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Fukushima accusé de dissimulation

Posted by Dacid Rolet In Last Modified

Fukushima accusé de dissimulation sur une eau « contaminée » devant être déversée dans le Pacifique

«Le déplacement de matières nucléaires comporte toujours des risques, mais aux fins d’une analyse indépendante, cela serait justifié», a-t-il déclaré. «TEPCO a perdu confiance dans la société japonaise, ainsi que dans la communauté internationale, y compris en Corée du Sud, et fournir des échantillons à analyser servirait au mieux leurs intérêts, à moins qu’ils ne dissimulent quelque chose.

«L’efficacité de la technologie de Tepco (…) soulève de nombreuses questions. Par conséquent, fournir des échantillons permettant de vérifier leurs rapports de contenu permettrait de démontrer leur engagement en matière de transparence», a ajouté M. Burnie.

«Cela ne dissipera pas les doutes qu’ils cachent des problèmes majeurs sur le site – mais cela améliorerait la situation actuelle».

Hideyuki Ban, co-directeur de Cnic, a déclaré: « Il faudrait beaucoup de contrôles, car il y a beaucoup d’eau, mais pour le moment, le monde extérieur est persuadé qu’ils essaient de dissimuler quelque chose – ont une longue tradition en la matière – et il serait dans leur intérêt de faire preuve de transparence à cet égard.

« Si ce n’est pas le cas, comment pourront-ils retrouver la confiance du public qu’ils ont complètement perdue depuis l’accident? », A déclaré M. Ban.

Japon : l’arrêt du nucléaire…

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
EFFET COLLATÉRAL

Energie : l’arrêt du nucléaire au Japon responsable de beaucoup plus de morts que la catastrophe de Fukushima

 
 

Atlantico : Suite au désastre de Fukushima survenu en 2011, le gouvernement japonais a mis à l’arrêt total, par principe de précaution, les usines nucléaires dans tout le pays. Cela a entraîné une hausse du prix de l’électricité et depuis cette annonce, 4800 personnes seraient mortes de froid selon le NBER (Bureau National d’Etudes Economiques). Comment une telle chose peut-elle se produire  ?

Tristan Kamin : L’accident de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi à conduit le Japon à très rapidement arrêter la totalité de son parc nucléaire (47 GW en 2011, à comparer à 58 GW en France) pour y faire un large audit de la sûreté qui conduira à la fermeture de plusieurs réacteurs et de lourds travaux sur les autres, et mener une réforme de son organisation de la sûreté nucléaire. Ainsi, d’une production de 292 milliards de kilowattheures d’électricité nucléaire en 2010, le Japon est tombé à 163 milliards de kWh en 2011 et 0 en 2014.

 

Cette production électrique qui n’était plus assurée par le nucléaire a été compensée par des efforts d’économie d’énergie et surtout par un fort transfert de la production vers les énergies fossiles : gaz, charbon et, temporairement, fioul.

Outre les impacts environnementaux et sanitaires de ces sources d’énergie, ce transfert a eu pour effet de faire significativement monter les coûts de l’électricité pour les Japonais, ces sources d’énergie étant onéreuses (a fortiori pour un pays qui doit les importer essentiellement par voie maritime).

Cette hausse importante du prix de l’électricité à conduit certains foyers précaires à compenser par une baisse du chauffage. Et, hiver après hiver, ces familles se sont exposées malgré elles aux dangers pour la santé, notamment des plus fragiles, du froid.

Appliquer à ce scénario une relation déterminée par ailleurs entre accès au chauffage et morbidité et mortalité nous mène à cet impressionnante estimation de 4 800 victimes de la sortie brutale du nucléaire au Japon.

Un nombre sans commune mesure avec celui des victimes des retombées radioactives, que les estimations les plus pénalisantes chiffrent à une grosse centaine, et que les estimations qui ambitionnent d’être plus précises aboutissent à des nombres trop faibles pour sortir de leurs propres marges d’incertitude.

Et un nombre qui n’inclut pas les victimes de la pollution de ces centrales à fioul et charbon qui ont pris le relais du parc nucléaire.

N’est-ce pas un exemple de l’importance des sciences pour estimer les conséquences d’une politique prise sur une intuition morale naïve ?

Je dirais plutôt que c’est un exemple de la limitation du bien-fondé du « Principe de précaution ». L’arrêt du nucléaire au Japon a été décidé au nom du principe de précaution alors que trois réacteurs étaient en fusion. Il n’est pas question pour moi de juger les choix qui ont alors été faits depuis mon fauteuil, 8 ans plus tard et 9000 km plus loin. Mais s’il fallait en tirer une leçon à garder en tête pour la déplaisante éventualité d’un nouveau scénario de ce genre dans le futur, pour moi, la leçon serait la suivante : le principe de précaution n’est pas absolu. En s’arrêtant au danger et en essayant résolument de le supprimer, on peut passer à côté d’effets secondaires présentant une nuisance potentiellement plus grande.

Il serait de bon ton à mon avis de troquer, lorsque c’est possible, le principe de précaution contre la recherche d’un rapport bénéfice/risque aussi optimal que possible (et c’est ici que la démarche scientifique que vous évoquez prend toute son importance). Le principe de précaution ne devrait s’appliquer que lorsqu’il est impossible de dégager un bon compromis bénéfice/risque.

D’ailleurs, tel qu’écrit dans la loi française, le principe de précaution vise « à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ». L’évaluation des risques et la proportion sont des notions souvent oubliées dans le débat public, où l’on entend trop souvent la revendication « interdire » ou « sortir de » indépendamment des externalités (les « effets secondaires » que j’évoquais plus avant) et comme réponse radicale quel que soit l’enjeu.

Le Japon doit-il faire marche arrière ? Quelles autres solutions s’offrent à lui ?

Il ne fera pas marche arrière sur les vies déjà perdues, hélas. Toutefois, sur l’évolution de son mix électrique, il a immédiatement enclenché une marche arrière et une marche avant en même temps, sans que les deux ne soient contradictoires.

La marche arrière consiste en une volonté forte, et ce depuis 2011, de remettre en service une partie importante du parc nucléaire (environ les deux tiers) pour se substituer au moins partiellement aux énergies fossiles qui amputent la balance commerciale du pays en plus de la santé de ses habitants.

La marche avant consiste en un effort notable de réduction de la consommation d’électricité (la consommation par habitant a baissé de 8% entre 2010 et 2018) et surtout un gros investissement dans l’électricité d’origine solaire. Ces efforts conjugués ont permis de ramener la production d’électricité à base de fioul à un niveau inférieur à celui de l’avant-Fukushima, de contenir la hausse de la consommation de charbon, et de ramener à la baisse celle de gaz.

Ses meilleures options à présent consistent à accélérer : à court et moyen terme, produire de l’électricité d’origine renouvelable autant que possible compte tenu des conditions d’acceptation, d’espaces disponibles, de stabilité du réseau compte tenu de l’intermittence, de coût… Et à moyen et long terme, continuer le travail de modernisation de son nucléaire, aussi bien des infrastructures que du volet organisationnel.

Un gigawatt de panneaux solaires construits, c’est un gigawatt de charbon qui tournera parfois à puissance réduite.

Tandis qu’un gigawatt de nucléaire construit ou remis en service, c’est un gigawatt de charbon que l’on peut fermer : l’effet est différé (compte tenu des délais du nucléaire) mais bien plus radical.

Fukushima: Un avenir plus “vert”

Un avenir plus “vert” pour les zones abandonnées de Fukushima

 

Le Japon devrait prochainement lancer un projet visant à équiper certaines zones abandonnées de la préfecture de Fukushima, au nord-est du Japon, en parcs solaires et éoliens.

Le 11 mars 2011, tout le monde s’en souvient. Un tremblement de terre de magnitude 9 frappait la côte est du Japon, entraînant la formation d’un tsunami qui déferla ensuite sur la ville de Fukushima. La centrale nucléaire n’a pas tenu, et trois réacteurs sont entrés en fusion. La décontamination du site est toujours en cours. Elle devrait encore se poursuivre pendant plusieurs années (voire plus).

Autour du site, plusieurs milliers d’hectares de terres ont été abandonnés à cause des radiations. Au cours de ces dernières années, des projets ont été proposés dans le but de les transformer en zones productrices d’énergies renouvelables. Mais les investissements n’ont pas suivi… Jusqu’à maintenant.

Centrales solaires et éoliennes

En effet, la Banque de développement du Japon et la Mizuho Bank, propriété du gouvernement, se sont récemment entendues pour le déblocage prochain de 300 milliards de yens (environ 2,5 millions d’euros), dans le but de construire 11 centrales solaires et de 10 parcs éoliens dans la région à l’horizon 2024.

Une fois opérationnel, ce projet d’envergure pourra produire environ 600 mégawatts l’électricité, soit l’équivalent des deux tiers d’une centrale nucléaire. Cette énergie produite sera ensuite renvoyée dans la région métropolitaine de Tokyo.

Pour le moment les combustibles fossiles restent la plus grande source d’énergie au Japon, mais le secteur des énergies renouvelables prend de plus en plus de place. Il représente aujourd’hui environ 17 % de sa consommation totale d’énergie. À terme, le Japon ambitionne de produire les deux tiers de son électricité grâce aux énergies vertes d’ici 2030.

fukushima
La préfecture de Fukushima au Japon après le séisme et le tsunami du 11 mars 2011.
Crédits : US Navy

En attendant, la préfecture de Fukushima porte encore sur les bras près d’un millier de réservoirs contenant plus d’un million de tonnes d’eau contaminée par des matières radioactives. Les responsables du site ne savent toujours pas quoi en faire. Récemment, ils ont annoncé leur intention d’en rejeter une grande partie dans le Pacifique.

Toute cette eau a déjà été nettoyée de 62 radionucléides (atomes qui ont un excès d’énergie nucléaire). En revanche, il reste du tritium – un isotope radioactif de l’hydrogène – qui ne peut être nettoyé avec le système actuel de décontamination. C’est pourquoi les autorités japonaises aimeraient le diluer dans l’océan. Une intention qui ne passe pas auprès des associations environnementales et de Séoul.

Fukushima en mode énergie renouvelable

Fukushima passe à l’énergie renouvelable, le Japon revient au nucléaire

D’ici 2024 11 centrales solaires et 10 éoliennes doivent être construites sur les territoires abandonnés à proximité de la centrale de Fukushima Daiichi

Fukushima vu du ciel

Les territoires contaminés de Fukushima pourraient à nouveau produire de l’électricité. Un projet de 2,75 milliards de dollars devrait voir le jour pour construire des installations d’énergie renouvelable sur le site abandonné de Fukushima. Tout un symbole.

La catastrophe de 2011

Le 11 mars 2011, un tsunami provoqué par un séisme de magnitude 9 avait inondé la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Ce tsunami avait endommagé le système de refroidissement de la centrale provoquant la fusion du cœur de 3 des 4 réacteurs de celle-ci.

Le monde se souvient de la catastrophe nucléaire, mais les 19 630 morts et 2 569 disparus, selon les chiffres de 2018, sont essentiellement dus au tsunami et au séisme. Le nombre de décès lié au nucléaire est, lui, sujet à débat.

Une seule victime liée à l’accident de la centrale a été officiellement reconnue. Une étude de Stanford évoque, quant à elle, 130 morts en lien direct avec les retombées radioactives. Les victimes de cancers de la thyroïde liés à la radioactivité restent difficiles à estimer.

Autour de la centrale de Fukushima, nichée contre le Pacifique, au moins 70 000 personnes ont été évacuées dans un périmètre de 20 km. Trois zones ont été mises en place selon leur degré de dangerosité. La zone verte est considérée comme habitable, une zone orange doit être habitable à terme et enfin la zone rouge où il est interdit de résider.

En 2017 le vidéaste Tev – Ici Japon a tourné et publié sur YouTube un reportage au sein de la zone interdite autour de la centrale de Fukushima Daiichi.

Une seconde vie pour la zone interdite

Pour redonner vie aux zones abandonnées, 11 centrales d’énergies solaire et 10 éoliennes vont être construites d’ici à 2024. L’ensemble devrait produire 600 mégawatts, un chiffre très inférieur au 4700 mégawatts que pouvaient produire les réacteurs de Fukushima Daiichi.

Les installations vont coûter environ 2,75 millions de dollars. Elles doivent être financées d’une part par un acteur public, la Banque de développement et d’investissement du Japon, et d’autre part par un acteur privé, la Mizuho Bank.

La préfecture de Fukushima est devenue, à la suite de la catastrophe, un territoire moteur en ce qui concerne les énergies renouvelables sur l’archipel. En 2014 L’Institut national des sciences et technologies industrielles avancées du Japon y a ouvert un centre de développement pour les énergies renouvelables.

La même année la préfecture s’est fixé comme objectif de satisfaire 100% de ses besoins énergétiques en énergie renouvelable d’ici 2040. En 2017 la région produisait 60% de l’énergie qu’elle consommait, 28% provenant d’énergie renouvelable.

La part de renouvelable est bien plus importante à Fukushima que dans le mix énergétique du Japon dans son ensemble où il atteint 17% du total. En 2018, parmi les dix principaux producteurs d’énergie, le Japon est le troisième pays producteur d’électricité grâce au photovoltaïque et dixième sur l’éolien. À titre de comparaison la France se classe respectivement à la huitième et septième place.

Le nucléaire reste une part importante dans le mix énergétique japonais. À la suite de la catastrophe, le pays avait stoppé l’ensemble de ses 54 réacteurs nucléaires. Elle avait incité plusieurs pays à se retirer progressivement du nucléaire, dont l’Allemagne.

À la suite de cette décision, le Japon avait dû importer du gaz et du charbon pour combler le manque d’énergie électrique. Face à la hausse des prix de l’électricité et à des considérations d’indépendance énergétique en 2012, deux réacteurs avaient été relancés la même année. À l’époque le gouvernement avait décidé l’abandon définitif de l’atome à l’horizon 2030-2040.

La sortie du nucléaire n’est plus d’actualité au Japon

Avec l’élection de Shinzo Abe au poste de Premier ministre fin 2012, la sortie du nucléaire a été mise de côté. Le nouveau gouvernement a décidé en juin 2018 d’atteindre 22% de nucléaire dans son mix énergétique d’ici à 2030, la part du nucléaire japonais à la veille de la catastrophe de 2011 était de 30%. À titre de comparaison, la France, le pays le plus nucléarisé au monde, dispose de 58 réacteurs nucléaires qui alimentent 71,6% des besoins en énergies de l’hexagone.

En mars 2019 9 réacteurs avaient déjà redémarré, 6 étaient en attente, 12 en train d’être expertisés, 9 en attente d’expertise et les 24 autres sont toujours à l’arrêt. Pour atteindre les 22% de part de nucléaire dans le mix énergétique japonais 30 réacteurs doivent être réactivés.

La décision du Japon, pourtant touché par la plus grande catastrophe nucléaire du XXIe siècle, illustre bien la difficulté pour les États de se passer de l’atome. À voir si les installations d’énergies renouvelables à Fukushima dépassent le simple cadre du symbole et s’imposent réellement comme la source d’énergie de demain sur l’archipel.

Fukushima : hausse des prix… …dix fois plus de morts…

Fukushima : la hausse des prix de l’électricité a causé 10 fois plus de morts que l’accident lui-même

Céline Deluzarche – Journaliste

En 2011, le Japon a instauré un moratoire complet sur toutes les centrales nucléaires du pays. En conséquence, les prix de l’électricité ont tellement augmenté que de nombreuses personnes ont renoncé à se chauffer, ce qui a entraîné une surmortalité de 1.280 personnes, soit dix fois le nombre de décès attribuables aux radiations. C’est le constat d’une nouvelle étude mettant en cause le principe de précaution appliqué de manière excessive.

Le 11 mars 2011, un tremblement de terre de magnitude 9 suivi d’un tsunamidévaste le Japon, causant la mort de 18.500 personnes et l’évacuation de 160.000 autres. À la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, dont le système de refroidissement est mis hors-service, trois des six réacteurs voient leur cœur entrer en fusion, entraînant une explosion et des rejets radioactifs dans l’atmosphère. Classé comme la plus grave catastrophe nucléaire du XXIe siècle, cet accident n’a pourtant officiellement causé la mort que d’une seule personne par exposition trop forte aux radiations, celle d’un employé de la centrale atteint par un cancer du poumon. Une étude de l’université de Stanford estime cependant que 130 décès peuvent être attribués à l’exposition directe aux radiations ou à l’ingestion de nourriture contaminée.

Jusqu’à 4.500 personnes mortes de froid en raison de l’augmentation des prix de l’électricité

Mais ce n’est là que la partie immergée de l’iceberg. Trois chercheurs viennent de publier une étude dans le journal du NBER (Bureau national d’études économiques) accusant le principe de précaution d’avoir tué 1.280 personnes « mortes de froid » suite à l’augmentation des prix de l’électricité ayant suivi l’arrêt total des centrales nucléaires dans le pays. Dans les 14 mois après l’accident, la part du nucléaire dans la production électrique du Japon est ainsi passée de 30 % à zéro, obligeant le pays à massivement importer son électricité sous forme de gazet de charbon. Cela a entraîné une hausse moyenne des prix de l’électricité allant jusqu’à 38 % dans certaines régions, conduisant à une réduction de consommation électrique, particulièrement dans la période hivernale. Les personnes fragilisées ont tout simplement renoncé à se chauffer.

1.280 personnes sont mortes de froid au Japon durant les quatre années après l’accident de Fukushima à cause de l’augmentation des prix de l’électricité. © Pantira, Adobe Stock1.280 personnes sont mortes de froid au Japon durant les quatre années après l’accident de Fukushima à cause de l’augmentation des prix de l’électricité. © Pantira, Adobe Stock 

 

Un quart des décès dus au froid serait ainsi attribuable à la hausse des prix, soit 1.280 décès pour la période 2011-2014, d’après les calculs des chercheurs. Et encore, ces 1.280 morts ne représentent que les 21 municipalités étudiées dans l’article, soit 28 % de la population. En extrapolant à l’ensemble du Japon, le chiffre pourrait atteindre 4.500 morts. Et les effets sont loin d’être finis, les conséquences de la hausse des prix continuant à se faire sentir, avertissent les auteurs.

Les prix de l’électricité ont augmenté jusqu’à 38 % dans certaines régions suite à l’accident du Fukushima et l’arrêt des centrales nucléaires. © Matthew J. Neidell, Shinsuke Uchida, Marcella Veronesi, NBER, 2019Les prix de l’électricité ont augmenté jusqu’à 38 % dans certaines régions suite à l’accident du Fukushima et l’arrêt des centrales nucléaires.                     © Matthew J. Neidell, Shinsuke Uchida, Marcella Veronesi, NBER, 2019 

Évacuations et qualité de l’air : encore plus de morts indirectes ?

À ces 1.280 morts viennent s’ajouter les 2.268 décès « indirects » officiellement attribués à l’évacuation autour de la centrale ayant suivi l’accident. Ces décès, qui concernent à 90 % des plus de 66 ans, comprennent notamment « le stress physique et mental » de l’habitation prolongée dans des refuges, un défaut de soin lié à la fermeture des hôpitaux et les suicides. D’autres décès indirects de l’arrêt du nucléaire pourraient venir de la hausse spectaculaire de la consommation des énergies fossiles dans le pays, avec une dégradation de la qualité de l’air. Une étude parue dans Nature Energy en 2017 montre ainsi que l’arrêt de la centrale nucléaire de Three Mile Island aux États-unis en 1979 a entraîné une surmortalité infantile dans les années 1980 en raison d’une augmentation de la pollution aux particules fines due à la substitution d’une centrale à charbon pour la production électrique.

« Tout cela suggère que l’arrêt de la production d’énergie nucléaire a contribué à plus de décès que l’accident lui-même […], ce qui donne à penser que l’application du principe de précaution a causé plus de tort que de bien, concluent les chercheurs. Le principe de précaution met l’accent sur les évènements saillants en envisageant le pire des scénarios et, ce faisant, ignore les alternatives, encourageant la mise en place de politiques inefficaces. »

Ce qu’il faut retenir

  • Un seul mort dû aux radiations a été officiellement attribué à l’accident de la centrale de Fukushima, même si les estimations vont jusqu’à 130 décès.
  • En comparaison, dix fois plus de personnes seraient mortes de froid en raison de la hausse des prix de l’électricité due à l’arrêt du nucléaire dans le pays.
  • Les auteurs de l’étude fustigent le principe de précaution, qui amène selon eux à des politiques contre-productives.

Fukushima: eau radioactive dans l’océan ?

Le Japon va-t-il vraiment déverser l’eau radioactive de la centrale nucléaire de Fukushima dans l’océan ?

Cette solution, évoquée publiquement par un ministre japonais, est jugée réaliste par les experts. Mais ils soulignent que le million de mètres cubes d’eau contaminée ne peut être rejeté dans l’océan qu’au compte-gouttes, comme dans le cadre du fonctionnement normal d’une centrale nucléaire.

Des réservoirs de stockage d\'eau contaminée, le 27 juillet 2018, à la centrale nucléaire de Fukushima (Japon).
Des réservoirs de stockage d’eau contaminée, le 27 juillet 2018, à la centrale nucléaire de Fukushima (Japon). (KIMIMASA MAYAMA / POOL)

Plus de huit ans après le tsunami et l’accident à la centrale nucléaire de Fukushima, en mars 2011, la province japonaise est à nouveau meurtrie après le passage du typhon Hagibis. Et le spectre de la contamination radioactive ressurgit. Dix des énormes sacs renfermant de la terre et de la végétation issue de la décontamination des sols et entreposés près d’une rivière ont été emportés par le cours d’eau en crue. Quatre d’entre eux n’ont toujours pas été retrouvés.

Il y a un peu plus d’un mois déjà, une déclaration au plus haut sommet de l’Etat nippon a provoqué des sueurs froides. Devant des journalistes, mardi 10 septembre, le ministre de l’Environnement japonais, Yoshiaki Harada, a exposé la manière dont le Japon pourrait se débarrasser de l’impresionnante quantité d’eau radioactive, accumulée sur le site de la centrale nucléaire de Fukushima, ravagée par le tsunami de mars 2011. « La seule option sera de la drainer vers la mer et de la diluer », a lâché le ministre. Il a aussitôt ajouté qu’il s’agissait de son « simple avis », mais il a tout de même glissé que « la totalité du gouvernement va en discuter ».

Césium, strontium, tritium…

Le porte-parole de l’exécutif nippon a immédiatement réagi et tancé Yoshiaki Harada pour ses propos tout « personnels ». Le ministre désavoué a quitté le gouvernement dès le lendemain de sa déclaration, à l’occasion d’un remaniement annoncé de longue date et pour lequel il faisait de toute façon partie des sortants pressentis. Mais le seul tort de Yoshiaki Harada n’est-il pas d’avoir dit tout haut ce que l’exécutif nippon pense tout bas ?

Depuis plus de huit ans, de l’eau est injectée en permanence dans les cuves des trois réacteurs endommagés de Fukushima, afin de refroidir leurs cœurs et d’éviter une nouvelle réaction en chaîne catastrophique, expose l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) dans une note de suivi de la situation datant de février. Le liquide se charge alors d’éléments radioactifs : du césium, du strontium, du tritium… Et comme les cuves et les enceintes de confinement ne sont plus étanches, cette eau contaminée s’infiltre dans les sous-sols des bâtiments et s’écoule jusqu’à la nappe phréatique et menace de se déverser dans l’océan Pacifique tout proche.

La centrale nucléaire accidentée de Fukushima (Japon) vue du ciel le 9 février 2018.
La centrale nucléaire accidentée de Fukushima (Japon) vue du ciel le 9 février 2018. (KANJI TADA / YOMIURI / AFP)

Tepco, l’entreprise qui exploitait la centrale, depuis nationalisée et désormais en charge du démantèlement, s’efforce de limiter ces infiltrations. Depuis 2014, les eaux contaminées sont pompées et, depuis 2016, le sous-sol a été congelé le long du port, afin de créer un gigantesque mur de glace souterrain imperméable de 900 mètres de long et de 35 mètres de haut.

L’eau pompée subit ensuite un traitement qui permet de réduire sa radioactivité. « La plupart des radionucléides contenus dans cette eau sont extraits par fixation sur des adsorbants solides qui sont ensuite stockés comme déchets. Mais un radionucléide ne peut pas être filtré de cette manière : le tritium », expose Bernd Grambow, radiochimiste et professeur à l’école des Mines de Nantes. 

Le tritium est un isotope de l’hydrogène, c’est-à-dire une variante radioactive. Lorsqu’il est présent dans l’eau, il prend la place de l’atome d’hydrogène – l’eau étant composée d’hydrogène et d’oxygène. L’eau tritiée est donc un casse-tête pour les scientifiques. « Seule une séparation isotopique permettrait de séparer le tritium de l’eau », expose le radiochimiste. Or « cette technique n’est pas faisable aujourd’hui à grande échelle pour traiter un million de mètres cubes ».

Un million de mètres cubes d’eau radioactive

Tepco n’étant pas autorisée à rejeter cette eau tritiée, elle est entreposée sur le site de la centrale. Avec le temps, les volumes d’eau injectée, pompée, filtrée et stockée ont diminué. « Au début, 300 à 400 mètres cubes d’eau contaminée étaient entreposés chaque jour. Aujourd’hui, le volume à entreposer n’est plus que de l’ordre de 100 mètres cubes par jour », évalue Thierry Charles, le directeur général adjoint de l’IRSN, chargé de la sûreté nucléaire. Reste qu’en huit ans, un million de mètres cubes d’eau contaminée se sont ainsi accumulés. 

Deux employés de Tepco devant des réservoirs d\'eau radioactive, le 31 janvier 2019, sur le site de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima (Japon).
Deux employés de Tepco devant des réservoirs d’eau radioactive, le 31 janvier 2019, sur le site de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima (Japon). (LARS NICOLAYSEN / DPA / AFP)

« Sur le site de Fukushima, que j’ai pu visiter, on voit une forêt de cuves. Il y a un millier de cuves d’un millier de mètres cubes chacune », décrit Thierry Charles. La compagnie estime que ces citernes seront pleines en 2022. Elle étudie cependant des solutions pour augmenter encore le stockage. « On crée un risque qu’il faudra un jour traiter. On n’est pas à l’abri d’une fuite de cuve, avertit le monsieur sécurité nucléaire de l’IRSN. Il faut bien trouver une solution pour gérer ces volumes d’eau essentiellement tritiée. »

« Il faut faire des compromis »

« Le rejet dans l’océan n’est pas la seule méthode », fait observer le radiochimiste Bernd Grambow. Problème, continue le directeur général adjoint de l’IRSN, « le traitement par évaporation produirait des rejets de tritium dans l’air ». Et « utiliser cette eau pour fabriquer du béton emprisonnerait le tritium, mais avec le temps, le béton libérerait du tritium ».« Il n’y a pas une solution idéale, il faut faire des compromis », reconnaît le professeur à l’école des Mines de Nantes.

Rejeter l’eau tritiée dans l’océan, « ce n’est ni plus ni moins que faire ce qui se fait durant le fonctionnement normal d’une centrale nucléaire », tranche Thierry Charles. « Tout réacteur nucléaire produit du tritium. Une faible quantité est relâchée, comme l’autorisent les autorités compétentes en matière de radioprotection, souligne Bernd Grambow. En France, les concentrations rencontrées dans l’eau des fleuves refroidissant les réacteurs restent largement inférieures au seuil de risque radiologique. Et un suivi réglementaire est assuré. »

C’est la solution la plus logique, et elle est à la fois réaliste et potentiellement raisonnable.Thierry Charles, directeur général adjoint de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)à franceinfo

« Il y a plusieurs pré-requis », prévient toutefois Thierry Charles. D’abord, « il faut définir quelle sera la concentration de tritium dans l’eau rejetée et quel sera le débit de ce rejet étalé dans le temps, puis en évaluer l’impact sur l’environnement ». « Il faut s’assurer que l’effet de dilution est suffisant pour rester largement inférieur au seul identifié par des autorités compétentes comme dangereux », insiste Bernd Grambow. 

Ensuite, « il faut aussi une acceptation sociétale », ajoute Thierry Charles. « Il faut en discuter très tôt avec la société. La concertation doit englober toutes les parties prenantes : la population locale, les pêcheurs qui ne veulent plus entendre parler de rejets… » Or, « après l’accident, Tepco avait dit : ‘On ne rejettera plus rien.' » Enfin, « il faut définir les modalités de la surveillance de ce rejet, en toute transparence ».

Un employé de Tepco mesurant la radioactivité devant des citernes contenant de l\'eau contaminée par des éléments radioactifs, le 27 juillet 2018, sur le site de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima (Japon).
Un employé de Tepco mesurant la radioactivité devant des citernes contenant de l’eau contaminée par des éléments radioactifs, le 27 juillet 2018, sur le site de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima (Japon). (KIMIMASA MAYAMA / AFP)

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) est partisane du rejet en mer. Elle avait même conseillé cette méthode au Japon, dès 2014. Deux ans plus tard, une commission d’experts mandatés par le ministère japonais de l’Industrie avait conclu que cette option était « la solution la plus rapide et la moins onéreuse ». Elle n’avait toutefois pas exclu d’autres moyens« faisables », quoique plus longs et coûteux. Cette commission d’experts avait calculé qu’il faudrait 7 ans et 4 mois pour se débarrasser de l’eau tritiée dans l’océan après dilution. Et l’opération ne coûterait que 3,4 milliards de yens – soit 28 millions d’euros – contre 10 fois à 100 fois plus pour les autres techniques dont la durée s’étalerait en outre sur 8 à 13 ans. 

Depuis 2016, une autre commission gouvernementale nippone examine l’hypothèse. Elle s’interroge en particulier sur les dommages collatéraux sur l’image du Japon et l’impact sur les secteurs de la pêche et de l’agriculture. La décision, qui sera au final politique, est loin d’être prise, en particulier à moins d’un an des Jeux olympiques de Tokyo. Mais, analyse Thierry Charles, « le ministre japonais n’a pas dit autre chose que ce qui se dit depuis longtemps dans les cercles d’experts à l’international. Ce qui change, c’est qu’un officiel le dise. »

Fukushima de l’intérieur

Fukushima de l’intérieur, le récit glaçant du directeur de la centrale

PUBLIÉ LE

VIDÉO Saisir une catastrophe à travers les yeux de ceux qui l’ont éprouvée au plus près, telle est l’ambition de l’ouvrage « Un récit de Fukushima, le directeur parle » (2018, PUF). Les deux auteurs, Franck Guarnieri et Sébastien Travadel, de l’école des Mines ParisTech, reviennent en vidéo sur ce long travail d’analyse.

[Vidéo] Fukushima de l’intérieur, le récit glaçant du directeur de la centrale
Le site de la centrale de Fukushima Daiichi, au Japon
© Tokyo Electric Power Co., TEPCO

 

Il aura été l’un des héros anonyme du 11 mars 2011, le jour où est advenue à Fukushima, au Japon, la pire catastrophe nucléaire depuis Tchernobyl. Parmi les nombreux témoignages inédits de l’ouvrage de Franck Guarnieri et Sébastien Travadel, celui de Masao Yoshida, directeur de la centrale lors des événements, est sans doute le plus édifiant.

Les deux auteurs ont retranscrit, traduit et analysé les 28 heures d’audition de M. Yoshida devant la commission japonaise d’enquête gouvernementale à la suite de la catastrophe. Le déroulé des événements y est exposé cliniquement, quasiment minute par minute. C’est donc la parole, rare, de celui qui dû composer avec l’inimaginable afin d’éviter l’irréparable. Comme lorsqu’il décide, en urgence, de se servir des camions de pompiers abandonnés sur le site pour pomper de l’eau de mer et la déverser directement dans les réacteurs alors en pleine fusion. M. Yoshiba est mort le 9 juillet 2013, des suites d’un cancer. The conversation lui consacrait un portrait en 2018.

Dans un entretien filmé réalisé par La Télé Libre, Franck Guarnieri, et Sébastien Travadel, respectivement directeur du Centre de Recherche sur les Risques et les Crises (CRC) de l’école des Mines ParisTech, et ingénieur et maître de conférences, commentent le récit de Yoshida et questionnent la notion de catastrophe et son impact, d’abord sur ceux qui la vivent dans leur chair, puis sur l’imaginaire collectif.

Un entretien à retrouver ici.

 

Pour tout comprendre à la catastrophe de Fukushima, vous pouvez regarder la vidéo ci-dessous, réalisée par l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire.

 

Hagibis, le super typhon

A Kawagoe, à 35 km au nord-ouest de Tokyo, un centre d'accueil pour personnes âgées s'est retrouvé cerné par les eaux après qu'un barrage à lâché au passage du super-typhon Hagibis.
A Kawagoe, à 35 km au nord-ouest de Tokyo, un centre d’accueil pour personnes âgées s’est retrouvé cerné par les eaux après qu’un barrage à lâché au passage du super-typhon Hagibis.Photo STR. AFP
CATASTROPHE NATURELLE

Le super-typhon Hagibis fait au moins 30 morts au Japon

Par Yuta Yagishita, correspondant à Tokyo

Le bilan du très puissant typhon ne cesse de s’alourdir, tandis que 31 000 soldats des Forces japonaises d’autodéfense ont été mobilisés pour les opérations de sauvetage.

Après le passage du super-typhon Hagibis, les Tokyoïtes se sont réveillés dimanche matin sous un ciel inhabituellement clair et limpide. Les vents et les pluies torrentielles de la veille avaient nettoyé toutes les particules fines dans l’air. Le bleu du ciel contraste pourtant avec le triste bilan de morts et de dégâts qui n’ont cessé de s’alourdir durant toute la journée de dimanche. Selon un bilan encore provisoire, le typhon a fait au moins 30 morts et 177 blessés, sans compter les 15 personnes qui sont encore portées disparues. Des crues provoquées par la violence du typhon ont rompu des digues dans une vingtaine d’endroits dans la partie centrale et la partie est du pays. Au nord-ouest de Tokyo, la montée des eaux de la rivière Chikuma a submergé des quartiers résidentiels. Selon l’Agence de gestion des feux et des catastrophes naturelles, plus de 230 000 personnes sont toujours contraintes de rester dans des centres d’évacuation, et au moins 900 personnes attendent les secours dans des lieux isolés par les inondations ou éboulements. Quant aux opérateurs d’électricité, ils recensent au moins 140 000 cas de coupures de courant dans l’ensemble des régions frappées par Hagibis.

31 000 soldats mobilisés

Face à cette situation, le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, a tenu dimanche matin une réunion ministérielle d’urgence pour annoncer la création d’un quartier général spécial, afin de «mener des opérations de sauvetage en mettant la priorité absolue à la vie humaine». Les Forces japonaises d’autodéfense (FJA) ont mobilisé 31 000 soldats pour secourir les personnes isolées avec 130 avions et 8 navires militaires.
D’une puissance historique, le typhon Hagibis a fait tomber des pluies d’une intensité «jamais connue par le passé»,selon le mot de l’Agence météorologique japonaise (JMA). A Hakone, ville située à l’ouest de Tokyo, il est tombé de fait 922 mm de pluies en vingt-quatre heures dans la journée de samedi, établissant un record historique du pays. Dans la ville de Kawagoe, à 35 km au nord-ouest de Tokyo, où une digue de la rivière Oppe a rompu, les eaux boueuses ont complètement cerné une maison de retraite. Plus de 200 personnes, résidents et aides-soignants, attendent les secours à l’étage du bâtiment.

Déchets radioactifs

«Cet endroit a déjà été inondé comme ça par le passé, donc j’étais très inquiet de voir le typhon s’approcher, a raconté à la NHK, chaîne de télévision publique japonaise, un homme dont la mère de 90 ans venait d’être secourue. On m’a dit qu’ils allaient évacuer les résidents par bateau, donc je suis venu tout de suite pour venir en aide.» La puissance de Hagibis a littéralement balayé les côtes de la région de Fukushima, emportant des sacs de terre contaminée stockés dans un centre des déchets radioactifs. Selon le quotidien Asashi Shimbun, au moins six d’entre eux se sont retrouvés dans la rivière Furumichi. Les autorités locales ont réussi à les récupérer, mais les effets sur l’environnement de cet incident restent inconnus à ce stade. En revanche, dans la centrale de Fukushima Daiichi, aucune anomalie majeure n’a été signalée, toujours selon la NHK. Une seule relative bonne nouvelle pouvait être entendue hier : les principales lignes de train, dont celle reliant Tokyo et Osaka, ont été rétablies, même si de nombreux trains locaux sont toujours à l’arrêt. Quant au match de la Coupe du monde de rugby entre le Japon et l’Ecosse, il a pu avoir lieu comme prévu dimanche soir à Yokohama.

Si le pays n’a pas pu éviter de tels dégâts alors qu’il est doté de technologies et d’infrastructures très poussées en matière de prévention des catastrophes naturelles, c’est que «l’intensité des pluies a dépassé largement les prévisions», selon Hiroyasu Yasuda de l’université de Niigata, cité par un quotidien local. En effet, sous l’effet du changement climatique, la puissance des typhons ne cesse d’augmenter année après année. «Cette puissance dépasse désormais les capacités des infrastructures de protection conçues à partir des données datant du XXsiècle, ce qui ne correspond plus à la réalité», explique-t-il. Pour mieux se parer aux désastres naturels à venir, «il faut donc revoir les normes de sécurité et raffiner les prévisions aussi tôt que possible», avertit Yasuda.

Yuta Yagishita correspondant à Tokyo 

Japon: Solaire, éolien…

Solaire, éolien… Face à la percée limitée des renouvelables, le Japon mise à nouveau sur le nucléaire

Pourquoi les renouvelables ne parviennent pas à percer au Japon

Après Fukushima, le Japon s’est tourné vers les énergies fossiles et renouvelables. Les premières ont prospéré mais pas les secondes. Pour limiter les émissions de CO2, l’archipel mise à nouveau sur le nucléaire.

Total met le turbo dans le solaire au Japon. Le pétrolier a annoncé ce matin la construction de sa troisième centrale photovoltaïque sur l’archipel. Le parc d’Osato à 300 kilomètres au nord de Tokyo disposera d’une puissance de 52 mégawatts et sera équipé d’environ 116.000 panneaux SunPower, la filiale solaire de Total. Avec les parcs de Miyako Solar (25MW) et Nanao Power (27MW), le géant de La Défense se place « parmi les acteurs les plus dynamiques du marché solaire japonais », indique le groupe dans un communiqué.

Le Japon, eldorado du solaire? Certainement pas. La géographie du pays ne s’y prête pas. L’archipel est montagneux et dense, les terrains disponibles hors de prix. Développer des fermes solaires relève de la gageure. Et il en est de même pour les parcs éoliens. Pas facile non plus d’implanter des éoliennes offshore car les fonds marins sont tout de suite très profonds et il y a des risques de typhon.

Le Japon réfléchit désormais à la technologie des éoliennes flottantes. Le français Ideol dispose d’un démonstrateur au large de l’île de Kyushu dans le sud du Japon. Cette PME de La Ciotat fonde de grands espoirs sur un premier appel d’offres dédié à l’éolien flottant prévu en 2020 ou 2021. Face au faible nombre de terrains constructibles, un autre français, l’entreprise Ciel&Terre, a trouvé une solution originale: installer des panneaux solaires sur… les plans d’eau dédiés à la culture du riz. Depuis la catastrophe de Fukushima en mars 2011, elle a implanté 120 petites centrales solaires flottantes pour un total de 200 mégawatts.

Fukushima: …Quoi que je fasse

5 octobre 2019

Au procès de Tepco au Tribunal régional de Tokyo, une habitante de la ville de Date a fait ce témoignage poignant. On sait depuis le 19 septembre que les trois anciens dirigeants de Tepco, Tsunéhisa Katsumata, Ichirô Takékuro et Sakae Mutô, n’ont pas été reconnus coupables de négligences ayant entraîné la mort et des blessures. Les procureurs désignés ont fait appel.

 

Auteure : anonyme

Traduction française : Anne Uemura

Nettoyage d'une école dans la ville de Date (Préfecture de Fukushima)

Nettoyage d’une école dans la ville de Date (Préfecture de Fukushima)

Déclaration d’opinion d’une habitante de la ville de Date, présentée au Tribunal régional de Tokyo

« Nous avions le désir d’élever nos enfants dans un environnement proche de la nature et enrichissant. C’est pourquoi nous avons déménagé de la ville de Fukushima pour acheter un terrain dans la ville de Date, là où nous vivons actuellement, pour y construire une maison.
Les remboursements des prêts étaient lourds et nous vivions simplement, mais nous étions heureux.


Huit ans après la construction de notre maison, le 11 mars 2011, l’accident de la centrale s’est produit, et notre vie de famille a été bouleversée. Mon mari et moi avions 42 ans, mon fils était en CM2 et ma fille en CE2.


A cette époque, je n’avais aucune connaissance sur le nucléaire ou sur les substances radioactives. Si j’avais eu quelques notions dans ce domaine, en nous sauvant, nous aurions sans doute pu éviter d’être irradiés. Je suis étreinte par ce regret.


Sans aucune marge financière, je ne pouvais, en pensant à mes enfants qui souffrent de maladie et à mes parents qui sont ici, me résoudre à m’éloigner de chez moi.
Dès le 11 mars, nous n’avions ni eau, ni électricité, ni gaz et je devais me rendre jusqu’aux stations d’eau où j’emmenais les enfants ; pour trouver de quoi manger, nous marchions dehors parfois trempés par la pluie.


Après plusieurs jours, comme nous n’avions toujours pas d’eau, nous avons dû aller jusqu’à la mairie pour utiliser les toilettes. C’est à ce moment-là que j’ai vu un groupe de personnes vêtues de combinaisons de protections blanches entrer dans la mairie. Nous avons pensé qu’ils venaient sans doute aider les victimes du tsunami. Mais maintenant, je comprends que la pollution radioactive était telle que des protections étaient nécessaires, et nous, sans nous douter de rien, nous étions exposés.


Peu après, au moment des cérémonies de remises de diplômes, nous nous sommes rendus à pied à l’école primaire. Je pense que les informations qu’on nous donnait étaient fausses et qu’à cause de cela nous avons été irradiés. A l’époque, j’étais persuadée que, si nous encourions réellement un danger, l’État nous avertirait. 


J’ai appris plus tard que les doses de radioactivité de l’air après l’accident étaient de 27 à 32 microsieverts par heure. Il n’y a eu aucune consigne sur la restriction des sorties en extérieur et c’est extrêmement grave. En juin 2011, je me suis rendue aux funérailles de la grand-mère de mon mari dans sa famille. J’ai emmené mes enfants avec moi. Sur le trajet nous avons remarqué que le taux de radiations était très élevé et dans la voiture le dosimètre affichait à certains endroits 1,5 microsievert par heure. Les représentants de cette zone, avaient demandé aux riverains de ne pas faire de vagues même si la radioactivité était élevée. D’après ce que j’ai entendu, il fallait que les véhicules de reconstruction puissent continuer à emprunter cette route. De même que le Shinkansen (TGV) et l’autoroute du Tohoku devaient à tout prix fonctionner comme si de rien n’était, pour ces mêmes raisons.


En dépit d’un niveau dépassant les limites de doses admissibles, au lieu de nous alerter sur les dangers, on nous assurait être en sécurité. Le risque de cette exposition ne nous a pas été communiqué. En juin 2011, mon fils a été pris de saignements de nez abondants, au point que ses draps étaient tout rouge. Les enfants présentant les mêmes symptômes étaient si nombreux, que nous avons reçu une notice par la « Lettre de santé » de l’école avec des recommandations. Au cours d’un examen médical de l’école, on a découvert une anomalie cardiaque à mon fils et il a dû être surveillé par holter. Mon fils, qui avait 12 ans au moment de l’accident, souffrait alors de dermatite atopique. Après, les symptômes ont empirés au point de devoir être hospitalisé pendant les vacances de printemps en seconde. Aujourd’hui on n’arrive toujours pas à identifier les symptômes qui le font souffrir.
 

Un an après l’accident, ma fille s’est plainte de douleurs à la jambe droite. A l’hôpital, un ostéome extra-osseux a été diagnostiqué et elle a dû subir une excision osseuse l’année suivante. En première année de collège à partir de l’hiver elle n’arrivait plus à se lever le matin. Elle était atteinte d’un dysfonctionnement orthostatique. En accord avec elle, nous avons décidé de la scolariser 3 fois par semaine dans un système à horaires modulables.
 

Le passe-temps favori de mon mari était la pêche, mais depuis l’accident nucléaire, il n’est plus question d’aller à la mer ou à la rivière. Avant l’accident, dans le jardin, nous faisions pousser des fleurs et nous avions un potager. L’été, nous y faisions des barbecues en famille et nous mettions une tente pour que les enfants puissent dormir dehors. Maintenant c’est absolument impossible.


Dans cet environnement gravement contaminé aujourd’hui, l’ADN des cellules serait gravement endommagé. Il faut ajouter que les séquelles liées à l’exposition que nous avons déjà subie sont indélébiles, même si nous déménagions maintenant.


Quand je songe que les enfants sont particulièrement vulnérables à l’irradiation, mon cœur se déchire. En tant que parent, en tant qu’adulte, c’est déchirant et insupportable. Je suis également préoccupée par la situation actuelle de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi.


Ma routine quotidienne consiste à guetter les catastrophes naturelles telles que les tremblements de terre et à vérifier l’état de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Parce qu’aujourd’hui je n’hésiterai pas à évacuer. J’ai changé de travail pour être en mesure de me rendre rapidement auprès de mes enfants s’il le faut. 
J’ai dû abandonner un travail à plein temps et c’est financièrement difficile, mais la priorité est de pouvoir partir vite à tout moment. Car après avoir vérifié toutes sortes d’informations, j’ai compris que les annonces du gouvernement divergeaient de la réalité.


Vivre dans un environnement radioactif vous oblige à être vigilant sans relâche, que ce soit pour vos courses, pour manger, ou pour boire de l’eau, et à évaluer vous-même la situation pour faire des choix. Nous avons dû nous résoudre à accepter un mode de vie anormal pour arriver à continuer à vivre au jour le jour. 


Quoi que je fasse, tout plaisir a disparu de ma vie. 


J’ai découvert qu’il y avait à côté de chez moi sur le chemin de l’école de mes enfants des spots de plus de 10 microsieverts par heure. Je l’ai signalé à la mairie, mais ils n’ont rien fait. La raison invoquée est qu’il n’y a pas de stockage temporaire pour entreposer les déchets. J’ai dû retirer moi-même la terre contaminée et je l’ai stockée dans mon jardin.


La ville de Date a décidé de sa propre politique de décontamination et a instauré également fin 2011, une norme de 5 mSv / an. En ce qui me concerne, je voulais réduire la pollution radioactive le plus tôt possible et j’ai décontaminé mon jardin moi-même. La ville encourageait les gens à décontaminer par leurs propres moyens. Je l’ai fait aussi. Et cela représentait 144 sacs. L’année suivante j’ai recommencé. Les sacs de débris radioactifs résultant de la décontamination jusqu’en mars 2014 sont restés entreposés dans mon jardin pendant 2 ans, et ont ensuite été emmenés dans une zone de stockage temporaire enfin mise en place. Mais depuis, les autres sacs de nettoyage n’ont pas été accepté et sont toujours dans mon jardin. A cause de cela nous n’y mettons plus les pieds. 


La contamination de notre abri de voiture s’élevait à 520 000 becquerels il y a 5 ans, avec 5 microsieverts par heure, mais elle n’entrait pas dans les critères requis pour être nettoyée. La « décontamination officielle » n’inclut que le terrain de résidence, mais ni le toit, ni les gouttières ne sont pris en charge. De ce fait nous ne pouvons plus laisser nos velux ouverts.
 

La ville de Daté, prétendant se soucier de la santé des habitants, a fourni à tous les résidents des dosimètres. Nous avons ensuite été invités à subir des examens, pendant lesquels nos données ont été collectées. Sans l’autorisation des résidents, ces données ont été confiées à des chercheurs externes qui ont rédigé des rapports. Ces rapports ont été élaborés sur la base d’informations personnelles obtenues illégalement, et de surcroit une falsification des données est suspectée. Sur la base de données inexactes, le rapport a conclu que même à des doses de 0,6 à 1 microsievert par heure dans l’air, la dose individuelle reçue serait inférieure à 1 millisievert par an et que, par conséquent, il n’était pas utile de décontaminer. Il s’agit d’une sous-estimation de l’exposition, et clairement d’une violation des droits de l’homme à l’encontre de la population. Cette affaire est toujours en cours.


Dans cette même région, on voit apparaitre des leucémies et des cancers rares des voies biliaires. Je ne peux m’empêcher de penser qu’avant l’accident cela n’existait pas. Aujourd’hui encore, alors que l’état d’urgence nucléaire est toujours officiel, cette situation anormale est devenue notre quotidien. 


Je crains que la « reconstruction » prônée par l’État ne bafoue les droits fondamentaux des résidents et que cette vie inacceptable ne soit désormais considérée comme normale. Nos vies sont au point mort.


Cette souffrance va continuer.

 

Mon désir le plus profond est qu’à travers ce procès, la responsabilité de l’État et de Tepco qui a causé l’accident soit reconnue. »

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