Enfants rescapés de Fukushima: Survivre aux stigmates six ans après

Le stress s’installe en soi durablement et devient une profonde nature qui va avoir des effets nocifs réels sur l’organisme.

MIKE CLARKE VIA GETTY IMAGES

Aujourd’hui j’ai décidé de parler des enfants du Japon, suite à un reportage vu à la télévision, des témoignages qui m’ont marquée et qui me rappelle mes travaux de criminologue sur les problématiques des enfants déplacés et leurs traumas.

Mais avant cela, j’aborderai les conséquences terribles sur la psyché, de survivre et d’avoir été témoin d’une catastrophe naturelle hors norme, d’autant que les réfugiés climatiques vont devenir une statistique grandissante dans notre monde contemporain.

La problématique des réfugiés climatiques est une réalité de plus en plus prégnante de nos sociétés. Afrique, Asie, Amérique Latine, le monde est en ébullition et la nature reprend ses droits.

Selon un rapport de l’Observatoire des situations de déplacements internes (IDMC) du Conseil norvégien pour les réfugiés, depuis 2014 près de 20 millions de personnes ont quitté leur terre en raison de catastrophes naturelles. Entre les tsunamis, les tremblements de terre, les irruptions volcaniques.

Mais il ne faut pas non plus oublier notre région et le grand Sahel, et les effets de la désertification et il est à craindre, de voir de plus en plus de vagues humaines déferler dans nos régions. Des régions qui face à des conditions difficiles et endémiques, ne seront pas toujours prêtes à “accueillir” décemment.

Quel est le dénominateur commun face à tout cela? les conséquences psychosociales sur les populations victimes, bien sûr ici, l’on ne compte pas les déplacements liés aux guerres et les conflits endémiques, cette chronique s’intéressera essentiellement aux drames provoqués par des catastrophes liées aux aléas climatiques!

Des flux migratoires nés de catastrophes naturelles de plus en plus fréquentes et qui vont déstabiliser démographiquement le monde. Avec les ressources naturelles en déclin face à la mise à sac de l’humain et le réchauffement climatique, les frontières imperméables, donne sécuritaire oblige, feront que le monde ressemblera bientôt à une cocotte-minute. Quand on songe aux polémiques haineuses au sein de l’Union Européenne sur la question des réfugiés syriens, il est à prévoir que la solidarité globale et l’assistanat humain en général ne connaitront pas prochainement leurs jours de gloire!

Selon le rapport de l’IDMC depuis 2008, ces catastrophes ont entraîné le déplacement de 22,5 millions de personnes en moyenne chaque année – pour la plupart à l’intérieur même de leur pays –, soit l’équivalent de 62.000 personnes chaque jour.

Actuellement, selon ces chiffres, la probabilité pour une personne de subir un tel déplacement est 60% plus élevée que dans les années 1970. Le plus consternant, c’est qu’il faut en prime s’attendre à ce que les effets du changement climatique soient de plus en plus graves et s’exacerberont dans les années à venir. Une sonnette d’alarme que l’on tire depuis la COP 21 ou COP 22 au passage mais qui n’y fera rien (on arrive déjà pas à mettre au rang certaines puissances les plus polluantes), d’autant que le nombre de personnes vivant dans des zones à risque ne cessera de croître. On sait que beaucoup de régions dans le monde vont disparaitre, suite à la montée des eaux, que des terres habitables ne seront plus (Floride, Iles Kerkennah, Micronésie) spéculations, alarmismes, ou terrible réalité à venir?

Un scénario cauchemardesque qui laisse des traces indélébiles dans les consciences humaines

Destruction d’habitation, inondation, privation d’eau et d’électricité, perte en vie humaine, trauma, et malaise transgénérationel, les conséquences sont terribles sur l’humain et la vie en général.

De génération en génération, subsistera cette angoisse de la reviviscence d’un phénomène hors norme qui a fait craindre le pire.

Cette angoisse profonde ne partira jamais, et les rescapés vivent leur quotidien dans un état d’hyper vigilance, sur le qui-vive, l’inquiétude.

Il leur faut vivre le deuil de ceux qui sont partis, et vivre leur culpabilité car ils ont échappé au pire.

Mais il leur faut aussi survivre à leurs émotions et angoisses.

Quand l’angoisse se somatise

Estomac noué, diarrhées et douleurs abdominales épuisent la vitalité. La vie reprend son cours et, on survit en vivant un quotidien où souvent le cœur accélère le pouls, fait battre le sang dans les tempes, les oreilles bourdonnent, dès qu’un bruit, un souvenir, un mot, un choc, une émotion de trop surprend.

Le stress s’installe en soi durablement et devient une profonde nature qui va avoir des effets nocifs réels sur l’organisme.

Des troubles apparaissent parmi eux

  • Perte du sommeil
  • Irritabilité
  • Ralentissement de la marche
  • Perte de l’appétit
  • Palpitations cardiaques
  • Sensation d’étouffement.
  • Des réactions associées à l’évènement traumatique.

L’isolement pour se couper du regard de du jugement

Après la fin du pire, le vide s’installe et la sensation de l’irréalité prend part. On se coupe du regard de l’autre qui dérange, tout perturbe, alors on commence à ne plus avoir envie de sortir et d’adresser la parole aux autres.

La parole se coupe, le regard aussi, la tristesse inonde, les larmes aussi.

Les cauchemars prennent la parole et des idées morbides, voire suicidaires apparaissent.

Le rescapé n’a pas su gérer son stress, ici on peut considérer (mais il est recommandé d’aller voir le personnel médical autorisé et de se faire aider) que le scénario d’État de Stress Post Traumatique (ESPT) est posé.

Le sentiment de ne plus pouvoir vivre sa vie comme les autres et de peiner dans tout: “je suis nul, je suis pas capable”…!

ESPT ou PTSD: État de Stress Post Traumatique

Si les troubles persistent, toute une symptomatologie l’accompagnera:

  • Phobie sociale peur de l’autre (doute de soi, sentiment d’être regardé, crainte des autres, incapacité de prendre la parole en public)
  • Troubles neurovégétatifs (palpitations cardiaques, moiteur des mains, hypertension, diarrhée, vomissement)
  • Sentiment d’infériorité et manque de confiance ( se sentir nul, incapable)
  • Déprime et envie de rien (tristesse, pleurs, amaigrissement, idées suicidaires)
  • Douleurs (articulations, os, dos, migraine)

Ce choc va pouvoir désenfouir des choses refoulées dans le passé ( anciens chocs émotionnels etc.)

 

Sept ans ont passé depuis Fukushima et les enfants continuent à payer le prix

Après le tsunami dévastateur, l’explosion de la centrale nucléaire, la peur de la radioactivité continue à traumatiser les habitants, les voisins de la région et le monde.

Selon les estimations publiées par l’Agence japonaise de sûreté nucléaire, l’accident a dispersé l’équivalent de 10% de l’accident de Tchernobyl: entre 1,3 et 1,5×1017 becquerels d’iode 131 (contre 1.8×1018 pour Tchernobyl), et entre 6,1 et 12×1015 becquerels de césium 137 (contre 8,5×1016 pour Tchernobyl)1. Environ 110 000 personnes ont été évacuées dans un rayon de 20 km.

La CRIIRAD qui cite ces mêmes chiffres estime que, indépendamment de ceux de Tchernobyl et quels que soient les chiffres exacts des rejets à Fukushima, ceux-ci étaient suffisamment importants pour que les estimations soient faites plus tôt et immédiatement mises au service de la protection des populations concernées.

Le Docteur Michel Fernex affirme que “les études scientifiques en cours montrent qu’il y a autant de dommages génétiques dans les secteurs contaminés de Fukushima que de Tchernobyl”.

Le président du Comité scientifique des Nations Unies pour l’Étude des Effets des Rayonnements relativise les conséquences sanitaires, arguant de faibles quantités de produits radioactifs disséminés, sans rapport avec le cas de Tchernobyl et cela d’autant plus que le régime des vents avait au départ dirigé le panache majoritairement vers l’océan.

Cependant, plusieurs scientifiques ne partagent pas les estimations officielles des rejets ni l’avis du président du Comité. Ainsi, l’Austria’s Central Institute for Meteorology and Geodynamics (Zentralanstalt für Meteorologie und Geodynamik) estime que lors des dix premiers jours de l’accident, les rejets sur Fukushima représentaient environ 73% en Iode131 et environ 6% en Césium137 des rejets de Tchernobyl pour la même période. De même, l’Union of Concerned Scientists (UCS) qui cite aussi le rapport autrichien, considère que les conséquences déjà apparentes de ce qu’elle appelle un désastre sont sévères et inacceptables sur la santé, l’environnement et l’économie et qu’il est désormais acquis que des rejets significatifs de radioactivité peuvent se produire sans qu’il y ait destruction de l’enceinte de confinement.

Résultats des courses

Des enfants ont développé des anomalies de la thyroïde ; des cancers ont été diagnostiqués (56 fois plus que la norme). Seule une partie seulement de la population a fui (160 000 sur 1 500 000 habitants), mais ceux qui sont restés ne sont pas pris en charge par l’État. On leur a tourné le dos!

Des habitants qui n’arrêtent pas de payer le prix de cette catastrophe, doublement victimes, laissés à leur propre sort. Les quelques associations s’efforcent d’apporter un soutien, en offrant des séjours de vacances “de décontamination” dans des régions éloignées. “La population vit toujours en danger”, explique Hiroko Amemiya, qui soutient une association au Japon.

Et comble du désintérêt étatique, pas de plaquettes de potassium distribuées à ces habitants!

Mais la vie veut reprendre ses droits dans cette région déshéritée

Sept ans après la catastrophe de Fukushima, la vie reprend lentement autour du site dévasté par le tsunami et la catastrophe nucléaire qui a suivi, le 11 mars 2011. Naraha, “cité interdite” de Fukushima évacuée pendant plus de cinq ans, rouvre ses portes.

À rappeler que seulement, à une dizaine de kilomètres de la centrale, le taux de radioactivité est encore vingt fois trop élevé par rapport aux normes internationales. Mais certains habitants ont décidé de revenir car leur vie de “réfugié” est trop pesante. Des Personnes âgées, qui ont décidé de braver le risque et une famille comme l’explique un reportage d’Envoyé Spécial diffusé sur France Info le dimanche 8 mars dernier, “une famille avec ses enfants”.

Yuka, l’histoire d’une petite fille martyrisée car “rescapée radioactive”

La municipalité a offert une maison à la famille de Yuka en remplacement de leur ancien appartement détruit: 60 mètres carrés. Selon les standards japonais, c’est beaucoup. Dans leur logement provisoire à Iwaki, tout le monde dormait dans la même pièce. Yuka a été placée dans une école avec une vingtaine d’autres enfants qui venaient de Fukushima, mais son parcours a été impossible, elle n’a pas pu s’intégrer, car les autres élèves, ne voulaient pas d’elle : “Si on les approche, on va attraper de la radioactivité” disaient les autres enfants. Stigmatisée, harcelée, Yuka a beaucoup souffert. Un jour sa mère décide de revenir et d’extraire son enfant de ce climat délétère et anxiogène.

De retour chez elle dans une ville fantôme et un collège vide, elle n’est plus pestiférée, elle est une petite collégienne libre.

Des enfants rescapés de Fukushima et déplacés se sont suicidés au Japon

Comme elle, des centaines d’enfants évacués de Fukushima sont victimes de harcèlement à l’école. Plusieurs suicides parmi des collégiens déplacés après la catastrophe ont choqué le Japon.

Après Nagasaki, Hiroshima…et Fukushima

On oublie l’histoire au profit du capital!

Des manifestations ont lieu régulièrement pour protester. La centrale nucléaire est refroidie régulièrement par de l’eau, conservée ensuite dans d’immenses citernes, soit à ce jour: 16 millions de tonnes de liquide contaminé, qui déborde et se déverse dans le Pacifique…

Entre pression des capitalistes japonais et les “contre le nucléaire”, pas de résolution des problèmes. La population déprime, se suicide.

Pour beaucoup de japonais, Il faut en finir avec le nucléaire, ce monstre incontrôlable, mais rien n’est fait, trop d’intérêts en jeu.

De plus, le 1er juin 2011, des mesures révèlent que les environs du réacteur n°=1 ont atteint des niveaux de pollution similaires à ceux de la zone morte de Tchernobyl.

Bilan humain synthétique et chiffré suite à la catastrophe

À mars 2013, pour les 25 000 travailleurs sur le site, 7 décès sont survenus, aucun attribuable à une exposition à des rayons ionisants.

Toutes causes confondues du fait des accidents affectant les réacteurs nucléaires et non point seulement celles liées à la radioactivité artificielle.

  • Nombre de morts du fait de l’accident affectant les réacteurs nucléaires de Fukushima Daiichi : inférieur à 5
  • Nombre de morts du fait de l’évacuation des territoires contaminés : entre 40 et 50
  • Nombre de blessés graves ou fortement irradiés (> 20 mSv (1)) du fait de l’accident affectant les réacteurs nucléaires de Fukushima Daiichi : inférieur à 20
  • Nombre de blessés légers ou faiblement irradiés (< 20 mSv (1)) du fait de l’accident affectant les réacteurs nucléaires de Fukushima Daiichi : supérieur à 100 et inférieur à 1000
  • Nombre de personnes déplacées du fait de l’accident affectant les réacteurs nucléaires de Fukushima Daiichi : supérieur à 20 000 et inférieur à 50 000
  • Une soixantaine de personnes alitées, sont décédées lors de l’évacuation de la zone des 20 km.

Une étude publiée en août 2012 indique que le stress consécutif à l’évacuation forcée a été la cause principale de 34 morts, principalement des personnes âgées troublées par la perturbation apportée à leur condition de vie. Pour Malcolm Grimston, chercheur de l’Imperial College, ces constatations sont cohérentes avec ce qui avait été relevé lors de l’accident nucléaire de Three Mile Island et de la catastrophe nucléaire de Tchernobyl : en dehors des cas bien documentés de cancer de la thyroïde et de la sur-mortalité constatée chez les liquidateurs, plus difficile à analyser, l’effet sur la population n’est pas tellement le risque de cancer, impossible à mettre en évidence, mais bien la perturbation psychologique entraînée par les circonstances de l’accident. Pour lui, “si l’approche à retenir est d’abord de ne pas nuire, il vaudrait peut-être mieux ne pas faire du tout d’évacuation obligatoire, surtout quand des tablettes d’iode sont disponibles”.

Une autre source de stress tient à l’absence de préparation à l’éventualité d’un accident nucléaire dans le contexte japonais où prévalait le mythe de la sûreté, la rupture de ce mythe lors de l’accident constitua un bouleversement psychologique et social supplémentaire.

Bilan animal

L’évacuation de la zone des 20 km fut accompagnée de l’abandon de milliers d’animaux, surtout des bovins ainsi que d’autres animaux de bétail (tels porcs et poulets), laissés sans eau ni nourriture : environ 30 000 porcs, 600 000 poulets, plus de 10 000 vaches auraient été abandonnés.

Jeudi 12 mai 2011, le gouvernement demande, avec le consentement des propriétaires et contre indemnisation, l’abattage des animaux laissés sur place dans les secteurs évacués. Le 19 mai, des équipes de secours sont autorisées à entrer dans la zone évacuée pour secourir exclusivement chiens et chats de compagnie.