"Rien n'est plus proche du Vrai ... que le Faux"

Mois : mars 2021 Page 1 of 2

JO: Pourquoi la flamme…

JO : POURQUOI LA FLAMME OLYMPIQUE PART-ELLE DE FUKUSHIMA ?

La flamme était arrivée à Fukushima en 2020La flamme était arrivée à Fukushima en 2020[Philip FONG / AFP]
 

Une célébration hautement symbolique. Alors que le Japon a récemment commémoré les 10 ans du séisme qui avait entraîné une catastrophe nucléaire à Fukushima, le relais de la flamme olympique va débuter ce 25 mars dans la province sinistrée.

L’objectif affiché par le comité d’organisation et le gouvernement nippon est clair : redonner une image positive à Fukushima. Il faut dire qu’une décennie après la catastrophe, la région conserve une image négative, que ce soit dans le monde ou au Japon. À l’époque, près de 165.000 habitants avaient été évacués selon les autorités, mais beaucoup restent réticents à l’idée de revenir. 

Pendant plusieurs années, le gouvernement a mis en place des subventions pour inciter les concernés à retourner dans leur maison d’antan. Celles-ci ont été réduites voire supprimées avec le temps, de façon à convaincre les évacués de revenir au risque de perdre l’argent promis par l’Etat. La mesure n’a pas été totalement efficace, puisque la peur des radiations est restée vivace. 

UNE ANNÉE DIFFICILE

 

«Quand les gens verront les spectateurs sur le bord des routes et la passion pour les coureurs, je pense que cela changera la perception de la région», a déclaré Hanae Nojiri, un journaliste local qui prendra part au relais de la flamme. Pour symboliser ce retour à la normale, la course partira du J-Village, situé à Naraha, qui était devenu en 1997 le premier complexe sportif entièrement dédié au football. Utilisé par les équipes d’urgence pendant la catastrophe, il a finalement retrouvé son rôle premier en 2019 avec le retour d’athlètes sur place.

Les images de ces trois jours de festivités, feront le tour du monde après plus d’un an de complications pour ces Jeux Olympiques. L’organisation a été contrainte de repousser d’un an les compétitions à cause de la pandémie de coronavirus, avant de connaître un scandale de sexisme. Il a finalement été décidé qu’aucun spectateur étranger ne sera accepté pendant les Jeux. De quoi permettre aux sportifs de participer après des menaces d’annulation qui ont tenu bon pendant plusieurs mois. 

 

JO. La flamme olympique…

JO. La flamme olympique éclairera les efforts de reconstruction à Fukushima

Jeudi, la flamme olympique des Jeux de Tokyo entamera son parcours à travers le Japon. Son coup d’envoi, donné à Fukushima, est l’occasion de montrer les progrès de la ville, dix ans après la catastrophe nucléaire dans le Nord-Est du Japon. C’est en tout cas ce qu’espèrent des participants.

Yumiko Nishimoto, ici près de Fukushima, va lancer le relais de la flamme olympique et dit ses « sentiments contradictoires » face aux restrictions.
Yumiko Nishimoto, ici près de Fukushima, va lancer le relais de la flamme olympique et dit ses « sentiments contradictoires » face aux restrictions. | AFP

Le coup d’envoi du relais de la flamme olympique des Jeux de Tokyo est l’occasion de montrer les progrès de la reconstruction à Fukushima, dix ans après la catastrophe dans le nord-est du Japon, espèrent des participants, même si l’ombre du Covid-19pèse sur l’événement. Le départ du relais sera donné jeudi à une vingtaine de kilomètres de la centrale accidentée de Fukushima Daiichi, où un puissant séisme de magnitude 9,0 et un gigantesque tsunami le 11 mars 2011 avaient provoqué la fusion des cœurs de trois réacteurs.

La catastrophe a fait près de 18 500 morts et disparus, principalement dans le tsunami. Des localités entières du département de Fukushima ont cependant été rendues inhabitables à cause des radiations et des dizaines de milliers de personnes ont été déplacées.

Dix ans plus tard, la reconstruction est loin d’être terminée, mais les participants au relais de la flamme olympique, reporté comme les Jeux d’un an à cause de la pandémie, pensent que l’événement peut montrer au monde entier les progrès accomplis. « Vu de loin, le temps peut sembler s’être arrêté à Fukushima », mais « je pense que la perception des gens changera quand ils verront les spectateurs tout le long du parcours et la passion des coureurs », pense Hanae Nojiri, présentatrice d’une chaîne de télévision locale et participante au relais.

« Sentiments contradictoires »

Mais la pandémie, qui empêchera des spectateurs venus de l’étranger d’assister aux JO cet été, a aussi forcé les organisateurs à réduire l’ampleur des festivités autour de la flamme olympique à Fukushima et à fermer au public la cérémonie d’ouverture et le premier tronçon du relais.

De strictes mesures sanitaires seront aussi en place tout le long du parcours, qui doit être arpenté par quelque 10 000 coureurs à travers tout l’Archipel nippon. Des spectateurs pourront se tenir au bord des routes, mais n’auront pas le droit d’acclamer les participants et les organisateurs ont prévenu qu’ils pourraient supprimer certaines sections si elles provoquent des attroupements trop grands. « Les gens du coin attendent ça avec impatience, et certains voudront venir voir de près », dit Yumiko Nishimoto, une participante, avouant éprouver des « sentiments contradictoires »face à ces restrictions. « Je me demande si les organisateurs n’auraient pas pu faire un effort, étant donné que l’événement se déroule en extérieur », ajoute-t-elle, soulignant que le nombre d’infections est nettement inférieur à celui observé à Tokyo.

Yumiko Nishimoto, à la tête d’un projet citoyen pour planter 20 000 cerisiers dans la région, se dit cependant déterminée à ne pas laisser le coronavirus gâcher cette occasion de montrer au public « les aspects à la fois positifs et négatifs » de la reconstruction.

« Le monde pense toujours à eux »

Organisateurs et autorités japonaises veulent faire de ces JO les « Jeux de la reconstruction » et vantent les retombées positives pour la région. Mais certaines zones, représentant au total 2 % de la superficie du département, restent interdites d’accès à cause des radiations et les communautés peinent à se reconstituer. « Le relais va passer près de ces endroits où les gens ne peuvent pas revenir, et on ne peut pas dissimuler cela, note Mme Nojiri. C’est la réalité et il faut le comprendre. »

Mais « beaucoup d’habitants vivent avec le sourire et vont de l’avant, et je veux que les gens voient ça » aussi, ajoute-t-elle. William McMichael, un Canadien enseignant à l’université de Fukushima qui vit sur place depuis 2007, aspire également à voir évoluer la perception de sa région d’adoption, où il fait venir des étudiants étrangers depuis la catastrophe. « Il y avait alors un fossé énorme entre ce qui se racontait de Fukushima dans le monde entier et ce qui s’y passait réellement », dit M. McMichael, se souvenant de la vaste « friche nucléaire » parfois décrite depuis l’extérieur.

JO : Départ à Fukushima

JO : Départ à Fukushima pour la flamme olympique de Tokyo 2020

 

Arrivée d’Athènes en mars 2020, la flamme olympique entamera son relais ce jeudi à Fukushima. Tout un symbole pour la ville rasée il y a 10 ans après le passage d’un gigantesque tsunami.

Le coup d’envoi du relais de la flamme olympique des Jeux de Tokyo sera donné, jeudi, à Fukushima. Un départ symbolique à une vingtaine de kilomètres de la centrale accidentée de Fukushima Daiichi, le 11 mars 2011. Les festivités seront amoindries à cause de la pandémie de Covid-19. La cérémonie d’ouverture et le premier tronçon du relais sont interdits au public et des mesures sanitaires strictes sont à respecter durant l’ensemble du parcours.

Malgré tout, des spectateurs pourront être présents au bord des routes tant qu’ils n’acclament pas les participants. 10 000 coureurs sont prévus pour suivre la flamme durant son voyage de 121 jours à travers le Japon.

Fukushima, le bilan humain…

Fukushima, le bilan humain est plus lourd qu’annoncé

Le bilan de l’accident nucléaire de Fukushima fait souvent débat. Entre le nombre de morts et de cancers suspectés ou déclarés, un comité scientifique de l’ONU affirme, lui, qu’aucune conséquence significative n’est liée aux retombées radioactives. Une argumentation qui ne fait pas l’unanimité.

« Zéro mort, aucun cancer : le vrai bilan de l’accident nucléaire de Fukushima », titrait triomphalement l’hebdomadaire Le Pointmercredi 10 mars 2021. Et ce n’est pas la journaliste qui l’affirme, mais un comité international de chercheurs, le Comité scientifique des Nations unies pour l’étude des effets des rayonnements ionisants (UNSCEAR), « qui fait référence ». « Le gouvernement japonais a-t-il surréagi en empêchant pendant de longues années le retour des populations, mais sans lien avec le risque sanitaire ? » interroge la journaliste en conclusion de son article.

Le 11 mars 2011, un tsunami a submergé la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, entraînant la fusion des cœurs des réacteurs no 1, 2 et 3, la surchauffe de la piscine d’entreposage des combustibles du réacteur no 4 et d’importantes retombées radioactives sur une partie du territoire japonais. Depuis, le bilan de cette catastrophe fait régulièrement débat. « Est-il vrai que l’accident nucléaire de Fukushima n’a causé aucun mort ? » interrogeait déjà le quotidien Libération le 20 avril 2019.

L’UNSCEAR a tenté pour la première fois de répondre à cette question dans un rapport complet publié le 2 avril 2014. Ce travail a régulièrement été mis à jour jusqu’en 2017 à travers trois livres blancs. Le document de 248 pages évoqué par Le Point, publié le 9 mars 2021, résume toutes les études sur les conséquences de la catastrophe publiées jusqu’à la fin de l’année 2019. Et, effectivement, il conclut qu’« aucun effet néfaste sur la santé des résidents de la préfecture de Fukushima n’a été documenté qui soit directement attribuable à l’exposition aux rayonnements résultants de l’accident ».

Le rapport de l’UNSCEAR.

Plus de 200 cancers de la thyroïde suspectés ou confirmés

Mais le diable se cache dans les détails, comme le montre l’exemple du cancer de la thyroïde chez les enfants. Face à la fréquence de cette pathologie ayant explosé en Ukraine et en Biélorussie à la suite de l’accident nucléaire de Tchernobyl en 1986, le gouvernement japonais a lancé une vaste campagne de dépistage chez les Japonais de moins de 18 ans concernés par les retombées radioactives. Ce programme propose aux habitants de la province de Fukushima, ainsi qu’aux personnes évacuéesâgées de moins de 18 ans au moment de l’accident, un examen de la thyroïde tous les deux ans jusqu’à l’âge de 20 ans, puis tous les cinq ans.

Au total, 300.472 personnes ont ainsi été testées entre octobre 2011 et avril 2015, à l’aide d’un équipement à ultrasons très sensibles. Bilan : 116 cancers de la thyroïde suspectés ou confirmés. Lors de la deuxième phase, en 2014-2015, 270.540 personnes ont repassé une échographie de la thyroïde et 71 nouveaux cancers ont été découverts ou suspectés. La troisième phase de dépistage, menée sur 217.921 personnes, a permis le diagnostic de 31 cas supplémentaires.

Les régions touchées par les épisodes (rapport de l’UNSCEAR).

« Lors de la première phase de dépistage, les taux de cancer de la thyroïde […] se sont révélés beaucoup plus élevés que ceux documentés dans les registres de cancers d’autres préfectures du Japon, lit-on dans le rapport de l’UNSCEAR. Un groupe d’auteurs a fait valoir que les taux plus élevés fournissent la preuve d’un risque accru de cancer de la thyroïde en raison de l’exposition aux rayonnements. Cependant, la plupart des autres auteurs attribuent la différence de taux au dépistage ultrasensible de la thyroïde utilisé dans le FHMS [l’enquête sur la gestion de la santé de Fukushima]. »

En clair, pour la majorité des scientifiques qui se sont penchés sur ces résultats, il y a eu un « effet dépistage » qui a conduit à des surdiagnostics. Premier argument des auteurs du rapport, les doses estimées de radioactivité reçues par la thyroïde des enfants seraient insuffisantes pour entraîner un surcroît de cancers. Par ailleurs, aucune augmentation du nombre de ces cancers n’a été observée en Ukraine et en Biélorussie dans les quatre années qui ont suivi la catastrophe de Tchernobyl, en raison d’une période de « latence » entre l’exposition aux rayonnements et l’apparition de la maladie. Enfin, les cancers de la thyroïde ont été détectés sur de jeunes Japonais de plus de cinq ans exposés à la radioactivité, alors que les enfants âgés de 0 à 4 ans au moment de l’accident auraient dû être davantage atteints, car plus sensibles aux rayonnements.

Tout ceci a conduit certains experts médicaux, parmi lesquels le conseiller de la préfecture de Fukushima pour le risque radiologique, le Dr Shunichi Yamashita — celui-là même qui a prôné le relèvement de la norme de sécurité à 100 millisieverts (mSv) par an et qui soutenait que « les effets des radiations ne touchent pas les personnes qui sourient », à demander la réduction des programmes de dépistage.

Des grues près du réacteur 3 de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi.

Un dépistage tardif

Pourtant, ces arguments ne font pas l’unanimité. La chercheuse Hisako Sakiyama, qui a été membre de la Commission d’enquête indépendante sur les accidents nucléaires de Fukushima (NAIIC), lancée par le Parlement japonais en octobre 2011, en réfute certains dans une interview accordée à The Asia-Pacific Journal le 1er octobre 2020 : « Par surdiagnostic, [les experts médicaux] entendent l’examen de cas qui, autrement, ne provoqueraient pas de symptômes ou de décès au cours de la vie normale d’un patient. […] Le Dr Suzuki Shinichi, professeur de chirurgie de la thyroïde à l’université médicale de Fukushima, qui a opéré la plupart des patients atteints d’un cancer de la thyroïde à l’université, […] a présenté à la Société japonaise de chirurgie thyroïdienne des preuves que parmi les 145 patients opérés, environ 78 % avaient des métastases ganglionnaires et environ 45 % présentaient une croissance invasive. Sur la base de ces faits, il a déclaré qu’un surdiagnostic est peu probable. »

Le président de l’Association pour le contrôle de la radioactivité dans l’Ouest (Acro), David Boilley, n’est pas non plus convaincu. « L’existence de cette période de latence entre l’exposition aux rayonnements et l’apparition de la maladie a été déduite des observations menées après l’accident de Tchernobyl. Mais il n’y a pas eu de dépistage systématique les premières années de la catastrophe, rappelle-t-il. Ce n’est qu’après l’apparition des premiers cancers avancés avec des signes cliniques, quatre ou cinq ans après, que le dépistage a commencé. »

Dans la préfecture de Fukushima, les restes d’une maison de retraite détruite par le tsunami, où plusieurs habitants ont perdu la vie.

Même incertitude concernant les travailleurs de la centrale de Fukushima Daiichi, bien plus exposés à la radioactivité que le reste de la population. Fin 2018, le gouvernement japonais avait indemnisé six travailleurs de la centrale, dont trois étaient atteints de leucémie, deux de cancers de la thyroïde et le dernier d’un cancer du poumon. « Une petite proportion de travailleurs [174 travailleurs, environ 0,8 %] a reçu des doses efficaces au cours de la première année de 100 mSv ou plus, avec une moyenne d’environ 140 mSv [soit sept fois la dose maximale annuelle réglementaire pour les travailleurs en France], lit-on dans le rapport. Dans ce groupe, une légère augmentation du risque de cancer pourrait être déduite au cours de la vie : les estimations de risque pour ce sous-groupe correspondent à environ deux à trois cas supplémentaires de cancer en plus d’environ soixante-dix cas qui surviendraient spontanément. »

Mais la plupart du temps, l’incidence des cancers chez ces travailleurs reste « indiscernable », reconnaissent les auteurs de l’UNSCEAR. « Indiscernable » ne signifie pas « zéro cancer » pour autant : « Le Comité souligne que son utilisation du terme “pas d’augmentation perceptible” n’équivaut pas à une absence de risque ou n’exclut pas la possibilité d’un excès de cas de maladie dû à l’irradiation », lit-on en introduction du rapport.

Les effets psychologiques des évacuations

Dans les mois qui ont suivi l’accident, plus de 80.000 personnes ont reçu un ordre d’évacuation et le même nombre de « réfugiés volontaires » a fui les communes. Selon les autorités japonaises, 2.300 personnes sont mortes prématurément à cause de ces déplacements forcés. Dans son rapport, l’UNSCEAR abonde dans ce sens : « Les effets psychologiques étaient particulièrement évidents chez les personnes évacuées et comprenaient un excès d’anxiété, une dépression, des problèmes de consommation d’alcool et des effets néfastes sur la santé psychologique des enfants et de leurs mères », indique le Comité.

En revanche, curieusement, le rapport ne propose aucune évaluation du nombre de maladies radio-induites ou de la mortalité évitées grâce à l’évacuation. Un angle mort qui ulcère David Boilley : « Des connaissances qui ont lu ce rapport m’ont dit que les gens avaient reçu des doses très faibles et qu’il n’était peut-être pas nécessaire d’évacuer. Mais les doses reçues sont faibles parce que les gens ont été évacués ! Il y a encore des territoires tellement contaminés dix ans après qu’on ne peut toujours pas y retourner. »

Ce désaccord a conduit l’Acro à quitter le projet européen Concert, dont l’objectif est de diminuer les incertitudes liées à la contamination pour éviter d’évacuer inutilement les riverains d’un site nucléaire accidenté. « Pour nous, ce projet devait également permettre d’intervenir plus rapidement là où c’est nécessaire. Par exemple, au Japon, des habitants de zones très contaminées situées à plus de 45 kilomètres de la centrale ont été évacués plus d’un mois après l’accident. Mais cette reformulation de l’objectif nous a été refusée, d’où notre départ. »

Dans les rues de Futaba, dans la préfecture de Fukushima, le gouvernement continue de mener des travaux de décontamination pour permettre aux habitants de revenir s’y installer un jour.

« Si c’était le vrai bilan, on n’aurait rien à craindre d’une guerre atomique »

Pour le président de l’association Enfants de Tchernobyl Belarus, Yves Lenoir, auteur du livre La Comédie atomique. L’histoire occultée des dangers des radiations (La Découverte, 2016), ces biais tiennent au caractère historiquement pronucléaire du Comité scientifique des Nations unies.

« L’UNSCEAR a été créé en 1955 pour informer sur les effets des radiations, dans l’optique de la fondation de l’AIEA [Agence internationale de l’énergie atomique]. Depuis, tous les rapports de l’UNSCEAR ont le même but : promouvoir le développement de l’énergie nucléaire, assure-t-il. Après l’accident nucléaire de Tchernobyl, c’est l’UNSCEAR qui a monté les groupes de travail qui ont produit le Tchernobyl Forum de 2005, lequel a décrété que le bilan final de la catastrophe s’établissait à 50 morts et 4.000 cancers. Cinquante morts, alors que le réacteur accidenté recrachait chaque heure l’équivalent de tous les produits de fission largués par une bombe atomique qui explose ! Si c’était le vrai bilan, on n’aurait rien à craindre d’une guerre atomique. Mais un an plus tard, les académiciens Yablokov et Nesterenko publiaient une compilation de plus de 1.100 articles scientifiques sur les effets de Tchernobyl qui, entre autres, établissait à 45 ans l’âge moyen de décès des liquidateurs. »

Selon Yves Lenoir, l’histoire se répète avec Fukushima. « Mikhaïl Balonov, qui fut le secrétaire général du Tchernobyl Forum et s’est distingué en invitant en 1986 une femme enceinte à vivre dans une zone très contaminée de Russie pour rassurer la population, a été chargé de coordonner le premier rapport de l’UNSCEAR consacré aux conséquences de l’accident de Fukushima — rapport qu’il a ensuite qualifié de “Bible”. »

On ne saura probablement jamais combien de personnes sont mortes ou mourront de pathologies en lien avec les retombées radioactives de l’accident de Fukushima. On ne saura sans doute pas davantage combien de vies auront été épargnées par les opérations d’évacuation. Une chose est sûre cependant : le bilan de la catastrophe est lourd. Et s’il est moins important que celui de l’accident nucléaire de Tchernobyl, c’est que le vent, favorable au moment des explosions des réacteurs et de la surchauffe de la piscine d’entreposage du combustible, a poussé 80 % de la radioactivité vers l’océan Pacifique plutôt que vers les terres habitées.

C’est maintenant que tout se joue…

La communauté scientifique ne cesse d’alerter sur le désastre environnemental qui s’accélère et s’aggrave, la population est de plus en plus préoccupée, et pourtant, le sujet reste secondaire dans le paysage médiatique. Ce bouleversement étant le problème fondamental de ce siècle, nous estimons qu’il doit occuper une place centrale dans le traitement de l’actualité.
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Précisions

Source : Émilie Massemin pour Reporterre

Photos :
. chapô : L’équipe de l’AIEA examine le réacteur 3 de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Giovanni Verlini/IAEA ImageBank/Flickr CC
. Réacteur 3. Giovanni Verlini/IAEA ImageBank/Flickr CC
. Les restes d’une maison de retraite. Giovanni Verlini/IAEA ImageBank/Flickr CC
. Dans les rues de Futaba. © Caroline Gardin pour Reporterre

Japon : alerte au tsunami

Japon : alerte au tsunami après un séisme de 7,2 près de Fukushima

Le tremblement de terre, ressenti à Tokyo également, s’est produit à 10h09, heure de Paris à une profondeur de 60 kilomètres sous l’océan Pacifique.

Un homme priant pour ses proches disparus dans le tsunami de 2011 sur la plage de Natori (Miyagi)
Un homme priant pour ses proches disparus dans le tsunami de 2011 sur la plage de Natori (Miyagi)Crédit : Kazuhiro NOGI / AFP


Aymeric Parthonnaud  Aymeric Parthonnaud et AFP

Un avertissement au tsunami a été déclenché samedi 20 mars 2021 au Japon après un séisme sous-marin de magnitude 7,2 près des côtes de la préfecture de Miyagi dans le nord-est du pays. Ce tremblement de terre est susceptible d’entraîner des vagues d’environ un mètre, selon l’Agence météorologique japonaise (JMA). Aucun dégât à Miyagi n’était signalé dans l’immédiat, et les fournisseurs d’électricité évaluaient la situation des centrales nucléaires dans la zone, selon les médias nippons.

Le mois dernier, cette même région, le Tohoku, avait aussi été secouée par un séisme sous-marin de magnitude 7.3, qui n’avait pas entraîné de tsunami. Une centaine de personnes avaient été blessées tandis que les dégâts matériels avaient été limités.

La situation inquiète particulièrement les autorités et la population puisque la préfecture de Miyagi est voisine de celle de Fukushima. Elle vient tout juste, comme tout le pays, de célébrer le triste anniversaire du tsunami meurtrier de 2011 et de la catastrophe nucléaire qui en a résulté. 

 

Le tremblement de terre, ressenti à Tokyo également, s’est produit à 18h09 heure locale  (10h09, heure de Paris) à une profondeur de 60 kilomètres sous l’océan Pacifique, selon la JMA. Situé au carrefour de plusieurs grandes plaques tectoniques, le Japon est quasi quotidiennement touché par des tremblements de terre. Mais le pays a de strictes normes de construction pour que ses bâtiments soient capables de résister à de fortes secousses.

 

Fukushima Daiichi : l’actualité du 11 mars 2021

11 mars 2021

Fukushima Daiichi : l’actualité du 11 mars 2021

Difficile de décrire 10 ans en un seul article. Je ne m’y risquerai donc pas aujourd’hui, d’autant plus que j’ai réalisé un dossier documentaire de 10 pages pour la dernière BD de Bertrand Galic et Roger Vidal qui retrace les 5 premiers jours de la catastrophe : Fukushima – Chronique d’un accident sans fin. Je vous la conseille évidemment car elle nous plonge au cœur de la catastrophe nucléaire du point de vue du directeur de la centrale, Masao Yoshida, ce qui est une nouveauté. Cette approche a pu être possible grâce à la publication, quelques années plus tôt, du témoignage de Yoshida par les Presses des Mines en plusieurs volumes sous la direction de Franck Guarnieri. Beaucoup d’autres documents sortent à l’occasion de ce triste anniversaire. J’y reviendrai un peu plus tard. Voyons plutôt pour l’instant les derniers évènements à la centrale de Fukushima Daiichi.

Dalle de couverture du puits de cuve du réacteur 2 : le robot mesure 10 Sv/hDalle de couverture du puits de cuve du réacteur 2 : le robot mesure 10 Sv/h

 

Une radioactivité phénoménale

Le saviez-vous ? L’information a été largement diffusée au Japon à l’automne 2020 : les inspecteurs de la NRA (l’Autorité de sûreté nucléaire du Japon) ont relevé des débits de dose de 10 Sievert/heure au-dessus des dalles fermant les enceintes de confinement des réacteurs 2 et 3. Cette dose est létale en une heure. Autant dire que les opérations de démantèlement sont reportées à la Saint-Glinglin. La NRA a également évalué le césium contenu dans ces dalles qui sont constituées de plusieurs parties : 20 à 40 pétabecquerels de césium 137 dans le bouclier du réacteur n°2 et autour de 30 pétabecquerels pour celui du réacteur n°3.

C’est là qu’il faut rappeler ce qu’est un pétabecquerel : un million de milliards de becquerels. Pour seulement ces deux réacteurs, nous avons donc encore sur place, juste à l’entrée des puits de cuve, une soixantaine de pétabecquerels de césium 137, soit autant que ce qu’on estime s’être échappé de la centrale en mars 2011.

C’est là aussi que l’on voit une différence entre la NRA et Tepco. Avec Tepco, on n’a jamais eu ces données. On retrouve cette différence de comportement dans la diffusion de vidéos d’inspections des réacteurs : alors que Tepco a tendance à cacher toutes les images de l’intérieur, la NRA diffuse très rapidement les visites des réacteurs et met toutes ses enquêtes en ligne.

Intérieur du bâtiment réacteur 3 - Capture écran vidéo NRA 2020Intérieur du bâtiment réacteur 3 – Capture écran vidéo NRA 2020

 

Pour les visites de la NRA, c’est ici : Réacteur 1 : https://youtu.be/L_ziRb1-UeE ; Réacteur 2 : https://youtu.be/QBi912E-wIQ ; Réacteur 3 : https://youtu.be/c5T456NE3lg ; Réacteur 3 (bis) : https://youtu.be/U884fbhFiF8

Intérieur du bâtiment réacteur 3 – Capture écran vidéo NRA 2020

Du corium pour l’éternité

Selon la SFEN (société française de l’énergie nucléaire), les robots, non encore conçus pour l’instant, qui récupéreront les coriums de Fukushima pourront entrer en action dès 2022. Ceux-ci pourront, toujours d’après cette association propagandiste (*), retirer à terme quelques kilogrammes de corium par jour, ce qui permettra d’extraire la totalité de cette matière au bout de 20 à 30 ans (si toutefois une partie ne s’est pas enfoncée trop profondément dans le sol). Vérifions cette assertion. Imaginons que ce soit vrai et que l’on puisse retirer, soyons optimistes, 5 kg par jour (je rappelle que pour l’instant, on a juste réussi à déplacer quelques grammes de quelques cm). Au bout de 20 ans, 36,5 tonnes seront retirées. Au bout de 30 ans, 55 tonnes. En sachant qu’on estime à 880 tonnes la masse des coriums de Fukushima, il faudra en fait, avec un rythme de 5 kg/jour, près de 500 ans. Mais si c’est 2,5 kg par jour, ce sera mille ans ! Le problème, c’est que les bâtiments réacteurs, construits en béton armé, ne résisteront pas au temps. Les séismes et les explosions de mars 2011 ont fragilisé les structures et le dernier séisme du 13 février 2021 a agrandi les failles dans lesquelles s’engouffre l’eau contaminée. Il est donc probable que les bâtiments réacteurs, rongés par la rouille et l’éclatement des bétons, tomberont en ruine avant même qu’on ne puisse terminer cette opération. Dans 50 ans, les réacteurs auront un siècle…

(*) La SFEN avait en effet annoncé imprudemment pour 2015 « l’évacuation des piscines des réacteurs 1 à 3 ». 6 ans après cette prédiction scientifique, seule la piscine n°3 a été vidée sur les 3 citées (la n° 4 avait été vidée l’année précédente).

Le port de la centrale ouvert sur l'océan (source : Mainichi Shimbun / Koichiro Tezuka 2021 02 13)Le port de la centrale ouvert sur l’océan (source : Mainichi Shimbun / Koichiro Tezuka 2021 02 13)

 

La bonne blague de la digue

Quand on regarde la centrale, on voit que la digue portuaire est une structure ouverte,  conçue pour briser les vagues et protéger le port et ses équipements à un niveau normal de l’océan. Ainsi, quelle que soit la hauteur de ce type de digue, l’eau peu s’engouffrer dans le port et inonder la centrale. 10 ans plus tard, est-ce que Tepco a construit une véritable digue empêchant l’eau d’inonder à nouveau le site ? Non, le port est toujours accessible aux bateaux. Montrer cette digue en coupe pourrait faire croire qu’elle peut empêcher l’eau de mer de s’engouffrer. Mais ce n’est pas vrai. La digue permet de briser la puissance des vagues mais n’empêche pas l’inondation. Donc on peut prédire facilement que lors du prochain tsunami de plus de 10 mètres de hauteur qui s’abattra sur la centrale, l’eau s’y engouffrera de la même manière qu’en 2011. Avec un démantèlement prévisible d’au moins un siècle, quelle est la probabilité pour qu’un tsunami survienne ? Je laisse les statisticiens faire des prévisions en sachant que, depuis un siècle, il y a eu 8 tsunamis de plus de 10 m de hauteur sur la côte pacifique du Japon. Dans tout accident, tous les secouristes savent que la première chose à faire est de protéger, avant même d’alerter et de secourir, pour éviter d’autres victimes. Dans le cas du super accident de Fukushima Daiichi, une digue anti-tsunami (**) aurait ainsi dû être construite dès 2011 pour éviter qu’une deuxième inondation ne survienne. Cette inondation est donc programmée puisque, 10 ans plus tard, la centrale n’est toujours pas protégée.

(**) Pour les curieux, voici un véritable mur anti-tsunami, construit à la centrale de Hamaoka : http://img.over-blog-kiwi.com/0/54/77/39/20160223/ob_ff3124_2.jpg

Changement de présentation de l'étude pour cacher la réalité (Diapo Hisako Sakiyama, vidéo Criirad)Changement de présentation de l’étude pour cacher la réalité (Diapo Hisako Sakiyama, vidéo Criirad)

 

Manipulation d’étude scientifique

L’UNSCEAR n’en est pas à son premier forfait. Cette institution scientifique émanant de l’ONU est chargée de notre protection radiologique. Sauf que depuis qu’elle existe, elle n’a eu de cesse de se plier à une sorte de dogme (donc non scientifique) qui énonce que les faibles doses de radioactivité ne sont pas dangereuses pour la santé. Ainsi, en 1979, les habitants autour de Three Mile Island ont connu une augmentation de 20 % de l’incidence de cancer mais l’UNSCEAR n’en a pas tenu compte et a annoncé que le nuage radioactif n’avait pas eu d’effet. En 1986, dès que le nuage radioactif de Tchernobyl a sillonné l’Europe, l’UNSCEAR s’est empressé de dire qu’il n’était pas nécessaire de se confiner et que la prise de pastilles d’iode était superflue. A propos, le professeur Pellerin, qui a fait arrêter le nuage de Tchernobyl à la frontière de la France, était chef de la délégation française à l’UNSCEAR ; tout s’explique (***). En 2014, l’UNSCEAR a émis un rapport sur Fukushima disant que tout allait bien et que le nombre important de cancers de la thyroïde s’expliquait non pas par la radioactivité de l’iode 131 qui se fixe dans la thyroïde mais par un surdiagnostic ou un effet de dépistage. C’est donc sans étonnement aucun que l’on voit l’UNSCEAR reprendre ces mêmes conclusions et signer un nouveau rapport, publié avant-hier, confortant les conclusions de celui de 2014.

Des scientifiques indépendants s’inquiètent. Hisako Sakiyama, qui a été, en tant que chercheuse à l’Institut National des Sciences Radiologiques du Japon, membre de la commission d’enquête mandatée par la Diète sur la catastrophe nucléaire de Fukushima, a révélé samedi dernier que le protocole de restitution des résultats de l’enquête sur les cancers de la thyroïde a été modifié en cours de réalisation afin de cacher la corrélation entre le taux de radioactivité et le taux des cancers. Et cette manipulation a été faite en utilisant des estimations réalisées par… l’UNSCEAR. Aux dernières nouvelles, il y a 252 cas de cancers de la thyroïde suspectés, dont 202 ont été confirmés après une intervention chirurgicale. Or, selon le taux d’incidence du cancer de la thyroïde au Japon avant le 11 mars 2011, il n’aurait dû y en avoir qu’une dizaine en 2021.

(***) Même sans l’UNSCEAR, la France a toujours eu le réflexe de cacher et de minimiser les conséquences néfastes du nucléaire. Par exemple, suite aux graves accidents nucléaires à la centrale de Saint-Laurent-des-Eaux en 1969 et 1980, aucune étude épidémiologique n’a été réalisée vis-à-vis de la population vivant à proximité de la centrale.

Des fuites plus conséquentes et de l’eau contaminée en pagaille

Conséquence du séisme du 13 février dernier, ça fuit encore plus aux réacteurs 1 et 3. C’est-à-dire que le débit de l’eau contaminée qui part vers les sous-sols et la nappe phréatique augmente. Pas de chance pour Tepco qui souhaitait montrer, pour le 10ème anniversaire de la catastrophe, qu’il maîtrisait entièrement la situation. Autre conséquence du séisme, on a appris par la NHK qu’une cinquantaine de réservoirs de 1000 m3 s’étaient déplacés de 5 à 19 cm… Au sujet de ces réservoirs, l’industrie nucléaire et son autorité, l’AIEA, se font de plus en plus insistantes pour rejeter plus d’un million de tonnes d’eau contaminée dans l’océan. Mais la population et les pays voisins y sont opposés. Tepco, une nouvelle fois, s’est fait prendre à mentir au sujet de la décontamination de cette eau, elle n’est pas si propre que l’on veut bien le dire. L’opérateur a été obligé de reconnaître qu’il y restait des radionucléides peu recommandables… carbone 14, strontium 90, iode 129. Le carbone 14 est un élément radioactif à la durée de vie de 5730 ans ; une fois rejeté dans l’environnement, il peut intégrer le cycle du carbone et se retrouver au cœur des cellules des êtres vivants. Le strontium 90 est assimilé par le corps comme si c’était du calcium ; une fois fixé dans les os, il peut provoquer des cancers des os et des leucémies. L’iode 129, comme l’iode 131, est un isotope dont la radiotoxicité est importante du fait de son accumulation dans la thyroïde.

Concernant cette eau contaminée dont on ne sait que faire, Tepco affirme en retirer 62 radionucléides avec le système ALPS. En voici la liste : Ag-110m, Am-241, Am-242m, Am-243, Ba-137m,Ba-140, Cd-113m, Cd-115m, Ce-141, Ce-144, Cm-242, Cm-243, Cm-244, Co-58, Co-60, Cs-134, Cs-135, Cs-136, Cs-137, Eu-152, Eu-154, Eu-155, Fe-59, Gd-153, I-129, Mn-54, Nb-95, Ni-63, Pm-146, Pm-147, Pm-148, Pm-148m, Pr-144, Pr-144m, Pu-238, Pu-239, Pu-240, Pu-241, Rb-86, Rh-103m, Rh-106, Ru-103, Ru-106, Sb-124, Sb-125, Sm-151, Sn-119m, Sn-123, Sn-126, Sr-89, Sr-90, Tb-160, Tc-99, Te-123m, Te-125m, Te-127, Te-127m, Te-129, Te-129m, Y-90, Y-91, Zn-65.

Or, parmi ces éléments, 27 ont une période supérieure à 1 an. J’ai recherché tous les éléments dont la période est supérieure à 1 an (car encore décelables au bout de 10 ans) et j’en ai trouvé 91. J’en déduis que le système ALPS de Tepco ne traite pas 64 éléments. Parmi ceux-ci, se trouve le tritium qui se retrouve en grande quantité car étant sous forme d’eau tritiée, on peut difficilement le piéger. Or, comme pour le carbone 14, l’eau tritiée se retrouvera dans les cellules vivantes.

Un assemblage en mauvais état de la piscine 3 (source : capture d'écran vidéo Tepco)Un assemblage en mauvais état de la piscine 3 (source : capture d’écran vidéo Tepco)

 

La piscine du réacteur 3 est vide

Tepco a fini de vider la piscine du réacteur 3 de son combustible (566 assemblages) le 28 février 2021. Il aura donc fallu presque deux ans pour accomplir cette opération complexe puisqu’elle avait commencé le 15 avril 2019. Les assemblages sont maintenant sécurisés dans la piscine commune du site de Daiichi. Ce qui est étrange, c’est que peu d’images ont filtré de cette opération sensible, contrairement au retentissement médiatique du vidage de la piscine 4 en 2014. Est-ce parce que des assemblages de MOX français y étaient entreposés ? On aurait aimé voir l’état du combustible car l’explosion du réacteur 3 le 14 mars 2011 n’a toujours pas été expliquée. On commence seulement à voir la NRA s’intéresser à étudier, 10 ans après, les différentes phases de cette explosion gigantesque. J’ai tout de même pu extraire d’une vidéo de Tepco une capture d’écran d’un assemblage qui semble avoir souffert car il a des couleurs bizarres et semble avoir des perforations. Son état a-t-il pu être causé par un accident de criticité ? (image ci-dessus)

À suivre…

Publié par Pierre Fetet dans au japon

Fukushima : Tokyo tétanisé…

Fukushima : Tokyo tétanisé devant l’insoluble problème de l’eau contaminée

Le gouvernement japonais et Tepco veulent relâcher en mer, comme le font les autres centrales de la planète, le million de litres d’eau chargée en tritium. Mais ils se heurtent au refus des pêcheurs et des associations de défense de l’environnement.

Voici les 1,24 million de mètres cubes d'eau stockés pour l'instant dans plus d'un millier de citernes géantes près des quatre réacteurs détruits en mars 2011.
Voici les 1,24 million de mètres cubes d’eau stockés pour l’instant dans plus d’un millier de citernes géantes près des quatre réacteurs détruits en mars 2011. (Ichiro Ohara/AP/SIPA)
Publié le 11 mars 2021 à 12:30

 

Surtout, ne rien dire. A chaque sortie dans la région de Fukushima, les dirigeants japonais rivalisent de formules creuses pour ne pas se prononcer sur la gestion épineuse de l’eau « contaminée » qui s’est accumulée en dix ans dans la centrale détruite.

De passage le week-end dernier à Minamisoma, juste au nord du site, le premier ministre, Yoshihide Suga a indiqué que le gouvernement déciderait d’une politique d’élimination « au moment opportun et de manière responsable ». Il n’a évoqué ni calendrier, ni méthode pour éliminer les 1,24 million de mètres cubes d’eau stockés pour l’instant dans plus d’un millier de citernes géantes près des quatre réacteurs détruits en mars 2011.

Mur de glace artificielle

Chaque jour, Tepco, l’électricien en charge de la centrale de Fukushima Daiichi, doit gérer 140.000 litres d’eau supplémentaires. Cette eau provient soit du système de refroidissement des coeurs des réacteurs 1, 2 et 3, soit des écoulements naturels souterrains qui s’infiltrent toujours, malgré la mise en place de nombreux dispositifs, dont un mur de glace artificielle, dans les sous-sols des bâtiments ravagés.

Une fois pompée, cette eau, qui se charge en éléments radioactifs lors de son passage dans les réacteurs, est transférée dans une série de systèmes de retraitement construits sur place. Mais ces successions de filtres et de réactions chimiques n’éliminent, au mieux, que 62 des 63 radionucléides qui la contaminent. Surtout, elles ne peuvent pas faire disparaître le tritium, un isotope radioactif de l’hydrogène très connu dans l’industrie du nucléaire.

Tepco et le gouvernement japonais rappellent que des dizaines d’autres complexes nucléaires de la planète, notamment ceux de La Hague ou de Tricastin en France, rejettent cette eau « tritiée » en mer ou dans des fleuves sans que cela pose le moindre problème sanitaire pour la faune ou les humains. Et ils se proposent d’appliquer la même procédure à Fukushima.

« Il y a peu de tritium dans l’eau stockée. Seulement, l’équivalent de 16 grammes dans un volume total équivalent à 500 piscines olympiques », martèle Yumiko Hata, la responsable de la gestion des déchets de Fukushima Daiichi au ministère de l’Industrie. Les autorités envisagent ainsi de relâcher progressivement sur vingt ans l’équivalent de ce que le site de La Hague relâche en… vingt jours.

Le report en question

Mais ce plan est critiqué par plusieurs associations et une partie des habitants de la zone. Greenpeace rappelle que 70 % de l’eau stockée va nécessiter un nouveau passage dans les systèmes de retraitement car elle affiche toujours, en plus du tritium, des taux de concentration de certains autres radionucléides supérieurs aux normes réglementaires.

L’organisation plaide donc pour un report de plusieurs années des programmes de rejet. Eventuellement, jusqu’en 2035. « Le stockage à long terme est possible. Il réduirait la quantité de tritium dangereuse (par désintégration naturelle), et serait l’option la moins dommageable pour l’environnement », détaille leur expert Shaun Burnie, dans son dernier rapport.

VIDEO. Vu du ciel, l’impact du tsunami de 2011 au Japon est toujours là

Opposition des pêcheurs

Une option rejetée toutefois par Tepco qui affirme qu’il atteint ses limites de stockage sur le site et a besoin rapidement d’espace pour enclencher les prochaines étapes du démantèlement des réacteurs. « On ne peut pas rejeter indéfiniment cette décision », pointe Yumiko Hata.

Moins catégoriques sur ces questions scientifiques, les pêcheurs de la région craignent surtout, eux, l’impact de cette eau sur la réputation, déjà très malmenée, de leurs produits. Bien que des tests systématiques très stricts montrent que leurs poissons sont sains et ne portent, à quelques rares exceptions près, pas de trace de contamination, les consommateurs continuent de les bouder.

L’an dernier, ils n’ont pu écouler que 4.500 tonnes de poissons et de fruits de mer, soit moins d’un cinquième de ce qu’ils vendaient en 2010, avant l’accident. Pour beaucoup d’entre eux, les rejets d’eau tritiée achèveraient de tuer leur filière.

Yann Rousseau (Correspondant à Tokyo)

 

Le Japon se fige…

Le Japon se fige pour les 10 ans de la catastrophe de Fukushima

Près de 22 500 personnes avaient trouvé la mort en 2011 après le séisme de magnitude neuf qui avait entraîné un gigantesque tsunami, puis un accident nucléaire.

Le Monde avec AFP – Publié aujourd’hui à 08h17, mis à jour à 11h03

Un homme se recueille devant une stèle en hommage aux victimes de la catastrophe de Fukushima, au Japon, le 11 mars 2021.

 

A 14 h 46, le Japon s’est figé, jeudi 11 mars, à l’heure exacte à laquelle le séisme avait frappé le pays, dix ans plus tôt. Une minute de silence a été observée dans tout le Japon, suivie à Tokyo d’une cérémonie où se sont exprimés l’empereur Naruhito et le premier ministre, Yoshihide Suga. Des sirènes ont retenti au même moment sur des plages du littoral où des personnes se sont recueillies les mains jointes en regardant vers la mer.

Le pays a commémoré jeudi le dixième anniversaire de la triple catastrophe du 11 mars 2011 – séisme, tsunami et accident nucléaire – qui a traumatisé durablement toute la nation.

Le lourd bilan humain de près de 22 500 morts ou disparus a été causé principalement par un gigantesque tsunami, dont les vagues hautes comme des immeubles se sont abattues sur les côtes du Nord-Est japonais peu après le tremblement de terre de magnitude 9. L’accident nucléaire qui a suivi à la centrale de Fukushima Daiichi, envahie par les flots, où les cœurs de trois des six réacteurs sont entrés en fusion, a rendu des villes entières inhabitables pendant des années à cause des radiations et forcé des dizaines de milliers de personnes à partir. Il s’agissait du plus grave accident nucléaire depuis celui de Tchernobyl (en Ukraine) en 1986.

« La magnitude des dégâts causés par la catastrophe est si profonde que la mémoire inoubliable de la tragédie persiste dans mon esprit », a déclaré l’empereur. « Notre nation a vécu plusieurs catastrophes qu’on peut considérer comme des crises nationales », mais « nos prédécesseurs ont surmonté chaque crise avec courage et espoir », a rappelé pour sa part M. Suga, assurant que le Japon regarderait « toujours vers l’avant ». Des messages de solidarité ont été envoyés du monde entier, notamment par le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres.

Nouveau séisme le 13 février

Des hommages publics et privés ont eu lieu toute la journée dans le nord-est du Japon, comme à Hisanohama, dans la ville côtière d’Iwaki (département de Fukushima), où Toshio Kumaki, 78 ans, s’est recueilli au lever du jour sur le mur anti-tsunami en béton construit après 2011. « Je viens marcher ici tous les matins, mais aujourd’hui, c’est un jour spécial », a-t-il dit en priant en direction du soleil levant.

A Miyagi, un des trois départements du nord-est les plus meurtris, des opérations de recherche ont été organisées par des habitants qui espèrent encore retrouver un être cher. Les restes d’une femme emportée par le tsunami d’il y a dix ans ont été identifiés la semaine dernière, libérant son fils d’une insoutenable incertitude et lui permettant, enfin, de faire son deuil.

Le Japon a tiré certaines leçons de la triple catastrophe, érigeant de nouveaux murs anti-tsunami toujours plus hauts, améliorant les systèmes d’alerte et les routes d’évacuation, mais le danger demeure. Un tremblement de terre de magnitude 7,3 est venu rappeler, le 13 février, les risques sismiques permanents au large du Japon. Plus d’une centaine de personnes avaient été blessées dans ce séisme, considéré comme une lointaine réplique de celui de 2011.

Ces commémorations ont eu lieu à deux semaines seulement du départ prévu, à Fukushima, du relais de la flamme olympique pour les JO de Tokyo 2020, baptisés « Jeux de la reconstruction ». L’ombre de la pandémie plane sur l’événement, reporté à cette année, mais gouvernement japonais et organisateurs espèrent que le relais permettra de recentrer l’attention sur cette région meurtrie.

« Des gens sont morts sous mes yeux »

Nayuta Ganbe, un étudiant de Sendai, capitale du département de Miyagi, s’exprime régulièrement lors d’événements sur le thème de la prévention des catastrophes, puisant dans son expérience personnelle du tsunami. Mais il préfère d’habitude se recueillir en privé le 11 mars.

« C’est le jour où j’ai perdu mes camarades de classe. Des gens sont morts sous mes yeux. C’est un jour que j’espère ne jamais avoir à revivre », confie le jeune homme aujourd’hui âgé de 21 ans. Cette année cependant, il a voulu participer à une cérémonie : « Exactement dix ans après, j’espère faire face à la catastrophe avec une nouvelle perspective », a-t-il expliqué à l’Agence France-Presse.

Pour beaucoup, cet anniversaire est l’occasion d’un moment de réflexion personnelle sur un drame national encore douloureusement présent avec des dizaines de milliers de personnes déplacées et 2 % de la superficie de Fukushima en zone interdite.

Le pasteur Akira Sato, qui prêchait dans plusieurs églises et chapelles baptistes encore aujourd’hui en zone interdite, devait se rendre dans un de ces lieux abandonnés pour se recueillir. « Mon épouse et moi-même allons réfléchir en silence sur les jours de la catastrophe et offrir une prière », avait-il déclaré au début du mois.

 

Le vendredi 11 mars 2011, à 14 h 46 heure locale (6 h 46 à Paris), un séisme sous-marin de magnitude 9,1 se produit à 130 kilomètres au large de l’archipel du Japon, dans l’océan Pacifique. Un puissant tsunami frappe ensuite la façade orientale de la région du Tohoku sur plus de 600 km de côte. La vague géante submerge les digues de protection et provoque des destructions massives dans les villes côtières. La mer envahit également la centrale de Fukushima Daiichi, provoquant le deuxième accident nucléaire le plus grave après celui de Tchernobyl (1986). Une coupure électrique et une défaillance des générateurs de secours ont empêché le bon fonctionnement du système de refroidissement, engendrant des explosions dues à la surchauffe, un nuage radioactif et un écoulement d’eaux contaminées dans le Pacifique. Au total, le bilan humain est lourd : 22 500 morts et disparus, dont une grande majorité sont engloutis par le tsunami.

Fukushima : Dix ans après, le gouvernement japonais …

Fukushima : Dix ans après, « le gouvernement japonais aimerait tourner la page, mais la réalité est bien plus compliquée »

INTERVIEW Il y a dix ans, le 11 mars 2011, l’accident nucléaire de Fukushima plongeait le Japon et le monde dans la frayeur. De l’histoire ancienne ? Pas pour les milliers de réfugiés qui peinent toujours à reprendre une vie normale, raconte la sociologue Cécile Asanuma-Brice

Propos recueillis par Fabrice Pouliquen

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Fukushima: Dix ans après, des villes toujours désertes — 20 Minutes

  • Le 11 mars 2011, un séisme et un tsunami au large du Japon provoquaient plusieurs explosions et la fonte de trois des six réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima Dai Ichi, l’une des plus grandes au monde alors.
  • Dix ans plus tard, la centrale est toujours à l’arrêt, la décontamination des zones évacuées toujours en cours, et parmi les 120.000 réfugiés officiels, tous n’ont pas retrouvé une vie normale.
  • Sociologue vivant au Japon, Cécile Asanuma-Brice a étudié ces dix dernières années les conséquences sociales de la gestion de l’accident. Notamment les effets collatéraux de la politique nippone, qui vise à encourager les retours à tout prix.

Le 11 mars 2011, au large du Japon, un séisme de magnitude 9 doublé d’un tsunami engendrait l’un des plus grands désastres industriels de l’ère moderne avec l’accident nucléaire de Fukushima. Les trois réacteurs entrés en fusion sont depuis à l’arrêt et, dix ans après, les opérations de décontamination sont toujours en cours.

Mais les conséquences de cette catastrophe nucléaire vont bien au-delà du périmètre de la centrale. Sociologue, chercheuse au CNRS et résidente permanente au Japon depuis 2001, Cécile Asanuma-Brice a étudié les conséquences sociales de la gestion de l’accident par les autorités nippones. Notamment sur les 160.000 réfugiés officiels qui peinent toujours à retrouver une vie normale. Un volet souvent oublié que Cécile Asanuma-Brice retrace dans  Fukushima, dix ans après [ed. Maison des sciences et de l’homme], qui vient de paraître. Elle répond à 20 Minutes.

La sociologue et chercheuse au CNRS Cécile Asanuma-Brice.
Qu’est-ce qui vous a poussée à étudier les conséquences sociales de la catastrophe nucléaire de Fukushima ?

D’abord parce que j’ai vécu ce désastre de l’intérieur. Le 11 mars 2011, j’étais à Ebisu, un quartier de Tokyo (à 260 km au sud  de la centrale), lorsque la terre a tremblé. Le séisme, le tsunami puis les explosions et la fonte de trois des six réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima Daïchi… Le Japon a vécu des moments d’intenses frayeurs. Le Premier ministre de l’époque, Naoto Kan, a été jusqu’à envisager l’évacuation de toute la moitié nord du pays, Tokyo comprise. Mission quasi-impossible. Le 15 mars, lorsque Tepco, le gestionnaire de la centrale, a annoncé son intention de l’abandonner, la conséquence aurait pu être de faire une croix sur l’existence même du Japon.

Au-delà du fait que ce sont des moments marquants, je me suis intéressée aux conséquences sociales de la gestion de l’accident, parce que cela avait un lien direct avec mes travaux sur la politique publique des logements à caractère social en France, puis au Japon. Or, après l’accident de Fukushima, très vite, le premier enjeu a été celui du logement, parce qu’il a fallu évacuer des milliers de gens.

Ce dixième anniversaire est-il l’occasion de tourner la page ?

Le gouvernement japonais l’aimerait beaucoup. Les JO de Tokyo * visent d’ailleurs à montrer que « Fukushima est sous contrôle », ce qu’avait assuré le Premier ministre Shinzo Abe dès 2013 au comité d’attribution des Jeux. Dès 2014, le gouvernement a mis en place une politique dont l’intitulé veut tout dire : « Communication du risque pour le retour ». Cette politique consiste à prôner la résilience [la capacité à surmonter les difficultés], à inciter les Japonais à acheter des produits agricoles de la région de Fukushima… Autrement dit, à donner l’impression que tout va bien et faire comprendre aux réfugiés qu’il va falloir songer à rentrer. En parallèle, depuis 2014, le gouvernement rouvre petit à petit les zones évacuées. En 2011, onze communes l’avaient été, représentant un territoire de 1.100 km². Ce périmètre a été ramené à environ 350 km² aujourd’hui.

 

La réalité est-elle plus compliquée ?

Oui, ne serait-ce parce que la décontamination n’est pas terminée. Elle a globalement marché là où on savait le faire. C’est-à-dire dans les zones urbaines et les terres cultivées dont la couche superficielle du sol a été raclée sur 5 à 10 cm, ce qui a permis d’enlever une grosse partie de la radioactivité.

Mais, même-là, ça reste inégal. Les compteurs Geiger affichent des niveaux de radiations parfois très élevées en certains endroits de zones rouvertes. Parfois même au-delà de 1 microsievert (μSv) par heure, quand le niveau de radiation naturel était de 0,04 μSv par heure avant l’accident. Surtout, la majeure partie du territoire évacué en 2011 est constituée de forêts, qu’on ne sait pas aujourd’hui décontaminer.

Un magasin et son distributeur de sucreries abandonnés à Okuma, dans la préfecture de Fukushima, le 27 février dernier.
Un magasin et son distributeur de sucreries abandonnés à Okuma, dans la préfecture de Fukushima, le 27 février dernier. – Philip FONG / AFP
Vous pointez aussi les conséquences sociales de cette catastrophe nucléaire…

Pour le département de Fukushima, les chiffres officiels ont fait état de 160.000 réfugiés **. Beaucoup ont été relogés dans des logements publics vacants ou dans des logements d’urgence construits très vite après la catastrophe. C’est déjà un premier signe de leur déclassement social qui a duré plusieurs années pour ces personnes. Ces logements provisoires d’urgence n’ont été détruits qu’à partir de 2017.

La politique du gouvernement axée sur la nécessité du retour les a stigmatisés un peu plus encore. En répétant que la situation est sous contrôle à Fukushima, qu’on peut y retourner vivre, des Japonais n’ont plus compris alors pourquoi ces réfugiés continuaient d’être aidés financièrement et se sont mis à les voir comme des assistés sociaux.

Pourquoi, dix ans après, peu de réfugiés retournent vivre dans les zones évacuées ?

En août 2019, seulement 35 % de la population était rentrée dans les onze communes évacuées en 2011. On peut y voir, sans doute en partie, une perte de confiance à l’égard des dirigeants politiques. On leur répète que la situation est sous contrôle alors qu’on méconnaît les dangers qu’il y a à s’exposer à des taux de radioactivité tels que l’on peut encore en rencontrer dans les zones touchées par la catastrophe.

Une part non négligeable des réfugiés expliquent aussi avoir refait leur vie ailleurs. C’est plus souvent le cas pour les jeunes couples et pour ceux qui se sont réinstallés dans les campagnes, où la vie est moins chère, les opportunités de travail parfois plus grandes et les discriminations à l’égard des réfugiés moins fortes.

Une aire de jeux abandonnée à Tomioka, dans la préfecture de Fukushima, dans une zone interdite après la catastrophe nucléaire de 2011.
Une aire de jeux abandonnée à Tomioka, dans la préfecture de Fukushima, dans une zone interdite après la catastrophe nucléaire de 2011. – Philip FONG / AFP
Les réfugiés les plus âgés sont-ils alors ceux qui acceptent de retourner dans les zones évacuées ?

Majoritairement. Mais ces retours ne sont pas sans poser de nouvelles difficultés. Iltate, par exemple, est un village de montagne situé à 40 km de la centrale, composé de fermes et de chalets relativement isolés les uns des autres. Il a été très touché par la catastrophe nucléaire, en particulier sa partie sud, qui reste zone interdite. Sur les 6.000 habitants que comptait Iitate, environ 25 % sont revenus. Mais très peu de services (médecins, commerces alimentaires…) ont rouvert et il faut faire quarante minutes de voiture pour aller à l’hôpital le plus proche. Une source d’angoisse importante pour ces réfugiés, d’autant plus qu’ils sont souvent âgés.

La problématique est différente dans les communes évacuées situées sur le front de mer. Comme Tomioka. La ville a pris de plein fouet le séisme, le tsunami et l’accident nucléaire. Il a fallu tout raser pour tout bitumer là où il y avait, avant, un vrai cœur de ville, un tissu urbain complexe mélangeant les époques. Beaucoup des habitants qui ont accepté de revenir ne s’y retrouvent plus, vivent même parfois un nouveau choc traumatique. Au point, pour certains, de se laisser mourir ou de sombrer dans l’alcoolisme.

Fukushima, villes fantômes

A Fukushima, la difficile renaissance d’anciennes villes fantômes

Takako (G) et Takao Kohata, dans leur maison à Minamisoma, préfecture de Fukushima, le 27 février 2021 – afp.com – Philip FONG
Masakazu Daibo devant le restaurant d’anguilles de sa famille à Namie, petite ville du nord-est du Japon, le 1er mars 2021 – afp.com – Philip FONG

Masakazu Daibo a rouvert le restaurant d’anguilles de sa famille à Namie, petite ville du nord-est du Japon qui avait dû être totalement évacuée après la catastrophe nucléaire de Fukushima en mars 2011. Mais il n’a quasiment aucun voisin.

Son établissement est toujours entouré de bâtiments abandonnés, envahis par les mauvaises herbes, dans ce qui était autrefois le centre-ville de Namie.

Une décennie après le puissant séisme sous-marin ayant déclenché le tsunami qui a lui-même causé le pire accident nucléaire au monde depuis Tchernobyl, les localités hantées par le désastre et la menace persistante des radiations s’interrogent toujours: comment rebâtir une communauté?

Jusqu’à 12% du département de Fukushima, soit plus de 1.650 km2, avaient été interdits d’accès dans les mois ayant suivi la catastrophe, et jusqu’à 165.000 habitants avaient évacué, par obligation ou par choix.

De nombreuses zones ont été déclarées à nouveau habitables par les autorités à la suite de travaux intensifs de décontamination ces dernières années.

Mais beaucoup des « déplacés » de Fukushima sont réticents à revenir, en dépit d’incitations financières de l’Etat et de loyers bon marché.

Masakazu Daibo, lui, a franchi le pas l’an dernier, reprenant le restaurant que tenait son grand-père à Namie avant la catastrophe, à environ neuf kilomètres de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima Daiichi.

– Chiens errants, vaches et cochons –

Namie et 11 autres communes voisines faisaient partie d’une zone d’exclusion autour de la centrale, seulement accessible pour de brèves visites des années durant.

« Il n’y avait plus personne, mais la ville est restée. C’était comme un décor de cinéma », raconte à l’AFP M. Daibo, 65 ans. « Je voyais seulement des chiens errants, des vaches et des cochons ».

A cause des radiations, des murs du restaurant ont dû être abattus et Masakazu Daibo a dû jeter tout ce qu’il restait à l’intérieur.

Mais grâce à sa cuisine, le restaurateur espère que ses clients retrouveront le « goût d’antan ». « J’espère que ma présence sera un rayon de soleil pour cette ville ».

Les restrictions ont été levées pour seulement un cinquième du territoire de Namie, dont la population actuelle (1.580 habitants) représente à peine 7,5% de celle d’avant mars 2011.

Environ 36% des habitants sont âgés de 65 ans et plus, contre 29% pour la moyenne nationale. Les écoles de la commune accueillent seulement 30 élèves, contre près de 1.800 il y a dix ans.

Le Japon dans son ensemble est touché par un fort vieillissement démographique, mais pour Namie, « c’est comme si le futur dans 20 ans était arrivé d’un coup », explique Takanori Matsumoto, un responsable municipal.

« Survivre en tant que communauté est notre défi majeur », souligne-t-il.

Environ 337 km2, soit 2,4% de la superficie du département de Fukushima, demeurent actuellement inhabitables, et la population des déplacés est tombée à environ 36.000 personnes, selon des chiffres officiels, que de nombreux experts jugent toutefois largement sous-évalués.

Le gouvernement n’a pas fixé de date pour la levée des ordres d’évacuation restants, et de gros doutes persistent sur la durée du démantèlement de la centrale de Fukushima Daiichi, censé encore prendre de 30 à 40 ans.

Seulement 15% de la zone de décontamination spéciale délimitée par le gouvernement ont été complètement nettoyés à ce jour, a dénoncé l’organisation environnementale Greenpeace dans un rapport publié la semaine dernière, en se basant sur ses propres mesures des radiations.

– « Personne ne vient ouvrir » –

« Si j’étais seule, je reviendrais », assure Megumi Okada, une mère de famille partie de Fukushima après la catastrophe, bien qu’elle n’habitait pas dans une zone à évacuer.

« Mais en tant que mère, je veux vraiment éviter les risques pour mes enfants », ajoute Mme Okada, 38 ans, qui vit maintenant à Tokyo.

Et le retour a parfois un goût amer. Takao Kohata, 83 ans, est rentré à Minamisoma, au nord de la centrale accidentée, mais les parents de ses quatre petits-enfants ne les autorisent pas à lui rendre visite, par peur des radiations.

« Je comprends totalement leurs inquiétudes, mais je me sens un peu triste et solitaire », confie-t-il à l’AFP.

Masaru Kumakawa, 83 ans lui aussi, s’est réinstallé à Namie il y a trois ans, bien qu’il ait perdu ici sa femme dans le tsunami de 2011.

Tout en dirigeant une association visant à retisser des liens entre habitants, il a du mal à se rapprocher de ses voisins dans son nouveau lotissement.

« Ils ont vécu en tant qu’évacués pendant trop longtemps », dit-il. « On sonne à la porte, mais personne ne vient ouvrir ».

Par Shingo ITO
AFP – © 2021 AFP
Mise à jour 09.03.2021 à 09:00

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