NUCLEAIRE Cette décision est l’aboutissement d’une procédure judiciaire lancée en 2012 par des actionnaires de Tepco

20 Minutes avec AFP  — 
Des plaignants et actionnaires de Tepco tiennent une bannière "Les actionnaires gagnent l'affaire" au tribunal de district de Tokyo à Chiyoda Ward, Tokyo le 13 juillet 2022.
Des plaignants et actionnaires de Tepco tiennent une bannière « Les actionnaires gagnent l’affaire » au tribunal de district de Tokyo à Chiyoda Ward, Tokyo le 13 juillet 2022. — Miho Takahashi for Pool/AP/SIPA

C’est la première fois que d’anciens dirigeants de Tepco sont condamnés pour la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011. La justice japonaise a condamné les quatre hommes à des dommages-intérêts record de près de 100 milliards d’euros. Cette décision est l’aboutissement d’une procédure judiciaire lancée en 2012 par des actionnaires de Tepco, l’opérateur de la centrale de Fukushima Daiichi, dévastée par un immense tsunami le 11 mars 2011.

A leur sortie du tribunal, des plaignants ont brandi des banderoles où l’on pouvait lire : « Responsabilité reconnue » et « Les actionnaires ont gagné ». Les dommages-intérêts ordonnés par la cour totalisent plus de 13.300 milliards de yens, soit près de 97 milliards d’euros, un record pour un procès civil au Japon, selon les avocats des plaignants.

Des fonds pour Tepco et des habitants sinistrés

« Nous sommes conscients que [cette somme] va bien au-delà de leurs capacités à payer » a convenu lors d’une conférence de presse Hiroyuki Kawai, un avocat des actionnaires, s’attendant à ce que les anciens dirigeants de Tepco payent ce que leurs moyens personnels leur permettront.

La justice a expliqué que ce montant astronomique devrait être payé à Tepco pour faire face à ses coûts de démantèlement de la centrale, de décontamination des sols et de stockage de déchets et débris radioactifs, ainsi qu’aux indemnités devant être versées aux habitants affectés par l’accident nucléaire. Les actionnaires ne cherchaient pas réparation pour eux-mêmes directement mais pour Tepco, dont ils détiennent une partie du capital.

Des décennies de travaux

Le juge a estimé que « le sens de la sûreté et de la responsabilité requis pour un opérateur d’une activité nucléaire faisait fondamentalement défaut », selon la chaîne de télévision publique japonaise NHK. Les actionnaires faisaient valoir que le désastre aurait pu être évité si les dirigeants de Tepco avaient pris en compte des rapports préconisant des mesures préventives contre un raz-de-marée, comme construire des digues et installer à une altitude plus élevée les systèmes d’électricité de secours de la centrale, située au bord de l’océan Pacifique dans le nord-est du Japon.

Trois des six réacteurs de la centrale – les unités 1, 2 et 3 – étaient en service lorsque le tsunami, consécutif à un puissant séisme sous-marin, a déferlé. Leurs systèmes de refroidissement sont tombés en panne quand des vagues ont inondé les générateurs de secours, provoquant la fusion des cœurs des trois réacteurs. Des explosions d’hydrogène s’étaient également produites dans les réacteurs 1, 3 et 4, faisant de gros dégâts. Les travaux de décontamination et de démantèlement de la centrale devraient encore durer plusieurs décennies.

Pas de poursuites au pénal

« Nous exprimons encore une fois nos excuses les plus sincères pour les gens de Fukushima et la société en général » pour les dégâts et les inquiétudes provoqués par cette catastrophe, a déclaré mercredi un porte-parole de Tepco, refusant toutefois de commenter la décision de justice. Depuis l’accident, Tepco fait face à de nombreuses procédures judiciaires, y compris de la part d’habitants ayant été forcés d’évacuer la zone à cause des radiations, dans des conditions parfois très éprouvantes.

En 2019, trois anciens dirigeants de l’opérateur poursuivis au pénal par des évacués de la région avaient été acquittés en première instance. Les parties civiles ont fait appel. Ces ex-patrons innocentés à l’époque – l’ancien président du conseil d’administration de Tepco Tsunehisa Katsumata et les anciens vice-présidents Sakae Muto et Ichiro Takekuro – figurent parmi les quatre condamnés au civil mercredi, au côté d’un autre ancien dirigeant de la société, Masataka Shimizu.

Des milliers de « décès liés »

Si le tremblement de terre et surtout le tsunami du 11 mars 2011 ont causé la mort de 18.500 personnes dans le nord-est du Japon, la catastrophe nucléaire de Fukushima en elle-même n’a fait aucune victime sur le coup. Cependant, elle est indirectement responsable de plusieurs milliers de « décès liés », reconnus par les autorités japonaises comme des morts dues à la dégradation des conditions de vie des nombreuses personnes évacuées de la région.