaluer le plan de rejet en mer des eaux contaminées

Quelque 1,27 million de tonnes d'eau contaminée sont stockées dans plus d'un millier de citernes sur le site de la centrale de Fukushima.
Quelque 1,27 million de tonnes d’eau contaminée sont stockées dans plus d’un millier de citernes sur le site de la centrale de Fukushima. AP – Tomohiro Ohsumi

Le Japon a décidé de rejeter dans l’océan Pacifique plus d’un million de tonnes d’eau contaminée à la suite de l’accident nucléaire de Fukushima. L’opération doit débuter en 2023 sous le contrôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Une délégation de l’agence de Vienne est arrivée a Tokyo pour évaluer avec les autorités japonaises leur plan de déversement.

Avec notre correspondant à Tokyo, Frédéric Charles

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a intégré des experts chinois et sud-coréens dans le groupe de travail chargé de vérifier la transparence et la sécurité du projet japonais. Le Japon va rejeter dans l’océan Pacifique plus d’un million de tonnes d’eaux issues du refroidissement des réacteurs endommagés de la centrale de Fukushima et des eaux souterraines qui s’infiltrent dans les sous-sols des bâtiments des réacteurs.

L’eau sera acheminée au moyen d’un conduit sous-marin de 2,5 m de diamètre avançant d’environ un kilomètre dans l’océan, a annoncé fin août l’opérateur Tepco, précisant que la construction de celui-ci devrait commencer d’ici mars prochain.

Le tritium impossible à éliminer

Chaque jour, le volume de cette eau augmente d’environ 140 tonnes. Des systèmes de retraitement permettent d’éliminer tous les radionucléides qu’elle contient, sauf un : le tritium. L’agence de Vienne veut s’assurer que l’eau filtrée sera diluée pour que le niveau de tritium qu’elle contient soit abaissé.

►À lire aussi : Japon: dix ans après l’accident nucléaire, Fukushima peine encore à se relever

Le Japon promet de rejeter l’eau traitée à partir de 2023 de façon très progressive : en trente ou quarante ans, soit la durée prévue du démantèlement de la centrale.

Une pratique courante

L’agence de Vienne explique que les centrales de la plupart des autres pays rejettent, chaque semaine, en mer ou dans des fleuves de l’eau chargée en tritium. La Chine, Taïwan, la Corée du Sud en déversent aussi mais critiquent la décision japonaise.

À la centrale de Fukushima, les capacités de stockage de l’eau dans plus d’un millier de réservoirs vont atteindre leur limite. L’opérateur Tepco dépense chaque année près de 800 millions d’euros pour maintenir et surveiller le stockage de l’eau.

FUKUSHIMA

10 ans après

3 septembre 2021

10ème témoignage de Fonzy, 10 ans après la catastrophe nucléaire de Fukushima. Merci à elle de continuer à nous donner de ses nouvelles ! La vigilance, même si elle est moins assidue, est toujours de mise.

 

Bonjour,

Voilà plusieurs années que je gardais le silence. Je vais bien, j’habite toujours au même endroit, à 280 km de la centrale de Fukushima Daiichi.

Depuis l’accident de la centrale, 10 ans se sont écoulés. Je dois vous avouer qu’il est difficile d’être toujours en vigilance, ou en état d’alerte tout le temps. Petit à petit, je laisse tomber des restrictions que je m’étais imposées. Il y a quand même des choses que je continue, par exemple :

 

– Port du masque

En 2011, je portais un masque N95 chaque fois que j’allais à Tokyo, même en été quand il faisait 35 C. Etant donné que le masque N95 coûte cher, je porte un masque « normal » depuis 2012, et je continue encore aujourd’hui. En ce moment, le masque est presque obligatoire même dans mon voisinage à cause du Covid 19.

 

– Plus de champignons

Shiitake, champignon de Paris, pleurotes,… enfin toutes sortes de champignons sont disparus de la table. De temps en temps, le Shiitake me manque, mais ce ne sera pas mortel de ne pas manger de champignons. Par contre, consommer des champignons pourrait l’être…

 

– Acheter des produits du sud-ouest du Japon

J’achète normalement des légumes qui sont produits au-delà de 500 km depuis la centrale Daiichi. Idem pour les fruits. Autrement dit, j’achète un brocoli de Kyoto, mais pas de laitue de Chiba (250 km). Avant, j’évitais des produits du sud de Nagano (300 km de Daiichi) ou de Gifu (400 km de Daiichi), mais maintenant j’achète de temps en temps des fruits qui y sont produits.

 

– Manger le moins souvent possible dans un restaurant 

Au cours des premières années, je ne mangeais presque jamais au restaurant. Quand j’étais obligée de participer à une soirée avec des collègues, je m’efforçais de ne rien manger, car on disait que les produits de Fukushima (qui ne devaient pas dépasser la limite de 100 Bq/kg) étaient utilisés dans la restauration. A partir de 2015 ou 16, je commençais à dîner une fois tous les deux ou trois mois dans des restaurants que j’ai bien choisis et qui nous servaient des produits de Kyushu ou Shikoku, des régions qui se trouvent dans le Sud-Ouest du Japon.

 

– Eviter la pluie

Avant j’aimais me promener sans parapluie sous la pluie, surtout avec une pluie fine. Après Fukushima, dès que je sens une goutte, j’ouvre mon parapluie. J’ai toujours mon parapluie quand il risque de pleuvoir plus tard dans la journée. Donc je fais toujours très attention à la météo.

 

 Maintenant je vous dis ce que je ne fais plus.

– Eau minérale

Jusqu’en mars 2021, nous ne buvons que de l’eau minérale, nous n’utilisons que de l’eau minérale pour faire de la soupe, du pot-au-feu, bref tout ce qui est à manger chez nous. Toutefois, les bouteilles d’eau sont lourdes, il faut aller au supermarché assez souvent pour acheter un carton de six bouteilles que nous consommons assez rapidement. Ce n’est pas gratuit non plus… Nous avons donc décidé de ne plus utiliser d’eau minérale pour faire la cuisine. Nous continuons toujours à boire l’eau minérale dont la radioactivité est mesurée.

 

 

Eau minérale : le césium et l’iode sont mesurés par le spectromètre gamma (Photo Fonzy). La bouteille de gauche coûte 0,6 euros, la bouteille de droite 2,15 euros.

– Poisson

Pendant au moins huit ans après l’accident, nous n’avons pas mangé de poisson. Toutefois, mon partenaire a eu un cancer du côlon en 2019, et après, il a préféré plutôt manger « légèrement », du coup nous avons repris l’habitude de manger du poisson. J’achète la plupart du temps du poisson venant du Sud-Ouest du Japon, mais de temps en temps du poisson pêché dans un port près de chez nous, car ils sont beaucoup plus frais. J’évite tout de même des poissons des bas-fonds tels que sole ou turbot.

 

– Compteur Geiger

Je me suis souvent promenée avec mon compteur Geiger en 2011, et un peu moins en 2012, et maintenant … je ne sais plus où il est, peut-être dans un tiroir, mais ça fait des années que je ne le vois plus. Je me demande si mes amis qui en avaient un l’utilisent toujours.

 

– Manifestations anti-nucléaires

Pendant deux ou trois années après Fukushima, il y a eu de nombreuses manifestations antinucléaires organisées non seulement à Tokyo mais aussi un peu partout au Japon. On a crié devant le siège social de Tepco, devant le Parlement, dans les rues, on était très nombreux à un moment donné. Il y avait des militants qui faisaient des mobilisations antinucléaires tous les vendredis soirs devant le Parlement. Cela a été un succès pendant quelque temps. Moi aussi j’y ai participé souvent, surtout en 2011 et en 2012. Toutefois ils ont arrêté définitivement leur mouvement en mars 2021 car il y avait, selon eux, beaucoup moins de participants dernièrement et qu’ils n’avaient plus de budget pour continuer. Maintenant les manifestations anti-nucléaires se font très rares, bien qu’il y en ait toujours qui se mobilisent de temps en temps. Il me semble que nous ne sommes pas très manifs, les Japonais. On verra…

 

– Convaincre les autres

J’avais beau parler à mes amis et à mes parents des risques de contamination et des dangers des centrales nucléaires, il était quasiment impossible de les convaincre à s’intéresser à ce genre de problèmes.

 

Voilà. Je fais ce qui me semble possible de faire sans trop de stress. Penser toujours à Fukushima, c’est possible, mais maintenant il faudrait plus d’imagination, car on n’en parle plus. Je remercie ceux qui continuent à penser à Fukushima malgré tant de distance géographique et tant d’années écoulées. Merci pour votre solidarité.

 

Fonzy

 

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