12 mai 2019

Des lycéens français visitent la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi

Lors d’un débat après le film « Fukushima, le couvercle du soleil », une personne n’a pas voulu me croire quand j’affirmais que j’avais eu connaissance que des lycéens avaient visité la centrale de Fukushima Daiichi et étaient passés en bus devant les réacteurs. J’ai été surpris par cette réaction de déni à laquelle je ne m’attendais pas ; c’est pourquoi j’écris cet article : pour répondre à cet homme incrédule. Peut-être vous non plus, vous ne m’auriez pas cru ? Heureusement, j’avais été tellement choqué en voyant cette vidéo que je l’avais enregistrée. Je suis donc à même de vous le prouver.

Voici donc une vidéo montrant un voyage d’étude de lycéens de différents pays, dont la France. Ce reportage a été diffusé le 16 août 2018 par la chaîne japonaise TBS News. À 5:15, après que le bus des lycéens soit passé devant le réacteur n°4, un guide parle en japonais. Une traductrice poursuit : « Maintenant, c’est 10 microsieverts » ; « et ça va augmenter très vite » ; cela veut dire : on va passer devant le réacteur n° 3…  Fait et dit : « maintenant, c’est 70 ». 

On voit bien la manipulation : aucun jeune dans le bus ne semble montrer la moindre inquiétude. Pourtant, 70 µSv/h, ce n’est pas anodin. Pourquoi imposer ça à des enfants ? Pourquoi leur faire croire qu’ils ne risquent rien ? Sinon pour aller répandre la bonne parole rassurante aux quatre coins de la planète ? Fukushima, on maîtrise, ce n’est plus dangereux, on peut même y faire du tourisme nucléaire et ne prendre qu’une dose de 0,01 mSv. La propagande pour des JO propres est bien en cours, sur tous les fronts. « La façon la plus simple de partager cette expérience, c’est tout simplement de la raconter, d’expliquer ce que nous, on a vu, que ce soit à nos amis, à nos parents », explique Adèle, du lycée Notre-Dame de Boulogne-Billancourt, à la fin du reportage.

Au Japon, on utilise également les enfants pour faire croire à la population que la pollution radioactive n’est pas un problème sanitaire : il n’est pas rare, toujours dans un intérêt collectif, de faire participer des élèves à la décontamination, comme ces collégiens et lycéens qui avaient participé en 2015 au nettoyage de la route nationale 6 en t-shirt alors que cette route était interdite jusque-là pour cause de forte contamination radioactive.

En 1978, quand l’Amoco Cadiz s’était échoué sur les côtes de Bretagne, on m’avait proposé de participer à un voyage pour démazouter les plages. J’avais tout de suite dit oui. Quand on est adolescent, on ne réfléchit pas beaucoup. Sauf si on est informé. Je n’ai jamais été informé des risques que représentait l’inhalation de gaz toxiques émis par le pétrole brut. J’y suis allé car je voulais aider, et puis l’idée d’un voyage en Bretagne était plaisante également. Les nausées, les maux de tête, c’était normal, on le supportait. Et puis de toute manière, on avait des gants, des bottes et des cirés, on était protégé. Du moins on le croyait. Je pense que pour ces jeunes lycéens que l’on emmène à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, c’est encore pire. Car les adultes qui les encadrent, les proviseurs qui organisent, les parents qui autorisent n’ont aucune excuse. Ils savent tous que la radioactivité est dangereuse et que la poussière est porteuse de microparticulesradioactives. Alors pourquoi emmènent-ils des enfants dans des zones contaminées, au plus près du monstre qui a créé cette catastrophe ? Je ne comprends pas. 

Que des journalistes prennent le risque de visiter la centrale, pourquoi pas ? Ils sont adultes et ont les capacités de connaître les dangers. Pour des enfants, c’est différent. Ils sont embarqués dans un parcours scolaire dont ils ne maîtrisent pas encore le contenu. Ils ne peuvent donc pas consentir à se faire irradier et inhaler des particules radioactives en connaissance de cause car ils sont trop jeunes et leur formation à la radioprotection est limitée au discours officiel franco-japonais. En effet, ces voyages font partie d’une formation à la radioprotection qui comprend ce questionnement : « Quels sont les effets des rayonnements ionisants sur la santé et comment évalue-t-on le risque aux faibles doses ? » Le message est donc clair : les faibles doses, ce n’est pas dangereux ; la preuve, on peut vous faire visiter une centrale nucléaire fraichement accidentée…

Pourtant, plusieurs études scientifiques ont déjà démontré que les faibles doses étaient dangereuses, et spécialement pour les enfants. Alors j’écris cet article également pour ces adolescents, j’espère qu’il parviendra jusqu’à eux. J’espère qu’ils liront les conclusions des études qui ne seront pas diffusées durant leur formation. J’espère que leurs parents les liront aussi et qu’ils prendront connaissance des témoignages d’autres parents.

Pierre Fetet