Fukushima oscille entre le vert et le nucléaire

Neuf ans après l’accident nucléaire de Fukushima, le Japon repense sa politique énergétique. Le premier ministre Shinzo Abe veut remettre en marche les centrales, mais beaucoup veulent abandonner pour de bon le nucléaire et se mettre à l’énergie renouvelable.

Fukushima oscille entre le vert et le nucléaire
Panneaux solaires installés dans une serre expérimentale à Minamisoma, dans la préfecture de Fukushima, au nord-est du Japon. Kyodo/MaxPPP

 

La préfecture de Fukushima, encore traumatisée par le désastre nucléaire de 2011, passera au 100 % renouvelable d’ici à 2040. Selon la Nikkei Asian Review, 11 parcs d’énergie solaire et 10 centrales éoliennes y seront construits, pour un coût de 2,5 milliards d’euros. La production d’électricité serait de 600 mégawatts, l’équivalent des deux tiers d’une centrale nucléaire. Dans l’archipel, cette transition énergétique est l’exception plutôt que la règle.

Le nettoyage de la centrale nucléaire ne cesse d’être retardé. Initialement prévu en 2023, il a été repoussé jusqu’en 2028, notamment pour prévenir la propagation de poussière radioactive. Le démantèlement total de la centrale devrait quant à lui prendre encore trente à quarante ans.

Provoqué par un tsunami, l’accident nucléaire de Fukushima a été classé au même niveau de gravité que Tchernobyl, en raison de la masse de déchets radioactifs dont il est difficile de se débarrasser. Par exemple, plus d’un milliard de litres d’eau sont encore contaminés, qui pourraient être évaporés ou déversés dans l’océan.

Le Japon devenu le troisième importateur mondial de charbon

Dans la foulée de l’accident du 11 mars 2011, le gouvernement central a fermé la totalité des 54 centrales nucléaires du pays. Depuis, il en rouvre peu à peu. À ce jour, neuf sont en activité, après avoir passé des tests rigoureux. Des citoyens ou des gouvernements locaux ont porté plainte contre le gouvernement pour empêcher la réouverture des autres centrales, parfois avec succès.

Et ces neuf centrales ne suffisent pas à combler la demande énergétique. Pour pallier ce manque, le Japon est devenu le troisième importateur mondial – après l’Inde et la Chine – de charbon, une source d’énergie très polluante. Un « paradoxe » pour Daniel Aldrich, chercheur en rétablissement post-désastre, alors que la population veut abandonner le nucléaire et passer au vert.

Ce que souhaite aussi le nouveau ministre de l’environnement, Shinjiro Koizumi. « Nous courrons à notre perte si nous laissons un autre accident se produire », avait-il déclaré lors de sa prise de fonction en septembre dernier. Mais le gouvernement ne devrait vraisemblablement pas s’inquiéter des sorties de Koizumi, fils d’un ancien premier ministre. « Dans la tradition politique japonaise, la dynastie est plus importante que les positions du ministre, qui ne devraient pas s’imposer au gouvernement, explique Daniel Aldrich. Si la population est largement antinucléaire, la mobilisation n’est pas assez forte pour pousser le gouvernement à agir. »

Le soutien rural au nucléaire

Ce dernier rouvre des centrales dans les zones rurales qui survivent grâce aux subventions de l’État. « Sans le nucléaire dans ces zones très peu peuplées et victimes de l’exode rural, il n’y a aucun revenu à part la pêche et l’agriculture, explique Aldrich. Les gens se disent aussi qu’après Fukushima, le risque qu’un accident se reproduise est faible car les standards de sécurité ont été revus à la hausse, ce qui est vrai. »

Le premier ministre Shinzo Abe, du Parti libéral-démocrate (PLD), veut accroître de 17,4 à 22 % la part des énergies renouvelables d’ici à 2030, une cible jugée insuffisante par plusieurs, et surtout, qui sera égale à celle du nucléaire. Dans un pays où le PLD est presque continuellement au pouvoir depuis 1955, le nucléaire devrait vraisemblablement reprendre du service.