"Rien n'est plus proche du Vrai ... que le Faux"

Auteur/autrice : serge angeles Page 30 of 32

Lieux les plus radioactifs

Voici les lieux les plus radioactifs au monde

Le gouvernement français veut lancer une grande consultation nationale sur le devenir des déchets nucléaires d’ici à l’automne. Alors que le projet d’enfouissement suscite la polémique à Bures (Meuse), tour d’horizon des endroits du monde qui restent les plus pollués au plutonium et à l’uranium.

Fukushima, Japon

Régulièrement, les enfants, qui vivent dans la zone d’évacuation de la centrale nucléaire de Fukushima, sont soumis à des vérifications des signes de radiation. (Photo : Reuters)

Depuis sept ans, c’est l’endroit le plus radioactif au monde. En mars 2011, un tremblement de terre de magnitude 9 sur l’échelle de Richter, a déclenché un tsunami sur la côte Pacifique du Japon, entraînant la pire catastrophe nucléaire depuis Tchernobyl. En conséquence, trois des six réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi ont fondu et une énorme quantité de radiations s’est déversée. On estime qu’il faudra quatre décennies pour démanteler complètement la centrale nucléaire. Aujourd’hui encore, la région enregistre des pics de radioactivité stratosphériques, que ce soit dans ses sols, ou dans l’eau : plus de 700 000 m³ d’eau contaminée auraient d’ailleurs été déversés récemment dans la mer, faute de place pour les stocker, selon le site américain IFL Science.

Tchernobyl, Ukraine

Une zone d’exclusion de 2 600 km2 existe toujours autour de Tchernobyl. (Photo : Reuters)

En avril 1986, une explosion à la centrale nucléaire de Tchernobyl, en Ukraine, a entraîné le rejet d’une grande quantité de matières radioactives dans l’air et dans l’atmosphère, causant la mort d’environ 93 000 personnes. La catastrophe a libéré 100 fois plus de radiations que les bombes de Nagasaki et d’Hiroshima. Au total, on estime que six millions de personnes ont été exposées aux rayonnements, qui se sont propagés à travers l’Europe et la Russie. La Biélorussie a absorbé plus de 70 % des radiations. Il existe une zone d’exclusion de 2 600 km2 autour de l’usine de Tchernobyl, qui est toujours fermée au public. Les efforts de nettoyage sont toujours en cours, mais il faudra attendre plusieurs décennies avant que les gens puissent retourner vivre dans la région.

Maïlou-Sou, Kirghizistan

Maïlou-Sou est une ville minière de la région de province de Djalalabad dans le sud du Kirghizistan. Contrairement à d’autres endroits, le rayonnement n’est pas dû à des centrales nucléaires ou à des bombes, mais à l’extraction d’uranium. L’Union soviétique, qui avait mis en place une installation minière à l’époque, a enfoui environ 10 000 tonnes de minerai d’uranium dans les zones excavées. Elle compte actuellement 1,96 million de mètres cubes de déchets d’uranium et 26 décharges autour de la ville. La région est également connue pour avoir une grosse activité sismique, ce qui ne fait qu’augmenter le risque de propagation de la radioactivité.

Le combinat chimique de Sibérie

Situé à environ 3 000 km de Moscou, le Sibkhim (en russe et en abrégé), est une usine russe située à Seversk au nord de la ville de Tomsk, comprenant plusieurs réacteurs nucléaires et des installations de séparation isotopique, d’enrichissement et de retraitement de l’uranium et du plutonium et le stockage de centaines de milliers de tonnes de déchets nucléaires. Elle a été utilisée dans le programme de recherche nucléaire de l’URSS pour enrichir l’uranium et le plutonium pendant une quarantaine d’années. Aujourd’hui, des milliers de litres de déchets liquides sont découverts dans des piscines et 113 000 tonnes de déchets radioactifs solides sont stockées dans des conteneurs qui fuient. En conséquence, des taux de mortalité élevés ont été enregistrés dans la faune environnante.

Le polygone du Kazakhstan

Le polygone, également connu sous le nom de site d’essais de Semipalatinsk, a été l’un des principaux sites d’essais d’armes nucléaires de l’URSS pendant la guerre froide. On estime que plus de 450 essais nucléaires ont été effectués dans la région de 1949 à 1989. Dans cette région du monde, près de 200 000 personnes souffrent encore des effets néfastes de la radioactivité.

Sellafield, au Royaume-Uni

Le site de Sellafield, au Royaume-Uni, en 2000. (Photo : EPA)

Sellafield a été construit en 1940 sur la côte ouest de l’Angleterre pour fabriquer du plutonium pour les armes atomiques. En 1957, un énorme incendie a ravagé l’usine d’enrichissement du plutonium pendant trois jours et des quantités massives de fumées radioactives ont été libérées dans l’atmosphère. L’incident est considéré comme le pire accident nucléaire de l’histoire du Royaume-Uni. On estime que l’évaporation des fumées radioactives serait à l’origine de 240 cas de cancer. Selon des associations de défense de l’environnement, la centrale libérerait encore 8 millions de litres de déchets contaminés par jour, ce qui ferait de la mer d’Irlande la mer la plus radioactive du monde.

Hanford, aux États-Unis

C’est ici qu’a été entreposé le plutonium qui a servi à la fabrication de la toute première bombe atomique qui a explosé à Hiroshima, et aussi la seconde qui a éclaté à Nagasaki. Et l’activité atomique a continué durant une bonne partie de la guerre froide. Avec des millions de déchets toxiques et des centaines de mètres cubes d’eau contaminés dans la zone, c’est le lieu le plus radioactif des États-Unis. Le complexe de production nucléaire de Hanford a été construit en 1943 dans le cadre du projet Manhattan. Même si le gouvernement américain a fait de son mieux pour atténuer les effets négatifs en déclassant la centrale, la zone représente encore plus de 65 % des déchets hautement radioactifs du pays, tant sous forme solide que liquide.

La côte somalienneAu cours des années 1980, plusieurs entreprises suisses et italiennes, et même la mafia italienne, ont profité de la réglementation somalienne laxiste et ont secrètement déversé des déchets hospitaliers radioactifs, des déchets nucléaires et des métaux toxiques sur cette côte d’Afrique. L’effet de cette matière radioactive cause encore de nombreux cancers et de nombreuses malformations chez les nourrissons de la région.

Maïak, en Russie

La région de Maïak reste fermée au grand public. (Photo : Ecodefense/Heinrich Boell Stiftung Russia/Slapovskaya/Nikulina)

Le complexe radio-chimique Maïak au nord-est de la Russie a été le théâtre d’essais nucléaires durant des dizaines d’années. En 1957, une explosion a libéré plus de 100 tonnes de déchets radioactifs dans l’air. Le pire c’est que l’explosion a été gardée secrète jusque dans les années 1980 ! Au final, plus de 400 000 personnes ont été exposées aux radiations.

Fukushima, une catastrophe mais …

Fukushima, une catastrophe mais une apocalypse évitée

23.03.2018
Par Guillaume Erner

Fukushima : un procédé français de …

Fukushima : un procédé français de dépollution décontamination des terres expérimenté au Japon


Le CEA, Orano et Veolia ont expérimenté au Japon entre le 13 et le 17 novembre 2017 un procédé de décontamination de terres radioactives. Ces essais ont été réalisés au Japon sur plusieurs centaines de kilogrammes de terre de la région de Fukushima.

Publié le 22 mars 2018

​Dans la région de Fukushima, environ 22 millions de mètres cube de terre contaminés par la radioactivité ont été retirés de la surface des sols après l’accident de la centrale nucléaire dans le but de restaurer au plus vite l’accessibilité de la zone à ses habitants. Cette terre est entreposée dans de grands sacs appelés ‘big bags’ sur plusieurs sites dédiés. Les autorités japonaises cherchent les meilleures technologies pour supprimer ou réduire la présence d’éléments radioactifs dans les terres. Il s’agit de réduire le volume de ces déchets en concentrant la radioactivité essentiellement due au césium dans un faible volume et récupérer la partie décontaminée. La particularité du procédé proposé par le CEA, Orano et Veolia est de séparer directement les particules de terres contaminées par le césium radioactif des particules très peu ou pas contaminées.

Des technologies pour remédier à une pollution accidentelle

En France, les acteurs de ce projet, baptisé Demeterres (1), développent, depuis 2013, plusieurs technologies inédites de remédiation des sols et des effluents contaminés. Ces technologies, fondées sur des procédés biologiques ou physico-chimiques ont pour but de décontaminer les sols en utilisant des méthodes « éco-compatibles » en vue de les réhabiliter pour restaurer leur usage.

Une campagne d’essais réels au Japon

L’un des procédés physico-chimiques développés dans le cadre de ce projet par le CEA, Orano et Veolia, désigné « mousse de flottation », a été testé au Japon dans la semaine du 13 au 17 novembre 2017. Il consiste à faire mousser une suspension de terre dans une colonne de flottation. La terre contaminée est préalablement mise en suspension dans l’eau avec un produit moussant. Le mélange est injecté dans une colonne verticale dans laquelle on injecte ensuite des bulles d’air. Les particules d’argile chargées en césium sont entrainées à la surface par les bulles et forment une mousse qui s’accumule et est aspirée en tête de colonne. On récupère donc :

  • d’une part, dans la partie « mousse » en haut de la colonne, les fines particules contenant une forte proportion de la radioactivité,
  • d’autre part, en pied de colonne, la terre débarrassée des fines particules, donc d’une grande partie de la radioactivité.

Les essais de flottation, menés par les équipes CEA/Orano/Veolia françaises au Japon en novembre 2017 ont permis d’atteindre les objectifs fixés sur deux big bags. Il a été possible de récupérer 70 à 85 % de la masse initiale de terre dans laquelle il ne reste que 33 % à 50 % de la quantité de radioactivité initiale.
Cette terre a un niveau de radioactivité conforme au seuil de 8 kBq/kg fixé par la réglementation japonaise en vue d’une possible revalorisation.
Pour améliorer encore le rendement d’extraction du césium, des optimisations de la préparation de la terre (séchage, émiettage, prétamisage et dispersion dans l’eau) ont été proposées.

Perspectives

Si la technologie présentée est sélectionnée par les autorités japonaises, l’étape suivante consistera à la développer à plus grande échelle afin qu’elle puisse être mise en œuvre dans les communes japonaises hébergeant des centres de stockage.
Ce procédé a fait l’objet d’un brevet CEA exploité au niveau « pilote pré-industriel» par Orano et Veolia.

Du pilote à la démonstration in situ

  • 2016 : premier pilote en colonne (de 2 m de hauteur, 20 cm de diamètre) est testé en France, au CEA Marcoule, sur différentes terres non contaminées. Les paramètres : débit d’air, agent moussant, temps de résidence… ont été optimisés pour extraire un maximum de particules d’argile. Ces essais ont permis de recueillir des données utiles sur le fonctionnement du procédé.
  • Avril 2017 : la technologie est proposée, via une filiale japonaise d’Orano (Anadec), dans le cadre de l’appel à projets « Démonstration de nouvelles techniques de décontamination » du Ministry of Environment (MoE) japonais.
  • Juillet 2017 : la technologie est sélectionnée pour démonstration in situ, par les autorités japonaises, tout comme neuf autres technologies (sur 19 projets présentés). Ces démonstrations de technologies innovantes sont fondées sur des essais de fonctionnement de courte durée en environnement réel. Ils permettent, pour les acteurs locaux, d’enrichir l’éventail de possibilités pour décontaminer les sols.
  • Novembre 2017 : les essais de démonstration en présence de représentants du MoE ont été réalisés avec succès, du 13 au 17 novembre 2017, sur la commune d’Okuma qui héberge des centres de stockage de big-bags contenant des sols contaminés. Sur la plupart des terres testées, 70 à 80 % des fines particules préalablement libérées par l’agitation dans l’eau ont bien été séparées par flottation permettant la concentration volumique de la radioactivité d’un facteur 3 à 7.
(1) Développement de méthodes bio- et éco-technologiques pour la remédiation raisonnée des effluents et des sols en appui à une stratégie de réhabilitation agricole post-accidentelle

demeterrees-2.jpgPilote intégré de flottation par mousse particulaire, en phase de test au CEA Marcoule (France) © Sylvain Faure/CEA

demeterrees-1.jpgLa récolte de la mousse contenant le césium fixé sur les particules d’argile, lors de l’expérimentation au Japon © J-L Sida/CEA

Protéger les générations futures

Visite de la centrale nucléaire de Daiichi par les inspecteurs de l’AIEA. Fukushima, mai 2011. © TEPCO HANDOUT/EPA

NUCLEAIRE

Protéger les générations futures des menaces nucléaires et climatiques

OPINION. A l’âge de l’anthropocène, une nouvelle justice doit voir le jour, estiment trois spécialistes ayant participé à l’élaboration d’une déclaration sur les crimes transgénérationnels

L’accroissement des tensions nucléaires pose de graves problèmes juridiques. Les Etats-Unis peuvent-ils violer le traité nucléaire avec l’Iran? Quelle est la base légale des projets américains de développer l’arsenal nucléaire, alors que le traité de non-prolifération oblige à réduire et finalement à éliminer ces armes?

Un dilemme plus important se profile au sujet de la production et des essais des armes atomiques, ainsi que des menaces de les utiliser. Quelles seront les répercussions sur les droits humains des générations futures? Les mêmes questions se posent à propos du nucléaire civil, avec ses déchets hautement radioactifs, et de la déstabilisation du climat.

De tels crimes contre le futur peuvent-ils être considérés comme légaux? Comment respecter les droits des générations futures dans de telles circonstances? Trois symposiums internationaux, à Bâle, à Caen et à Prague, ont récemment abordé ces questions. La conférence de Bâle a produit une Déclaration sur les droits de l’homme et les crimes transgénérationnels résultant de l’usage militaire et civil de l’atome.

Tchernobyl et Fukushima

Protéger les générations futures était déjà une considération importante lorsque en 1996 la Cour internationale de justice déclara que la menace et l’usage d’armes atomiques étaient illégaux, vu l’impact durable et sans discrimination. Malgré la décision de la cour, la plupart des Etats nucléaires maintiennent une politique (illégale) de dissuasion nucléaire, avec l’option d’une première frappe préventive.

Quelque 2000 bombes atomiques ont explosé depuis 1945, libérant des millions de curies de radiation

Les lois en vigueur ne permettent pas d’assurer la protection des générations futures. Ces insuffisances ne sont pas acceptables. Quelque 2000 bombes atomiques ont explosé depuis 1945, libérant des millions de curies de radiation: les effets sur la santé humaine persisteront pendant des générations. La plupart des victimes vivent dans des régions reculées du Pacifique, les steppes du Kazakhstan, le Sahara. Elles sont oubliées.

Quelques efforts ont été faits. Ainsi le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires de 2017 exige que les victimes des essais atomiques soient assistées et que l’environnement soit rétabli. Mais ces dispositions ne sont pas applicables vu qu’aucun Etat en possession de l’arme nucléaire n’a signé le traité. Les centrales nucléaires menacent aussi la santé humaine. L’explosion de Tchernobyl a sévèrement contaminé la région et le continent européen. A Fukushima, de grandes quantités d’eau radioactive continuent de s’écouler dans le Pacifique. Certains isotopes ont des demi-vies de milliers d’années.

Ethique de l’anthropocène

Tout comme le Traité sur l’interdiction des armes nucléaires, le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PDESC) affirme un droit à la santé, applicable en cas de contamination nucléaire. En pratique, ce droit n’est pas respecté. Ainsi le Japon, qui a ratifié le pacte et inscrit dans sa Constitution le principe du droit transgénérationnel, empêche les médias d’informer sur ce qui se passe à Fukushima et freine la recherche médicale. Le gouvernement japonais soutient que les faibles doses de radiation sont inoffensives, ce qui est indéfendable. L’exposition aux radiations peut provoquer des mutations qui se manifesteront après des générations. Dans sa gestion de Fukushima, le Japon ne respecte pas sa propre Constitution ni le PDESC.

Ne pas combattre effacement les changements climatiques est aussi un crime contre le futur. Les chances d’atteindre le but fixé à Paris, limiter le réchauffement à 2°C, s’éloignent depuis le retrait des Etats-Unis. Deux ans après l’Accord de Paris, les émissions de gaz à effet de serre continuent d’augmenter.

Peut-on considérer tout cela comme étant légal? Plus pour longtemps. Avec l’âge nucléaire, l’homme a acquis un pouvoir sans précédent sur la nature et toute forme de vie. De nombreux experts estiment qu’à l’ère de l’anthropocène de nouveaux codes éthiques sont nécessaires, en médecine comme en droit. Les effets transgénérationnels des catastrophes nucléaires et climatiques requièrent un changement de paradigme pour penser le futur. Il reste un long chemin à parcourir afin d’adapter le cadre légal actuel aux réalités des menaces nucléaires et climatiques.

Rencontre avec des familles rescapées de Fukushima

Drôme: rencontre avec des familles rescapées de Fukushima

Deux mères de famille japonaise en visite à la CRIIRAD- Valence Drôme le 19/03/2018 / © France 3 RADeux mères de famille japonaise en visite à la CRIIRAD- Valence Drôme le 19/03/2018 / © France 3 RA

 

Six ans après l’accident nucléaire du 11 mars 2011 à Fukushima, une délégation de trois familles japonaises accompagnées de leurs enfants, effectue une tournée en France pour témoigner de la situation critique des sinistrés nucléaires au Japon. Elle était à Valence ce lundi 19 mars.

Par Isabelle Gonzalez

L’accident nucléaire qui a sinistré en mars 2011 la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi au Japon est passé, en cette année 2018, à un état de crise chronique avec des fuites radioactives récurrentes. Alors que la contamination de l’environnement présente toujours des risques sanitaires très importants, sur de vastes territoires, la «politique du retour» décidée par le gouvernement et la fin de l’aide publique auprès des évacués, bouleversent la situation des personnes sinistrées.


C’est dans un tel contexte qu’une délégation de trois familles japonaises accompagnées de leurs enfants s’est rendue au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU à Genève pour faire reconnaître leur droit fondamental de vivre dans un environnement sain, exempt de radioactivité. Ces familles sont soutenues, dans leur démarche par l’Association Lyon-Japon NIHONJINKAI, la Bibliothèque Centre Ville de Grenoble, le Comité de l’Isère du Mouvement de la Paix, la CRIIRAD, l’Hôtel Novotel Lyon Confluence, la Réaction en Chaîne Humaine, le collectif Sortir du Nucléaire Isère et Stop Nucléaire 26-07.

Elle effectue ensuite une tournée en France pour témoigner sur la situation critique des sinistrés nucléaires au Japon. Elle était à Valence dans la Drôme ce lundi.

Drôme : A la rencontre de 3 familles japonaises rescapées de Fukushima
Le témoignages de trois mères japonaises à Valence aujourd’hui. Ce sont des rescapées de la catastrophe de Fukushima. Elles ont rencontré les responsables de la CRIIRAD. L’association veut les aider et apporter son expertise. Reportage de Daniel Pajonk et Stéphane Hyvon.

Catastrophe de Fukushima: sept ans après

Experts de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) en visite sur le site de Fukushima. Mai 2011.
© TEPCO HANDOUT

Catastrophe de Fukushima: sept ans après

OPINION. Chaque jour, 6000 liquidateurs travaillent sur le site afin de garder la maîtrise sur le plus grand accident nucléaire mondial, écrit le géo-économiste Laurent Horvath

Le 11 mars 2018, 7 bougies ont été soufflées sur le gâteau de la catastrophe nucléaire à la centrale de Fukushima Daiichi, au Japon. Le démantèlement estimé à 620 milliards de dollars, qui devrait durer quarante ans, suit son bonhomme de chemin. L’opérateur TEPCO continue de refroidir avec de l’eau les 3 réacteurs dont le combustible a fondu (corium) et espère pouvoir le repérer grâce à des robots et un peu de chance. Chaque jour, 6000 liquidateurs travaillent sur le site afin de garder la maîtrise sur le plus grand accident nucléaire mondial.

Des policiers japonais en plein travail à Ukedo, à quelqus kilomètres au nord du site du TEPCO.KIMIMASA MAYAMA

Après le tsunami, les combustibles nucléaires des réacteurs 1, 2 et 3 avaient rapidement fondu. Depuis, les cuves de ces réacteurs doivent être refroidies en permanence pour éviter une surchauffe.

Robots bredouilles

TEPCO tente de localiser précisément le combustible fondu et les débris de combustible pour les extraire et rendre les réacteurs inoffensifs. Mais pour l’instant les robots et les caméras sont rentrés bredouille. Les magmas pourraient avoir traversé les dalles de confinement et se trouver sous la centrale. Ces opérations sont essentielles pour pouvoir sécuriser et stabiliser Fukushima.

1 million de mètres cubes d’eau radioactive sont stockés dans des milliers de cuves sur le site

Cela n’empêche pas TEPCO d’espérer pouvoir enlever le corium dans le réacteur 3 durant 2018. Sur ce réacteur, un toit a été spécialement installé pour limiter des fuites radioactives durant l’opération. Pour les réacteurs 1 et 2, cette opération ne devrait pas se réaliser avant 2023. Pour le réacteur 4, la construction d’un toit au-dessus de la piscine de stockage a été achevée fin février. Cela évitera les fuites de radioactivité pendant la manipulation de ces débris.

TEPCO utilise 100 tonnes d’eau par jour pour stabiliser la température des réacteurs et éviter un échauffement. Ainsi, 1 million de mètres cubes d’eau radioactive sont stockés dans des milliers de cuves sur le site. L’eau est en partie traitée, mais aucune solution n’a encore été trouvée pour éliminer l’un de ces éléments radioactifs: le tritium. In fine, une grande partie devrait être rejetée dans le Pacifique avec l’aval du gouvernement.

Des véhicules sont inspectés au checkpoint d’Okuma, près du site du TEPCO. KIMIMASA MAYAMA
Remise en service de 42 réacteurs

Depuis l’année dernière, un mur de glace souterrain est en place autour des bâtiments pour éviter que les eaux ne soient souillées au contact des installations. Pour limiter les fuites, un mur imperméabilisant est en place depuis 2016 du côté du Pacifique, tandis que le sol de la centrale a été presque entièrement bétonné. Cependant, l’ancien premier ministre, Naoto Kan, met en doute la pertinence de ce mur de froid.

Le gouvernement du premier ministre Abe souhaite remettre en service 42 réacteurs sur les 54 en fonctionnement avant le 11 mars 2011. Depuis, cinq réacteurs ont redémarré, et 19 autres sont dans les starting-blocks. Cependant, les coûts d’adaptation aux nouvelles normes de sécurité s’élèvent à près d’un milliard de dollars par réacteur et la relance nucléaire se heurte aux réticences des populations. Seulement 10% des habitants sont revenus vivre dans le secteur qui est toujours fortement irradié.

7 ans après à Fukushima

Fukushima 7 ans après

http://www.europe1.fr/emissions/les-reportages-des-carnets-du-monde/fukushima-7-ans-apres-3601571

Le 11 mars 2011, un tremblement de terre suivi d’un tsunami et d’un accident à la centrale nucléaire de Fukushima faisait 18.000 morts et disparus. Sept ans plus tard, retour à Fukushima où la vie reprend laborieusement ses droits dans certaines zones. Si les terres contaminées par les radiations ont poussé de nombreux habitants à refaire leur vie ailleurs, dans certaines villes, on commence à voir de nouveau bourgeonner l’activité humaine

Avec Bernard Delattre, correspondante à Tokyo, Japon.

Fukushima: les imparables leçons…

Nucléaire: les imparables leçons de la catastrophe de Fukushima

PAR

Deux voix venues du Japon secouent la torpeur pronucléaire de la France, en ce septième anniversaire de la catastrophe de Fukushima. Écouter Naoto Kan, ancien premier ministre devenu anti-atome, et lire Masao Yoshida, le directeur défunt de la centrale, c’est comprendre l’impuissance des gouvernements face à une catastrophe nucléaire.

Vente de réacteurs EPR à l’Inde, soutien à celui voulu par la Grande-Bretagne à Hinkley Point, torpillage de l’objectif de réduction à 50 % de la part d’électricité d’origine nucléaire : le soutien de l’État à l’atome est plus marqué que jamais.

C’est dans ce contexte particulier que deux voix venues du Japon perturbent l’apparent consensus officiel. L’une est articulée par un dirigeant politique de premier plan, auréolé de son retournement contre le nucléaire à la suite de la catastrophe de Fukushima. C’est celle de Naoto Kan, premier ministre en fonctions lorsqu’un tremblement de terre et un tsunami ravagent son pays et déclenchent l’une des pires crises nucléaires de l’Histoire à la centrale de Fukushima Daichii, en mars 2011. Aujourd’hui député à la Diète, élu du parti démocrate du Japon (PDJ), il soutient une proposition de loi favorable à la sortie du nucléaire alors que l’actuel chef du gouvernement, Shinzo Abe, veut au contraire relancer les réacteurs à l’arrêt.

À l’occasion du septième anniversaire de la catastrophe de Fukushima, il est en visite en France pour alerter sur les dangers de l’atome. « Ce que je veux dire aux Français, c’est que le risque est énorme, explique-t-il à Mediapart. S’il y a un accident dans une centrale nucléaire, vous risquez d’avoir un tiers de votre territoire, ou peut-être la moitié, qui devienne inutilisable, invivable pendant des dizaines d’années. Je crois que vous devez être conscients de cela, que vous devez sortir du nucléaire, consommer moins d’électricité et, surtout, faire confiance aux énergies renouvelables. Prenez conscience de ce risque, il est énorme. »

Pendant près d’une semaine, il a multiplié les interventions publiques : discours devant des militant·e·s de La France insoumise – qui organise une votation citoyenne sur le sujet –, allocutions à l’Assemblée nationale et au Parlement européen, déplacement devant le chantier de l’EPR à Flamanville et à La Hague, où sont stockés les déchets radioactifs français. Sa venue suscite l’intérêt des médias, où certain·e·s le décrivent en « rock star »de l’antinucléaire.

Naoto Kan, pendant sa visite à Rikuzentakata, frappée par le séisme et le tsunami, le 2 avril 2011 (Reuters/Damir Sagolj).Naoto Kan, pendant sa visite à Rikuzentakata, frappée par le séisme et le tsunami, le 2 avril 2011 (Reuters/Damir Sagolj).

L’autre voix est bien plus discrète, et s’exprime dans un livre sobrement intitulé Un récit de Fukushima. Elle est posthume. C’est celle de Masao Yoshida, directeur de la centrale Fukushima Daiichi au moment de la catastrophe. Il est mort en juillet 2013 d’un cancer de l’œsophage. Mais deux chercheurs français, Franck Guarnieri et Sébastien Travadel, ont fait traduire et éditer pour la première fois en français de larges extraits de son audition auprès de la commission d’enquête alors mise sur pied par Naoto Kan.

À les entendre tous les deux aujourd’hui, avec le décalage de registre de parole et des années, deux visions s’affrontent sur la responsabilité face à la catastrophe. Interrogé pendant près d’une heure par Mediapart sur ses décisions pendant et après la catastrophe en 2011, Naoto Kan, physicien de formation, décrit à plusieurs reprises son incapacité à évaluer seul la gravité de la situation. Pourquoi son gouvernement a-t-il autorisé un seuil d’exposition de la population de 20 millisievert (mSv), considéré comme dangereux par certain·e·s expert·e·s en radioprotection, ouvrant la voie au retour chez eux des déplacé·e·s de Fukushima ? « Attention, ce n’est pas moi qui ai décidé que ce seuil de 20 mSv était le bon, nous répond-il, ce n’est pas du tout quelque chose que des hommes politiques peuvent décider comme cela. Ce sont les experts qui ont décidé. Ce sont des compromis de discussions entre experts médicaux et nucléaires. On a fait une cote à 20 mSv qui semble à peu près acceptable par toutes les parties. Moi, personnellement, je n’ai aucun avis là-dessus. »

Il rapporte à ce sujet une autre anecdote, effrayante a posteriori : « Au sein du ministère de l’économie et de l’industrie, il y avait l’Agence de sûreté nucléaire [devenue depuis l’Autorité régulatrice du nucléaire – ndlr], formée d’experts. En cas de crise, un dispositif se met en place, avec une commission de sûreté nucléaire, sous la responsabilité directe du premier ministre, assisté par des membres de l’agence. Au moment où l’accident s’est produit, le responsable de cette agence du Miti est venu me voir, et je lui ai posé trois questions : quelle est la situation actuelle ? Comment ça va évoluer ? Quelles mesures pouvons-nous prendre pour remédier à cette situation ? Mais les réponses qu’il m’a données étaient tellement confuses et absconses que je me suis dit : “Qu’est-ce que ça veut dire ? Soit c’est moi qui ne comprends pas. Soit c’est lui qui n’est pas tout à fait compétent et ne me donne pas les explications qu’il faut.” Je lui ai donc demandé : “Pourquoi je ne comprends pas vos explications ?” Il a été obligé de me dire qu’il ne connaissait rien au nucléaire et qu’il était diplômé de l’université de Tokyo en sciences économiques. C’est normal que le ministère de l’économie nomme un économiste pour s’occuper d’industrie nucléaire. Mais c’était très gênant qu’il soit à la direction d’une agence en principe formée d’experts qui devaient m’aider à prendre des décisions. Cela montre que tout l’organigramme du gouvernement japonais était fondé sur la supposition qu’il n’y aurait pas d’accident majeur dans l’industrie nucléaire. Ils n’avaient jamais pensé à la possibilité d’un accident majeur. Il est normal qu’un ministre ne soit pas au courant, mais que le responsable de la sécurité, chargé d’édicter les règles, ne le soit pas, là ça pose un gros problème. »Quelques mois plus tard, une commission parlementaire lance une enquête sur la conduite des autorités pendant la catastrophe. « On a compris à ce moment-là, et c’est écrit dans le rapport de la commission, qu’au lieu de servir de soutien aux politiques qui, par définition, ne connaissent pas bien le nucléaire, l’Agence de sûreté nucléaire avait été en fait la courroie de transmission des opérateurs », poursuit Naoto Kan.

« Tout le monde a fui et personne n’est venu »

Face à la complexité technique du fonctionnement des réacteurs et à la difficulté de comprendre quelle décision prendre, Naoto Kan avoue son impuissance : « Pendant toute cette période, ce que je peux dire de mon expérience, c’est que je n’ai jamais eu en temps utile les infos que je voulais avoir. Ce n’est pas la faute des experts, c’est la faute du temps. » Il a démissionné de son poste de premier ministre fin août 2011, sous le feu des critiques pour sa gestion de la catastrophe de Fukushima, jugée calamiteuse par l’opposition.

Une rumeur l’a accusé d’avoir interdit de communiquer sur la fusion des cœurs de trois réacteurs de la centrale de Fukushima, l’accident le plus grave pour une centrale, pour ne pas effrayer la population. « Mais je n’ai pas su quand la fusion a eu lieu, affirme-t-il aujourd’hui. On a appris il y a deux mois que c’était le président de Tepco [l’opérateur de la centrale – ndlr] qui avait interdit qu’on utilise ce mot. Il l’a reconnu il y a trois mois. »

N’a-t-il pas été possible au chef du gouvernement d’être informé correctement de ce qui se passait dans la centrale accidentée ? « Ceux qui savent tout, c’est Tepco, répond-il. Je ne peux apprendre les choses que par eux, selon leur bon vouloir. Ils connaissent toutes les données de la centrale. Je n’ai aucun moyen de savoir par moi-même. » Aujourd’hui encore, les témoignages du président et du directeur général de Tepco devant la commission d’enquête gouvernementale restent confidentiels, à leur demande. « Donc pour le moment, il y a encore des informations secrètes, explique Naoto Kan. J’ai témoigné et tout a été publié. Tous les autres participants ont donné leur accord mais les deux principaux dirigeants de Tepco, non. C’est bien sûr un grand problème. »

À l’inverse, dans un récit bouleversant de précision devant la commission d’enquête parlementaire, Masao Yoshida, l’ancien directeur de la centrale de Fukushima, dénonce l’irresponsabilité des politiques : « Le tsunami de mars a fait 23 000 victimes. Qui les a tuées ? C’est un séisme de magnitude 9 qui les a tuées. On brandit notre responsabilité. Mais pourquoi n’avait-on pas pris les dispositions pour que ces personnes ne meurent pas ? Au lieu de se poser ces questions, la discussion fait un bond et se concentre sur le seul point de la responsabilité de Tepco. Je ne trouve pas ça normal. S’il s’agit de mesures fondamentales pour protéger la vie et les biens des Japonais, il faudrait que la cellule de gestion de crise du premier ministre prenne les mesures qui s’imposent avec les autorités locales. Mais l’État ne fait rien. Il se contente de remettre en question l’organisation des centrales nucléaires (…). Bien sûr protéger une centrale nucléaire est important, mais si on n’a pas de plan d’ensemble, on ne peut pas parler de véritables mesures de protection. Je trouve que l’État a une vision biaisée, concernant les séismes et les tsunamis. »

Que nous apprend son récit ? La terreur d’avoir à prendre des décisions face à une catastrophe en train de se produire, sans avoir, lui non plus, les éléments nécessaires à la prise de décision. Quarante et une minutes après le début du séisme, les premières vagues du tsunami atteignent Fukushima Daiichi. Elles mesurent environ 8 mètres de haut. Dix minutes plus tard, déferlent des vagues estimées à plus de 15 mètres de haut. Jusque-là, la NHK, la télé japonaise, n’avait annoncé que des vagues de 5 mètres. La centrale a été conçue pour résister à un tsunami de 6,10 mètres de haut.

Un quartier déserté de la ville balnéaire de Namie, évacuée pendant la catastrophe nucléaire de Fukushima, le 28 février 2017 (Reuters).Un quartier déserté de la ville balnéaire de Namie, évacuée pendant la catastrophe nucléaire de Fukushima, le 28 février 2017 (Reuters).

La perte des circuits électriques rend très difficile l’action de refroidissement des réacteurs et empêche le suivi de ce qui s’y passe par les outils dédiés. Les ingénieurs doivent agir dans le noir, parfois littéralement : il n’y a plus de lumière dans la salle des commandes et les pilotes ne voient plus leurs instruments. Enfermés dans le bâtiment antisismique, sans images de l’extérieur, le directeur et ses collaborateurs ne comprennent que le tsunami est passé que lorsqu’ils voient que l’alimentation en courant électrique a cessé et que les générateurs de vapeur ne fonctionnent plus.

« Nous étions tous tellement terrassés que nous sommes restés sans voix (…), tout en accomplissant ces tâches administratives, émotionnellement nous étions anéantis. »Dans cette situation extrême, les procédures et manuels de gestion de crise deviennent inutiles. L’« imaginaire collectif » des opérateurs de la centrale a été « balayé », analysent Franck Guarnieri et Sébastien Travadel. Ils font l’expérience de l’effondrement de leur cadre institutionnel, expliquent les deux chercheurs. Aucune procédure ne prévoit ce qui se passe, les autorités politiques ne savent pas quoi faire, le directeur de la centrale est quasiment coupé du monde. « La centrale s’est libérée des hommes, écrivent-ils. Il ne s’agit plus ici de l’exploiter, de la contrôler, de la maintenir, mais bien de la combattre. Un combat à mort. »

Des décisions ultratechniques, complexes et dangereuses doivent être prises dans un état de bouleversement émotionnel. Le directeur décide d’injecter de l’eau de mer dans les réacteurs pour empêcher qu’ils ne s’emballent. Masao Yoshida explique : « Je n’en avais pas entendu parler parce que nulle part au monde on ne l’avait jamais fait. » Mais la situation se complique terriblement et, au bout d’un moment, ce sont trois réacteurs que les équipes doivent gérer en même temps. « Je vous assure, personne n’a jamais eu à faire face à trois tranches nucléaires à la fois, et pour être franc, je pense que cela n’arrivera probablement plus jamais. Je n’ai même pas envie d’y repenser. »

Le 13 mars, au troisième jour depuis l’accident, le réacteur 3 explose : « Au début, tout juste après l’explosion, quand les tout premiers rapports sont arrivés du terrain et que j’ai su qu’il y avait une quarantaine de disparus, j’ai vraiment eu l’intention de me donner la mort. Si c’était vrai. S’il y avait quarante morts, j’étais décidé à me faire hara-kiri. » Mais finalement, personne n’y a perdu la vie et l’équipe poursuit son travail. Au bout d’un moment, les sous-traitants sont renvoyés chez eux. Seuls restent le directeur et une cinquantaine de personnes – contre environ 5 000 avant l’accident.

Il est d’autant plus instructif d’entendre ces deux voix aujourd’hui en parallèle que Naoto Kan et Masao Yoshida se sont fait face lors de l’accident. Et se sont affrontés, indirectement. Quand le directeur de la centrale décide d’injecter de l’eau de mer pour refroidir les réacteurs, le vice-président de Tepco, depuis le bureau du premier ministre, lui ordonne d’arrêter. L’ingénieur raconte comment il a sciemment désobéi et menti à ses supérieurs.

Au deuxième jour de l’accident, Naoto Kan se rend sur la centrale, pour une visite qui ne dure pas même une heure. Sa rencontre avec le responsable de l’installation semble tragiquement inutile. « Tout de suite, il m’a demandé d’un ton assez sévère ce qu’il en était, se souvient Yoshida, l’ambiance était telle qu’il était difficile de parler. J’ai bien dit que la situation était difficile sur le terrain, mais j’ai conscience que je n’ai pas suffisamment expliqué en quoi. En fait, nous ne pouvions pas parler librement. Le premier ministre posait des questions surprenantes, auxquelles on essayait simplement de répondre. » Quel type de questions ? Par exemple, comment un simple tsunami pouvait-il paralyser une centrale nucléaire.

Lors de sa visite, Naoto Kan ne voit qu’une salle de réunion du bâtiment antisismique. Il ne pénètre pas dans la cellule de crise. Au plus fort de la crise, lors d’un entretien par téléconférence, Naoto Kan demandera plus tard aux opérateurs « de sacrifier » leurs vies. À l’intérieur de la centrale, la solitude des équipes est insondable. Yoshida réclame aux autorités locales que les réseaux de pompiers leur livrent de l’eau. Mais « tout le monde a fui et personne n’est venu ».  

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Au fil des heures, les relations se tendent entre l’intérieur de la centrale et les autorités extérieures. Les deux chercheurs chargés de l’édition du témoignage de Yoshida proposent une audacieuse interprétation de ce conflit : « C’est peut-être précisément l’éveil de ces conflits et leur mode de résolution qui a permis au collectif sur site de reprendre la maîtrise de ses installations. »Les multiples et légitimes critiques à l’encontre de Tepco ont laissé dans l’ombre le courage et les souffrances des opérateurs, qui sont restés jusqu’au bout aux commandes de la centrale. Naoto Kan en est aujourd’hui l’héritier paradoxal. Son récit rejoint celui de l’ingénieur défunt sur un point essentiel : l’impuissance humaine et le désespoir face à une catastrophe nucléaire.

« Dix jours après l’accident, j’ai demandé au président de la commission de sécurité nucléaire de faire une simulation pour le cas le pire : qu’est-ce qui pourrait se passer ?, se rappelle-t-il aujourd’hui. Ça lui a pris une semaine. Pour le cas où la centrale deviendrait vraiment incontrôlable, il aurait fallu évacuer une zone jusqu’à 250 km de la centrale. Tokyo était concernée. 50 millions d’habitants devaient être chassés de chez eux, et ne pourraient pas y revenir pendant plusieurs dizaines d’années. Et quand j’ai vu qu’une simple centrale représentait un risque si important, ce jour-là, j’ai complètement changé d’avis. On ne peut pas envisager une industrie avec des risques aussi énormes. 50 millions d’habitants, c’est 40 % de la population japonaise. Le centre du pays serait devenu complètement inutilisable. Pire que quand le Japon a perdu la guerre. Ce jour-là, quand j’ai compris que ce risque était présent, j’ai changé à jamais. »

Les faits et gestes de Naoto Kan sont critiquables. Le bilan de son exercice du pouvoir doit être envisagé avec distance. Mais son alerte possède la simplicité formelle du rescapé d’un désastre. Les mots de son témoignage sont lourds de sens. Ils engagent la responsabilité de celles et ceux qui les écoutent, à commencer par, espérons-le, le gouvernement et le chef de l’État français.

Fukushima: Sept ans de malheur …

Sept ans de malheur nucléaire à Fukushima

(Image satellite mars 2011)

Si vous voulez aller vers des choses positives, je vous y encourage. Cultivez vos passions, mangez sainement, évitez les personnes toxiques, soyez optimistes, profitez des petits bonheurs de chaque jour, faites-vous plaisir. Mais si vous n’êtes pas en forme en ce moment, ne lisez pas cet article, ne fréquentez pas ce blog, car il donne la vérité toute crue sur Fukushima et le nucléaire en général, des choses dont on entend peu parler malgré leur gravité. En créant ce blog il y a sept ans, je ne visais pas autre chose que de présenter des infos qui ont du mal à circuler. Car elles dérangent, elles ne vont pas dans le sens que l’on aimerait, elles font mal, elles interrogent, elles remettent en question des connaissances que l’on croyait acquises. Car le nucléaire, qui a été présenté à l’origine comme la solution à tous les problèmes de la terre, est un enfer. Un enfer pour les populations civiles qui ont subi le feu nucléaire en 1945, un enfer pour les gens contaminés dans et autour des mines d’uranium, un enfer pour les populations malades sur d’immenses territoires suite aux essais atmosphériques et aux catastrophes nucléaires, sans que l’OMS ne s’en occupe, un enfer pour les gens qui ont des cancers à cause du fait qu’ils vivent près d’une centrale nucléaire prétendument propre, un enfer pour les milliers de travailleurs de Tepco qui « gèrent » au mieux les ruines de la centrale de Fukushima Daiichi, un enfer pour les réfugiés nucléaires que le gouvernement japonais incite à revenir vivre dans des territoires contaminés.

Voilà sept ans que la catastrophe de Fukushima a eu lieu, sept ans de malheurs que les auteurs de ce blog vous ont contés. Et pourtant, la catastrophe ne fait que commencer. Car la pollution nucléaire se compte en centaines, en milliers, en millions d’années selon les radionucléides. Il faudra faire avec désormais. C’est pourquoi, si l’on veut penser un tant soit peu aux générations futures, il est important de sortir du nucléaire pour arrêter de produire des déchets dont on ne sait que faire et surtout, avant qu’une nouvelle catastrophe, possiblement fatale pour l’avenir de l’humanité, ne se produise.

Pierre Fetet

Le nombre de cancers de la thyroïde augmente sans cesse

La seule enquête épidémiologique existante au Japon en rapport avec la catastrophe nucléaire de Fukushima concerne un diagnostic réalisé pour environ 380 000 jeunes, mineurs au moment de la catastrophe. Avant 2011, l’incidence du cancer de la thyroïde des enfants au Japon était de 0,35 cas par an pour 100 000 enfants ; un seul nouveau cas de cancer de la thyroïde de l’enfant chaque année devait donc advenir dans la préfecture de Fukushima. Or, à ce jour, 160 cas de cancer thyroïdien sont confirmés et 35 enfants sont en attente d’une opération. Malgré ce résultat significatif, l’Université de Médecine de Fukushima affirme que la catastrophe nucléaire de Fukushima n’a pas eu d’influence sur l’augmentation des cancers de la thyroïde des enfants. Cherchez l’erreur.

Répartition géographique des cas de cancers de la thyroïde

Pour en savoir plus, je vous encourage à lire l’étude réalisée par le Dr Alex Rosen, médecin, président de l’IPPNW-Allemagne (International Physicians for the Prevention of Nuclear War) et publiée le 7 mars 2018

Lien vers la traduction française de l’étude détaillée,

éditée dans le site de Georges Magnier, Vivre après Fukushima

La pollution due aux rejets de mars 2011 s’est répandue sur des centaines de km²

On retrouve autour de la centrale et jusqu’à des centaines de kilomètres de la centrale du combustible usé prisonnier de billes de verre microscopiques. Les plus petites de ces particules, insolubles, sont très légères et peuvent voyager avec le vent. On peut donc les inhaler. Une fois logées dans des poumons, elles sont piégées à vie et peuvent alors provoquer des cancers.

On ne connaît pas bien le processus de création de ces microbilles qui ont été rejetées dans l’atmosphère en mars 2011, mais elles existent et posent un véritable problème sanitaire. Mais les autorités ne tiennent pas compte de cette pollution. L’incitation au retour des populations dans les territoires contaminés n’est basée que sur la dose ambiante et jamais sur la pollution effective du sol ou les matières en suspension dans l’atmosphère. D’où l’intérêt des mesures des taux de radioactivité par les citoyens eux-mêmes.

Pour en apprendre davantage sur les billes de verre au césium, il faut lire l’article de Cécile Brice publié dans son blog Japosphère le 7 mars 2018 :

Billes de césium à Fukushima, incertitude scientifique contre certitude politique

Nous avions déjà évoqué cette information en février 2016 avec cet article :

Un nouveau produit dérivé de la fusion des cœurs a été découvert au loin de la centrale de Fukushima Daiichi

A propos de la pollution et des doses mesurées différemment par les autorités et la population, je vous invite à vous reporter au site Nos Voisins Lointains 3.11 qui suit de près ce dossier et publie les cartes citoyennes :

Le public devrait-il être autorisé à voir la carte de la radio-contamination ?

Dernière carte de la pollution radioactive effeectuée par des citoyens pour Tomioka

Fukushima : quand les médias …

Fukushima : quand les médias francophones passent à côté des 7 ans de la catastrophe au Japon

Jean-François Heimburger
Jean-François Heimburger

Le Japon a-t-il bien tiré les leçons de la catastrophe du 11 mars 2008 ? (Source : South China Morning Post)Le Japon a-t-il bien tiré les leçons de la catastrophe du 11 mars 2008 ? (Source : South China Morning Post)

Mokutô. Dimanche 11 mars 2018 à 14 h 46, un peu partout au Japon, les habitants se sont recueillis à travers cette « prière silencieuse », pour consoler et calmer l’âme des victimes de la catastrophe de l’est du Japon. Sept ans auparavant, un séisme s’était produit au large des côtes nord-est de l’Archipel, engendrant un tsunami qui a dévasté plusieurs centaines de kilomètres de littoral et emporté la vie de milliers d’habitants. Ce phénomène a également provoqué un accident grave à la centrale nucléaire de Fukushima 1.

Les conséquences humaines sont très lourdes. Le séisme et le tsunami ont provoqué la mort ou la disparition de 18 434 personnes selon la police, principalement dans trois départements : 58 % à Miyagi, 31 % à Iwate et 10 % à Fukushima. Depuis, d’après l’Agence de reconstruction, 3 647 personnes sont également décédées indirectement, suite à l’aggravation de blessures ou de maladies, et 73 349 habitants étaient toujours évacués en février dernier, dans des logements provisoires, chez des proches ou dans des établissements hospitaliers.

Les médias japonais ont largement couvert les événements organisés ce dimanche. Ils ont traité des commémorations dans tout le pays, mais aussi de la situation de la reconstruction dans les zones sinistrées, de la vie des personnes évacuées ou encore de la prévention des catastrophes. Si des informations sur les conséquences de l’accident nucléaire et les quelques manifestations ont également été diffusées au Japon, c’est principalement sur ce sujet que les médias francophones ont concentré leur intérêt. En témoigne le terme de « catastrophe de Fukushima », majoritairement employé pour parler, improprement, des dégâts provoqués par le séisme et le tsunami. Précisons qu’au Japon, les médias utilisent à juste titre les termes de « Higashinihon daishinsai », c’est-à-dire de « catastrophe sismique de l’est du Japon », et de « Genpatsu jiko », « accident nucléaire ».
Regardons de près le contenu des informations francophones. Trois dépêches de l’Agence France Presse ont été diffusées et reprises ce 11 mars par les sites de presse en ligne. Un article (« Le Japon se souvient sept ans après le tsunami et la catastrophe nucléaire« ) portait sur la commémoration et la catastrophe en général. Deux autres articles (« Japon : la situation à la centrale de Fukushima 7 ans après le tsunami » et « Au Japon, des particuliers surveillent la radioactivité« ) avaient pour thème les conséquences de l’accident nucléaire. Le premier était près de deux fois plus court que chacun des deux autres.
Ne pas avoir diffusé ce jour-là un article plus consistant sur les conséquences de la catastrophe, sur les difficultés économiques et sociales dans toutes les régions sinistrées, sur les leçons tirées ou non, ou encore sur l’état de la préparation de la population à faire face à de futurs désastres, tout cela interroge. D’autant plus au regard de l’importance de l’Agence France Presse dans le paysage médiatique, cet organisme nourrissant largement les nombreuses rédactions francophones.
La diffusion de ces articles par les sites de presse en ligne est par ailleurs révélatrice du traitement déséquilibré des informations. Ils ont ainsi été nettement plus nombreux à diffuser l’article sur la situation à la centrale nucléaire que le premier sur le souvenir.
À part ces dépêches, certaines rédactions ont également publié ces derniers jours des articles et reportages propres, pour la plupart consacrés en priorité à la question du nucléaire. Celle-ci est évidemment importante. Mais pourquoi ne pas avoir accordé de la place aux autres sujets ? Pense-t-on que cela intéresse moins les lecteurs francophones ? Y a-t-il d’autres raisons ?
Par Jean-François Heimburger

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