"Rien n'est plus proche du Vrai ... que le Faux"

Auteur/autrice : serge angeles Page 2 of 32

Fukushima : pourquoi le Japon a mis dix ans

Fukushima : pourquoi le Japon a mis dix ans pour décider du rejet de l’eau radioactive dans l’océan

Le 13 avril 2021, le gouvernement japonais a officiellement donné son accord pour le rejet en mer de « l’eau traitée » qui était stockée dans les réservoirs de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, exploitée par Tokyo Electric Power Company (TEPCO). La Fédération des associations de coopératives de pêche de la préfecture de Fukushima et les Coopératives de pêche du Japon ont protesté contre cette décision qui, selon elles, allait inévitablement porter atteinte à la réputation de la région. Si la décision a reçu l’aval de États-Unis, les pays voisins, dont la Corée du Sud, la Chine, Taïwan et la Russie ont formulé des critiques et exprimé leurs préoccupations.

 

Les réservoirs de stockage occupent presque tout l’espace disponible de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, exploitée par TEPCO.

En fait, dès le 24 juillet 2013, Tanaka Shun’ichi, alors président de la Commission de réglementation de l’énergie nucléaire (sigle anglais NRA), a déclaré explicitement que si le processus de traitement pouvait ramener les niveaux de radioactivité de l’eau contaminée en dessous du seuil fixé par la loi au Japon, l’évacuation de l’eau était inévitable. Le chef de la délégation au Japon de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a déclaré à son tour, le 4 décembre 2013, qu’il convenait de rejeter l’eau en mer sous réserve de l’assentiment des parties concernées. Le gouvernement a beau dire que le rejet de l’eau peut se faire sans danger, il n’en a pas moins pris près de huit ans pour parvenir à une décision à ce sujet. Qui plus est, l’opposition au rejet de l’eau n’a pas disparu. Dans l’article qui suit, je me penche sur les questions qui se posent à propos de l’eau traitée en revenant sur le déroulement des événements qui ont abouti à la décision de la rejeter en mer.

Qu’est-ce au juste que « l’eau traitée » ?

Les unités 1, 2 et 3 de la centrale de Fukushima Daiichi ont recours à l’eau pour refroidir en continu les monticules de débris radioactifs formés lors de l’écoulement des barres de combustible en fusion hors du cœur du réacteur. Suite à l’endommagement des cuves de confinement dû au tsunami, de l’eau qui a été en contact avec les débris s’échappe des réservoirs de stockage et se mélange aux eaux souterraines infiltrées dans les bâtiments du réacteur via les fissures du sous-sol, si bien que de grandes quantités d’eau contaminée par des matières à haut niveau de radioactivité se sont accumulées dans les bâtiments du réacteur. Le volume de cette eau généré sur le site en une seule journée a cumulé à 540 tonnes en mai 2014. Par la suite, TEPCO a réussi à réduire ce volume en ayant recours à de l’eau souterraine en provenance de puits creusés autour du bâtiment du réacteur et en bâtissant un mur souterrain en terre gelée, mais il n’en reste pas moins que 140 tonnes d’eau contaminée ont continué d’être générées quotidiennement sur le site en 2020.

Pour parler de l’eau contaminée qui est passée par son système d’évacuation multinucléide (Système avancé de traitement des liquides, ou ALPS, pour Advanced Liquid Processing System), conçu pour ramener les niveaux d’isotopes radioactifs (autres que le tritium) en dessous des seuils définis par la loi, TEPCO emploie l’expression « eau traitée par l’ALPS ». Il faut signaler que non seulement l’ALPS, qui a connu des dysfonctionnements dès le début, n’a pas été en mesure d’éliminer convenablement les isotopes, mais encore que le remplacement des absorbants utilisés pour éliminer les isotopes radioactifs a été effectué à une fréquence inférieure à la norme estimée efficace pour prolonger la longévité du système. Avec pour conséquence que 70 % de l’eau des réservoirs de stockage contient toujours des concentrations d’isotopes radioactifs autres que le tritium supérieures aux seuils définis par la loi, notamment en ce qui concerne le césium, le stontium et l’iode radioactifs. TEPCO considère cette eau comme « en cours de traitement ».

L’ALPS peut éliminer 62 différents isotopes radioactifs.

L’eau traitée est stockée sur le terrain de la centrale de Fukushima Daiichi dans une batterie de réservoirs qui, à la date du 28 octobre 2021, contenait 1,28 million de tonnes d’eau. Selon TEPCO, ces réservoirs ont une capacité totale d’environ 1,4 million de tonnes et arriveront à saturation au début de l’année 2023. La compagnie affirme qu’il est impossible de construire davantage de réservoirs sur le site, car il faut laisser de l’espace pour d’autres installations nécessaires au processus de démantèlement. Les estimations selon lesquelles il faudra deux ans pour élaborer un plan concret d’évacuation de l’eau expliquent aussi pourquoi la décision de rejeter l’eau a été prise à la dernière minute.

Un seuil quarante fois inférieur au seuil légal

En ce qui concerne l’innocuité des rejets de tritium, que l’ALPS n’est pas en mesure d’éliminer, la position du ministère de l’Économie, du Commerce et de l’Industrie (METI) peut se résumer en ces termes : le tritium est un isotope radioactif de l’hydrogène. Du fait que ses propriétés chimiques sont pratiquement identiques à celles de l’hydrogène ordinaire (protium), la séparation de l’eau tritiée (oxyde de tritium) de l’eau ordinaire pose des problèmes techniques. Toutefois, comme la désintégration du tritium produit de très faibles niveaux de radiation, la tendance à la bioaccumulation s’en trouve réduite. En fait, au Japon comme à l’étranger, les centrales nucléaires déchargent couramment du tritium dans la mer à longueur d’années, et les rejets annuels d’une centrale japonaise classique peuvent aller de plusieurs millions à plusieurs milliards de becquerels. Au cours de la phase d’essai de l’usine de retraitement du village de Rokkasho, dans la préfecture d’Aomori, 1,3 quadrillon de becquerels ont été rejetés. Selon les autorités, aucun de ces rejets n’a eu d’effets nocifs pour la santé.

D’après la politique officielle de base en matière d’eau traitée, les eaux « en cours de traitement » devront être retraitées par l’ALPS en vue de ramener les niveaux de matières radioactives (autres que le tritium) en dessous des seuils définis par la loi. Après quoi une nouvelle dilution à l’eau de mer réduira la concentration de tritium à 1 500 becquerels par litre au maximum, soit quarante fois moins que le seuil légal, avant rejet en mer. Au début, une série de petits rejets sera effectuée pour surveiller l’impact sur l’environnement. Les quantités de tritium rejetées chaque année devront rester inférieures au niveau maximum de 22 milliards de becquerels autorisé pour Fukushima Daiichi avant l’accident, et les chiffres seront régulièrement révisés. Par souci de crédibilité, l’AIEA tiendra compte de l’analyse des résultats du suivi environnemental. S’il s’avère que les rejets d’eau traitée sont préjudiciables en termes de réputation, TEPCO compensera les victimes et réagira rapidement et de façon appropriée, selon la nature du dommage subi, et aucune restriction ne sera imposée en termes de périodes, de régions ou d’industries éligibles à une compensation. Le gouvernement apportera aussi son soutien via la promotion des produits agricoles et de l’attractivité touristique de la région.

Les échecs de jadis nourrissent la méfiance du secteur de la pêche

Malgré les déclarations officielles selon lesquelles, scientifiquement parlant, les rejets d’eau traitée ne présentent aucun risque, les professionnels de la pêche y sont résolument opposés, par crainte des atteintes à leur réputation qui pourraient en résulter. Cette hostilité s’explique en partie par les cafouillages accumulés par l’État et par TEPCO en ce domaine. À partir du 4 avril 2011, notamment, TEPCO a rejeté pendant plusieurs jours 11 500 tonnes d’eau à faible niveau de contamination. Ce rejet, qui visait à libérer de la capacité de stockage pour de l’eau plus lourdement contaminée qui s’était écoulée dans la mer, s’est fait avec l’accord des autorités. Mais TEPCO n’a pas informé les professionnels de la pêche de son intention de procéder à ce rejet, et des niveaux de matières radioactives supérieurs au seuil défini par la loi ont été observés par la suite dans des lançons pêchés sur le littoral de la préfecture d’Ibaraki, si bien que le prix du poisson sur le marché s’est effondré. D’où la colère du secteur de la pêche envers le comportement de TEPCO. Les pays voisins ont eux aussi critiqué sévèrement l’absence d’avertissement préalable.

Afin de réduire la quantité d’eau contaminée produite sur le site, il a été convenu qu’à partir du mois de septembre 2015 de l’eau souterraine serait amenée à la surface via un réseau de puits creusés autour des bâtiments du réacteur et traitée par l’ALPS en vue de faire baisser les niveaux de matières radioactives avant rejet dans la mer. La Fédération des associations de coopératives de pêche de la préfecture de Fukushima a certes formulé son opposition, par crainte que sa réputation ne soit entachée, mais elle a consenti à contrecœur au rejet, pour que la quantité d’eau contaminée stockée sur le site puisse être réduite. Toutefois, en contrepartie de son accord, la Fédération a demandé qu’il n’y ait à l’avenir aucun rejet en mer d’eau contaminée, traitée ou non, en provenance de l’intérieur du bâtiment du réacteur. En réponse à cette demande, TEPCO et les autorités ont publié une déclaration écrite dans laquelle ils s’engageaient à ne jamais rejeter d’eau sans l’accord des parties concernées. Cette décision de TEPCO et de l’État semblait opportune, mais il s’est avéré par la suite qu’elle rendait les décisions plus difficiles à prendre.

En août 2018, les médias ont annoncé que l’eau traitée par l’ALPS stockée dans les réservoirs contenait des niveaux résiduels de matières radioactives supérieurs aux limites fixées par la loi. TEPCO a réagi en déclarant que, sur les quelque 890 000 tonnes d’eau traitée alors stockées dans les réservoirs, 750 000 tonnes contenaient des niveaux de matières radioactives (autres que le tritium) supérieurs aux limites fixées par la loi. TEPCO a dit que les données individuelles appropriées étaient disponibles depuis le début sur son site internet, mais les données étaient présentées de telle façon que les éventuels visiteurs du site ne se rendent pas compte de la situation, et il en a résulté des accusations de camouflage et un durcissement de l’opposition des populations locales.

Les populations locales ont en outre soupçonné que les indemnités versées par TEPCO en dédommagement des atteintes à la réputation seraient insuffisantes, pour la bonne raison que TEPCO avait jadis rejeté, sans donner aucune justification, divers accords relatifs à des demandes de compensation proposés par le Centre de résolutions des litiges sur la compensation des dommages nucléaires, une instance publique. Le 24 août 2021, après que la décision de rejeter l’eau eut été prise, le gouvernement, soucieux de parer au plus pressé, annonça son intention d’une part d’acheter et de stocker tous les poissons et fruits de mer susceptibles d’être congelés dont la valeur sur le marché avait baissé du fait d’une atteinte à la réputation, et d’autre part de promouvoir les variétés de poissons et de fruits de mer inaptes à la congélation. Les achats de poissons ont été financés par des fonds publics.

Repousser une décision inéluctable

Dès le mois de décembre 2013, le président de la NRA Tanaka Shun’ichi et la délégation de l’AIEA recommandaient que l’eau traitée par l’ALPS soit rejetée en mer. Mais le METI décida de confier la décision à un collectif d’experts et instaura au sein de son comité de traitement de l’eau contaminée un groupe de travail sur l’eau tritiée, chargé d’effectuer une évaluation technique des options permettant de se débarrasser des eaux traitées par l’ALPS. Le groupe de travail, qui s’est réuni pour la première fois le 25 décembre 2013, a publié son rapport le 3 juin 2016. Il ressortait de ce document que les technologies utilisées pour extraire le tritium de l’eau n’avaient pas encore atteint un stade permettant leur application pratique, et que la dilution et le rejet subséquent en mer constituaient l’option d’évacuation la plus rapide et la plus rentable.

En réponse à cette évaluation technique, le METI a annoncé qu’il allait procéder à une évaluation globale de l’atteinte à la réputation sous tous ses aspects, y compris sociaux, et il a mis sur pied un sous-comité chargé de délibérer sur les façons de recycler l’eau traitée par l’ALPS. Le sous-comité, qui s’est réuni pour la première fois le 11 novembre 2016, a publié son rapport le 10 février 2020. Le rapport déclarait que les options réalistes pour se débarrasser des matières radioactives se limitaient au rejet dans l’atmosphère sous forme de vapeurs et au rejet en mer, lesquels étaient couramment pratiqués par les centrales nucléaires au Japon comme à l’étranger, et précisait ensuite que le rejet en mer était l’option la plus fiable. On pouvait lire dans le rapport que « c’est au gouvernement japonais qu’il incombe de prendre la responsabilité de déterminer le moment le plus propice pour le début de l’évacuation et la durée de l’opération en prenant en considération les divers facteurs liés au calendrier, aux impacts en termes de réputation et aux opinions des parties concernées » (p. 29).

Koyama Ryôta, un membre du sous-comité exerçant la profession de professeur d’agroéconomie à l’Université de Fukushima, a exprimé le mécontentement que lui inspirait le rapport et jugé « regrettable que le groupe de travail ait pris trois ans pour en arriver à la même conclusion que la fois précédente », ajoutant que « toutes les options présentées ont déjà été essayées ». L’ancien président de la NRA Tanaka, qui s’était prononcé en faveur du rejet en mer de l’eau traitée, a reproché aux autorités de « se contenter de gagner du temps en instaurant un débat trompeur » et en « éludant sa responsabilité ». Dans le témoignage qu’il a fait, un ancien fonctionnaire a déclaré que la réaction du METI était opportune, « sachant que la décision était acquise à l’avance ».

C’est alors, et alors seulement, que le METI a fini par tenter de persuader la collectivité locale. Il a entrepris d’expliquer la proposition du sous-comité lors de réunions des conseils locaux et créé à cette occasion un forum de consultation des parties prenantes. Mais plusieurs instances législatives locales de Fukushima ont approuvé une batterie d’avis et de résolutions exprimant leur opposition au rejet et demandant que TEPCO conserve l’eau dans les réservoirs, tandis que la Fédération des associations de coopératives de pêche de la préfecture de Fukushima et les Coopératives de pêche du Japon adoptaient elles aussi des résolutions fortement hostiles au rejet.

Le septième et dernier forum de consultation sous l’égide des autorités, qui s’est tenu le 8 octobre, a mis fin au dialogue avec les principales parties prenantes et annoncé son intention de parvenir à une décision définitive sur le sujet concerné le 27 octobre. Toutefois, l’opposition véhémente des Coopératives de pêche du Japon a contraint les autorités à repousser leur décision. Cette situation d’enlisement s’est encore aggravée avec l’état d’urgence sanitaire déclaré par le gouvernement en réaction à la pandémie de Covid-19, et il a fallu attendre le 7 avril 2021 pour que le Premier ministre Suga Yoshihide rencontre les présidents des Coopératives de pêche du Japon et de la Fédération des associations de coopératives de pêche de la préfecture de Fukushima pour leur demander leur soutien au rejet. N’ayant pas réussi à obtenir l’accord de ces organisations, Suga a déclaré que le gouvernement prendrait une décision le 13 avril en ce qui concernait l’évacuation de l’eau, en précisant que cette décision ne pouvait pas être remise à plus tard. Un ministre a dit que le gouvernement « s’était retrouvé avec la plus courte paille » et que, maintenant qu’une date limite avait été fixée, il n’avait pas d’autre choix que d’agir.

Kishi Hiroshi, le président des Coopératives de pêche du Japon, rencontre le Premier ministre Suga le 7 avril 2021 à la résidence du Premier ministre. (Jiji ; photo provenant des Coopératives de pêche du Japon)

Le gouvernement, contraint de mettre en œuvre une politique impopulaire, a repoussé sa décision jusqu’à la dernière minute, après quoi il a tenté à la hâte d’obtenir l’adhésion de la collectivité locale et du secteur de la pêche, avec pour seul résultat d’épuiser le temps dont il disposait sans parvenir à un accord ni se libérer de son obligation de prendre une décision. Si le rejet de l’eau traitée était bel et bien inévitable, le gouvernement aurait dû s’efforcer plus tôt de gagner le soutien des résidents locaux. Ne serait-ce que pour alléger les effets de l’atteinte à la réputation, le gouvernement aurait également dû se mettre en quête d’une rigoureuse estimation indépendante de la sécurité du rejet, de façon à construire un récit acceptable pour le public.

(Photos de Nippon.com, sauf mention contraire)

Japon : une télé léchable…

Japon : une télé léchable pour « goûter » les plats présentés à l’écran

Un écran léchable mis au point par Homei Miyashita, inventeur japonais, sur son compte Twitter. (CAPTURE D'ÉCRAN)Un écran léchable mis au point par Homei Miyashita, inventeur japonais, sur son compte Twitter. (CAPTURE D'ÉCRAN)

Sur les vidéos que Homei Miyashita, un professeur de l’université Meiji de Tokyo, a postées, on voit un homme costumé, cravaté, un peu échevelé, présenter son invention : la TTTV (Taste the TV – goûte la télé). Il a mis au point un écran léchable. Lui et son équipe avaient déjà créé un synthétiseur de goûts et une fourchette qui enrichit les saveurs des aliments.

Le principe de l’écran léchable : dix cartouches vaporisent des arômes artificiels sur un film plastique qui recouvre l’écran de la télé pour re-créer la saveur d’un aliment que l’on peut ensuite lécher. Le téléspectateur a donc l’image, le son et le gout de ce qui est projeté à l’écran. Sur une vidéo, on voit Yuki, une étudiante du professeur, goûter du chocolat en léchant le mélange vaporisé et approuver : « C’est un peu comme du chocolat au lait, doux et sucré ».

Pour Homei Miyashita, sa trouvaille va permettre aux gens « dans un futur proche, de télécharger et de goûter aux saveurs d’un plat de leur restaurant préféré, même à l’autre bout du monde, tout en restant à la maison. » 

Dans un monde covidé, il imagine sa TTTV comme une connexion, une interaction entre les confinés et le monde extérieur (même si dans un monde covidé, j’éviterais quand même de lécher un écran sur lequel une ou un autre a salivé avant moi). Mais le professeur voit des applications concrètes à son invention, qui pourrait coûter moins de 10 000 euros.Par exemple, comme application, l’apprentissage à distance pour les cuisiniers et les sommeliers ou la participation à des jeux de dégustation, ou à des quiz télévisés. Intéressant, selon des industriels avec qui le chercheur japonais est en pourparlers.

La TTTV pourrait également changer notre façon de regarder des films

Pour un film comme Le Silence des agneaux, on aurait sur la langue le goût du foie de l’employé du recensement que le cannibale pyschopathe Hannibal Lecter déguste « avec des fèves au beurre et un excellent chianti ». Ou L’affaire Thomas Crown , le plus long baiser de l’histoire du cinéma, on saurait quel est le goût du rouge à lèvres de Faye Dunaway, ce que seul Steve McQueen savait jusque-là. Ou OSS 117 : on saurait enfin si la blanquette est vraiment aussi bonne que le prétend Jean Dujardin !

Fukushima: La nature reprend ses droits

La nature reprend ses droits à Fukushima: porcs et sangliers élisent domicile dans la ville abandonnée

© Ces sangliers du Japon se sont même hybridés avec des cochons domestiques.( The Yomiuri Shimbun via AP Images ) – ISOPIX

Dix ans, après la catastrophe nucléaire, une zone de 370 km2 reste inhabitable pour les humains. Mais pas pour la faune sauvage, ni même pour d’anciens animaux domestiques. Qui finissent par se fondre avec la faune locale.

Fukushima, dix ans déjà. Dix ans depuis le premier accident nucléaire majeur du XXIe siècle, qui a contraint 160.000 Japonais résidant dans un rayon de 20 km autour de la centrale à évacuer en urgence face au danger des retombées radioactives. Beaucoup n’ont jamais pu retourner dans leur foyer : malgré la réduction progressive de la zone d’exclusion, ce sont pas moins de 370 km² de sol japonais qui restent encore inhabitables.

Inhabitables pour homo sapiens. Car dans ce décor véritablement post-apocalyptique d’autoroutes et de banlieues pavillonnaires abandonnées du jour au lendemain, la nature a repris ses droits. Et l’espèce qui semble la plus prospère depuis le départ de notre espèce, c’est le sanglier du Japon. Aussi appelé cochon à moustache blanche,ou Inoshishi en Japonais, cet animal se multiplie rapidement: le gouvernement estime que le nombre de ces animaux sauvages est passé de 49.000 à 62.000 rien qu’entre 2014 et 2018, et on ne peut que supposer qu’ils continuent à proliférer. Sans voiture pour les percuter, sans fermier pour les chasser, et sans le vacarme des humain pour les effrayer.

Échappés des fermes

S’il n’est pas étonnant de voir la faune prospérer après le départ des humains, une étude récente a découvert quelque chose d’assez inattendu avec ces sangliers. Ou plutôt dans leur patrimoine génétique: ils se sont visiblement massivement hybridés avec des cochons domestiques.

La région de Fukushima comptait de nombreuses exploitations agricoles: au départ des habitants, la plupart des animaux ont été abandonnés. Seuls chats et chien ont été ensuite secourus; les animaux de ferme ont, eux, été massivement abattus : 600.000 poulets, plus de 10.000 vaches, et environ 30.000 porcs. Mais ceux-ci se sont visiblement échappés en assez grand nombre pour survivre et… Rejoindre les populations de sangliers ! Ces derniers portent dans leurs gènes une ascendance assez forte de cochons domestiques, même si celle-ci va sans doute s’atténuer avec le temps. Et ils sont en bonne santé : l’étude n’a pas trouvé trace de séquelle de la catastrophe dans leur patrimoine génétique. Ces porcs plus ou moins hybrides sont en tout cas devenus moins nocturnes qu’avant, sans que l’on sache si c’est dû à leur ascendance, ou juste au départ du principal danger durant la journée: nous.

Cette histoire ressemble à s’y méprendre à une fable du réalisateur Hayao Miyazaki, mais elle est bien réelle. Et pas si surprenante: à Tchernobyl aussi, la zone d’exclusion est devenu un immense refuge pour les animaux sauvages, qui y prolifèrent comme si la présence humaine n’était plus qu’un mauvais souvenir. Tandis qu’un bon millier de chiens, descendants de ceux abandonnés après la catastrophe, y vivent encore en meute. Vont-ils un jour se fondre dans les populations de loups ? Qui sait ?

Fukushima: les eaux usées…

Comment les eaux issues de Fukushima se répandront dans l’océan Pacifique

Nathalie Mayer – Journaliste  –Publié le 02/12/2021

Le gouvernement japonais a confirmé son intention de rejeter dans l’océan Pacifique, à compter de 2023, plus d’un million de mètres cubes d’eaux contaminées issues de la centrale nucléaire de Fukushima. Ces eaux ont notamment servi à refroidir les réacteurs entrés en fusion en mars 2011. Les responsables assurent qu’elles seront, d’ici là, débarrassées d’une grande partie des polluants qu’elles contiennent. Sauf du tritium, un isotope radioactif de l’hydrogène. Alors des chercheurs de l’université Tsinghua (Chine) se sont intéressés à son devenir. © Science China Press 

Le gouvernement japonais l’a confirmé. D’ici deux ans, il commencera à rejeter plus d’un million de mètres cubes d’eau contaminée issue de la centrale nucléaire de Fukushima. L’opération devrait s’étaler sur plusieurs dizaines d’années. Des chercheurs montrent comment les polluants contenus dans cette eau vont se disperser dans l’océan Pacifique.

En mars 2011, trois réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima entraient en fusion. Pour les refroidir, une seule solution, les inonder d’eau. De pas moins de 200 mètres cubes d’eau par jour ! Une eau contaminée qui a depuis été stockée dans des citernes. Et que les Japonais s’apprêtent à rejeter dans l’océan Pacifique. Pour avoir une idée de l’impact que l’opération pourrait avoir sur la vie marine, mais aussi sur la santé humaine, des chercheurs de l’université Tsinghua (Chine) ont simulé le processus de diffusion des éléments radioactifs dans les eaux.

L’eau qui sera rejetée dans l’océan Pacifique par le biais d’un tunnel sous-marin aura été au préalable plusieurs fois traitée. Elle restera cependant chargée en tritium, un isotope radioactif de l’hydrogène que les technologies actuelles ne permettent pas d’éliminer. © Casimiro, Adobe StockL’eau qui sera rejetée dans l’océan Pacifique par le biais d’un tunnel sous-marin aura été au préalable plusieurs fois traitée. Elle restera cependant chargée en tritium, un isotope radioactif de l’hydrogène que les technologies actuelles ne permettent pas d’éliminer. © Casimiro, Adobe Stock 

L’étude montre qu’après 120 jours, les polluants contenus dans ces eaux issues de la centrale nucléaire de Fukushima (du tritium, notamment, affirment les responsables) se seront déjà dispersés sur 30° de latitude et 40° de longitude. Au bout de 1.200 jours, ils atteindront la côte des États-Unis et celle de l’Australie. Couvrant tout le Pacifique Nord. Puis ils pénètreront le Pacifique Sud. Et l’océan Indien au bout de 2.400 jours. L’ensemble de l’océan Pacifique pouvant être touché dans un intervalle de 3.600 jours.

Plus de tritium aux États-Unis qu’en Asie

Les chercheurs notent aussi qu’en un point donné, les concentrations en polluant ont tendance à augmenter rapidement, puis à se stabiliser pendant un long moment. À un niveau ne dépendant pas nécessairement de la distance qui sépare ce point de Fukushima. Ainsi, la pollution du côté de Shanghai (Chine) devrait, par exemple, se stabiliser à un niveau plus élevé que celle de San Diego (États-Unis).

Le phénomène s’explique par la configuration des courants océaniques à proximité du Japon. La ville de Fukushima, en effet, est située au confluent du courant de Kuroshio, vers le nord, et du courant d’Oyashio, vers le sud. De fait, la plupart des polluants ne migrent ni vers le nord ni vers le sud, le long des côtes, mais ils se propagent plutôt vers l’est. Ainsi, passé un certain temps après le rejet des eaux traitées, la concentration d’éléments radioactifs près de l’Amérique du Nord pourrait devenir préoccupante.

Fukushima: «le mur de glace»

Nucléaire: à Fukushima, Tepco s’inquiète de la fonte partielle du «mur de glace» qui protège la centrale

L’électricien vient de révéler qu’il allait devoir intervenir début décembre sur l’enceinte souterraine construite pour freiner les infiltrations d’eau dans les réacteurs détruits. Près du réacteur 4, des capteurs, placés dans le sol, ont mesuré, ces dernières semaines, des températures proches des 10 degrés.

Mis en service en 2016, le « mur de glace », constitué de centaines de tuyaux descendant à 30 mètres sous terre, court, dans le sol, autour des réacteurs sur près de 1.500 mètres.Mis en service en 2016, le « mur de glace », constitué de centaines de tuyaux descendant à 30 mètres sous terre, court, dans le sol, autour des réacteurs sur près de 1.500 mètres. (Igor Belyayev/TASS/Sipa USA/SIPA)

Par Yann Rousseau

Publié le 26 nov. 2021 à 12:19Mis à jour le 26 nov. 2021 à 17:45

Depuis début septembre, Tepco, l’électricien japonais responsable du démantèlement de la centrale de Fukushima-Daiichi, s’inquiète de la hausse des températures sur certains segments du « mur de glace » souterrain qui freinent les infiltrations d’eau dans les quatre réacteurs ravagés en mars 2011. Près du réacteur 4, des capteurs, placés dans le sol, ont mesuré, ces dernières semaines, des températures proches des 10 degrés, soit un niveau incompatible avec le maintien d’une barrière glacée autour des fondations des bâtiments.

Dans une présentation, l’entreprise vient d’indiquer qu’elle craignait désormais de faire face à une « fonte » partielle de l’enceinte de glace et se préparait à intervenir, dans les tout prochains jours, sur son infrastructure. Ce dysfonctionnement n’augmente aucunement la dangerosité de la centrale détruite, mais risque de compliquer encore la gestion de l’eau « contaminée » qui s’accumule sur le site.

Des centaines de tuyaux

Mis en service en 2016, ce « mur de glace », constitué de centaines de tuyaux descendant à 30 mètres sous terre, court, dans le sol, autour des réacteurs sur près de 1.500 mètres. Réfrigérés en permanence, ces tuyaux glacent le terrain autour d’eux, créant ainsi une barrière imperméable souterraine qui limite les infiltrations d’eau de ruissellement dans la centrale construite en contrebas d’une butte. L’enceinte et l’installation de puits de drainage en amont du site ont permis de diviser par quatre les volumes d’eau s’infiltrant, chaque jour, dans le sous-sol des réacteurs.

Depuis la destruction de la centrale en mars 2011, Tepco tente de réduire au maximum ces flux qui se contaminent au contact des combustibles radioactifs ayant fondu lors de l’accident et coulé au fond des bâtiments des réacteurs 1, 2 et 3. Si une partie de cette eau est utilisée pour refroidir en permanence les combustibles détruits, le reste est pompé pour être débarrassé de ses radionucléides dans une usine de retraitement construite sur place, avant d’être stocké dans plus de 1.000 immenses réservoirs qui encombrent le site. Cette eau « décontaminée » contient toutefois toujours du tritium.

L’enjeu du tritium

Pour les ingénieurs, la fonte d’une partie du mur risque de faire grossir les infiltrations d’eau et de créer de plus gros flux de liquide à gérer, à un moment où Tepco se dit à court de capacités de stockage. L’électricien, qui a obtenu le feu vert du gouvernement, espère commencer à relâcher, en mer, cette eau chargée en tritium à partir de 2024.

Il la diluera auparavant dans d’énormes volumes d’eau de mer, puis rejettera ce mélange au bout d’un tunnel sous-marin s’avançant à un kilomètre au large. Une procédure similaire à ce que font nombre d’autres centrales nucléaires dans le monde.

Fukushima: Le lac près du centre…

Le lac près du centre nucléaire de Fukushima sera radioactif pendant encore 20 ans

Le Lac Près Du Centre Nucléaire De Fukushima Sera Radioactif

Cela a été déterminé par une équipe d’experts dirigée par des chercheurs de l’Université japonaise de Tsukuba, évaluant la contamination radioactive au césium du lac Onuma, sur le mont Akagi, à environ 190 km du site de l’accident nucléaire de 2011.

Le lac Onuma au Japon, sur le mont Akagi, sera radioactif pendant encore 20 ans. Cela a été déterminé par une équipe d’experts dirigée par des chercheurs de l’Université de Tsukuba, qui a évalué la contamination de ses eaux par le césium-137, un isotope radioactif rejeté dans l’environnement à la suite de l’accident nucléaire survenu à la centrale de Fukushima en 2011.

Le lac, à environ 190 km de l’usine, est un bassin semi-fermé, dans lequel la quantité d’eau entrante et sortante est limitée. Par conséquent, les chercheurs expliquent dans une étude publiée dans Rapports scientifiquesen plus du temps de décroissance radioactive, le problème de la mauvaise dilution pèse lourd, comme cela a également été observé dans les lacs fermés et les petits lacs après l’accident de Tchernobyl. La concentration de radioactivité dans ces lacs peut en effet décroître rapidement dans la première période mais à long terme elle commence à décroître plus lentement. Ce phénomène a été confirmé par les mesures effectuées ces dernières années par des chercheurs, qui ont montré comment la concentration diminuait rapidement d’août 2011 (160 jours après le 15 mars 2011) à septembre 2012 (552 jours), puis ralentissait progressivement après le ‘Octobre 2012 (592 jours), les chercheurs ont précisé.

Lac Onuma, à environ 190 km au sud-est de la centrale nucléaire de Fukushima, au Japon

« Des recherches antérieures ont utilisé le modèle de fonction de désintégration à deux composants, qui est la somme de deux fonctions exponentielles, pour ajuster la concentration de radioactivité mesurée en césium-137. – a déclaré dans un communiqué l’un des co-auteurs de l’étude, le professeur Yuko Hatano -. Au lieu de cela, notre travail est basé sur le modèle de diffusion fractionnaire, qui capture les processus de diffusion complexes qui se produisent dans l’eau du lac. Ces processus comprennent la circulation induite par la convection, le mélange turbulent et l’absorption par le plancton et d’autres organismes.« .

Les chercheurs ont utilisé ce modèle de diffusion fractionnaire pour obtenir une formule de prédiction à long terme de la concentration de radioactivité du césium-137 à la fois dans les eaux du lac et dans les espèces de poissons présentes. Compte tenu de cette formule de prédiction, ils ont alors estimé que cette concentration sera détectable jusqu’à 10 000 jours après l’accident de Fukushima, c’est-à-dire pendant environ 30 ans. Le modèle a confirmé les mesures effectuées dans les premières années après l’accident, mais il a indiqué que « la diminution de la concentration est ralentie lorsque le modèle de diffusion fractionnaire est utilisé à la place du modèle conventionnel de la fonction de décroissance à deux composants« .

Parasite de mer

Les couleuvres obscures

Les couleuvres obscures, élément naturel de mesure de la radioactivité à Fukushima

Habitantes des zones désertées de Fukushima, les couleuvres obscures permettent aux scientifiques de mesurer les niveaux de radioactivité, dix ans après la catastrophe de la centrale nucléaire.

[L'industrie c'est fou] Les couleuvres obscures, élément naturel de mesure de la radioactivité à Fukushima

Les couleuvres obscures, cobayes des scientifiques

Des chercheurs de l’Université de Géorgie ont sollicité des couleuvres obscures, une espèce de la région de Fukushima ayant la particularité de se déplacer sur une très courte distance : seulement 65 mètres par an ! En évoluant sur un périmètre restreint, ces couleuvres donnent un aperçu fidèle des niveaux de contamination sur un endroit précis. Environ 80 % de la radioactivité qu’elles accumulent provient du contact direct avec le sol, les arbres et les plantes et 20 % des proies contaminées qu’elles ingurgitent.

Une couleuvre obscure. Crédit : Université de Géorgie.

Neuf couleuvres obscures ont été étudiées. Elles ont été équipées d’un capteur GPS et d’un dosimètre pour mesurer la radioactivité. Les résultats de l’étude, menée pendant un mois sur ces serpents, ont été publiés dans la revue zoologique Ichthyology & Herpetology en juillet 2021. « Parce que les serpents ne bougent pas beaucoup et qu’ils passent leur temps dans une zone locale particulière, le niveau de rayonnement et de contaminants dans l’environnement est reflété par le niveau de contaminants dans le serpent lui-même », explique Hannah Gerke, auteure principale de l’étude.

Les résultats de l’étude

L’étude a révélé que les serpents vivant dans la zone d’exclusion de Fukushima présentaient des niveaux de césium 22 fois supérieurs à ceux vivant en dehors de cette zone. Le césium 134 et le césium 137 sont des éléments radioactifs qui ont la particularité d’être présents dans le sol et donc de contaminer les serpents. Les scientifiques ont également constaté de fortes variations de niveaux de rayonnement, notamment entre des endroits proches. Les serpents de l’étude avaient été lâchés à 24 kilomètres de la centrale nucléaire.

Un point rassurant : les scientifiques ont constaté une baisse du niveau de radioactivité par rapport au taux recensé après l’accident. Cette baisse s’explique notamment par la désintégration naturelle des éléments radioactifs au cours du temps. Pour rappel, la catastrophe de Fukushima, provoquée par un séisme de magnitude 9,1, avait obligé 150 000 personnes à fuir la ville en 2011.

Habitantes des zones désertées de Fukushima, les couleuvres obscures permettent aux scientifiques de mesurer les niveaux de radioactivité, dix ans après la catastrophe de la centrale nucléaire.

l’AIEA à Fukushima

Japon: l’AIEA à Fukushima pour évaluer le plan de rejet en mer des eaux contaminées

Quelque 1,27 million de tonnes d'eau contaminée sont stockées dans plus d'un millier de citernes sur le site de la centrale de Fukushima.
Quelque 1,27 million de tonnes d’eau contaminée sont stockées dans plus d’un millier de citernes sur le site de la centrale de Fukushima. AP – Tomohiro Ohsumi

Le Japon a décidé de rejeter dans l’océan Pacifique plus d’un million de tonnes d’eau contaminée à la suite de l’accident nucléaire de Fukushima. L’opération doit débuter en 2023 sous le contrôle de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Une délégation de l’agence de Vienne est arrivée a Tokyo pour évaluer avec les autorités japonaises leur plan de déversement.

Avec notre correspondant à Tokyo, Frédéric Charles

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a intégré des experts chinois et sud-coréens dans le groupe de travail chargé de vérifier la transparence et la sécurité du projet japonais. Le Japon va rejeter dans l’océan Pacifique plus d’un million de tonnes d’eaux issues du refroidissement des réacteurs endommagés de la centrale de Fukushima et des eaux souterraines qui s’infiltrent dans les sous-sols des bâtiments des réacteurs.

L’eau sera acheminée au moyen d’un conduit sous-marin de 2,5 m de diamètre avançant d’environ un kilomètre dans l’océan, a annoncé fin août l’opérateur Tepco, précisant que la construction de celui-ci devrait commencer d’ici mars prochain.

Le tritium impossible à éliminer

Chaque jour, le volume de cette eau augmente d’environ 140 tonnes. Des systèmes de retraitement permettent d’éliminer tous les radionucléides qu’elle contient, sauf un : le tritium. L’agence de Vienne veut s’assurer que l’eau filtrée sera diluée pour que le niveau de tritium qu’elle contient soit abaissé.

►À lire aussi : Japon: dix ans après l’accident nucléaire, Fukushima peine encore à se relever

Le Japon promet de rejeter l’eau traitée à partir de 2023 de façon très progressive : en trente ou quarante ans, soit la durée prévue du démantèlement de la centrale.

Une pratique courante

L’agence de Vienne explique que les centrales de la plupart des autres pays rejettent, chaque semaine, en mer ou dans des fleuves de l’eau chargée en tritium. La Chine, Taïwan, la Corée du Sud en déversent aussi mais critiquent la décision japonaise.

À la centrale de Fukushima, les capacités de stockage de l’eau dans plus d’un millier de réservoirs vont atteindre leur limite. L’opérateur Tepco dépense chaque année près de 800 millions d’euros pour maintenir et surveiller le stockage de l’eau.

FUKUSHIMA

10 ans après

3 septembre 2021

10ème témoignage de Fonzy, 10 ans après la catastrophe nucléaire de Fukushima. Merci à elle de continuer à nous donner de ses nouvelles ! La vigilance, même si elle est moins assidue, est toujours de mise.

 

Bonjour,

Voilà plusieurs années que je gardais le silence. Je vais bien, j’habite toujours au même endroit, à 280 km de la centrale de Fukushima Daiichi.

Depuis l’accident de la centrale, 10 ans se sont écoulés. Je dois vous avouer qu’il est difficile d’être toujours en vigilance, ou en état d’alerte tout le temps. Petit à petit, je laisse tomber des restrictions que je m’étais imposées. Il y a quand même des choses que je continue, par exemple :

 

– Port du masque

En 2011, je portais un masque N95 chaque fois que j’allais à Tokyo, même en été quand il faisait 35 C. Etant donné que le masque N95 coûte cher, je porte un masque « normal » depuis 2012, et je continue encore aujourd’hui. En ce moment, le masque est presque obligatoire même dans mon voisinage à cause du Covid 19.

 

– Plus de champignons

Shiitake, champignon de Paris, pleurotes,… enfin toutes sortes de champignons sont disparus de la table. De temps en temps, le Shiitake me manque, mais ce ne sera pas mortel de ne pas manger de champignons. Par contre, consommer des champignons pourrait l’être…

 

– Acheter des produits du sud-ouest du Japon

J’achète normalement des légumes qui sont produits au-delà de 500 km depuis la centrale Daiichi. Idem pour les fruits. Autrement dit, j’achète un brocoli de Kyoto, mais pas de laitue de Chiba (250 km). Avant, j’évitais des produits du sud de Nagano (300 km de Daiichi) ou de Gifu (400 km de Daiichi), mais maintenant j’achète de temps en temps des fruits qui y sont produits.

 

– Manger le moins souvent possible dans un restaurant 

Au cours des premières années, je ne mangeais presque jamais au restaurant. Quand j’étais obligée de participer à une soirée avec des collègues, je m’efforçais de ne rien manger, car on disait que les produits de Fukushima (qui ne devaient pas dépasser la limite de 100 Bq/kg) étaient utilisés dans la restauration. A partir de 2015 ou 16, je commençais à dîner une fois tous les deux ou trois mois dans des restaurants que j’ai bien choisis et qui nous servaient des produits de Kyushu ou Shikoku, des régions qui se trouvent dans le Sud-Ouest du Japon.

 

– Eviter la pluie

Avant j’aimais me promener sans parapluie sous la pluie, surtout avec une pluie fine. Après Fukushima, dès que je sens une goutte, j’ouvre mon parapluie. J’ai toujours mon parapluie quand il risque de pleuvoir plus tard dans la journée. Donc je fais toujours très attention à la météo.

 

 Maintenant je vous dis ce que je ne fais plus.

– Eau minérale

Jusqu’en mars 2021, nous ne buvons que de l’eau minérale, nous n’utilisons que de l’eau minérale pour faire de la soupe, du pot-au-feu, bref tout ce qui est à manger chez nous. Toutefois, les bouteilles d’eau sont lourdes, il faut aller au supermarché assez souvent pour acheter un carton de six bouteilles que nous consommons assez rapidement. Ce n’est pas gratuit non plus… Nous avons donc décidé de ne plus utiliser d’eau minérale pour faire la cuisine. Nous continuons toujours à boire l’eau minérale dont la radioactivité est mesurée.

 

 

Eau minérale : le césium et l’iode sont mesurés par le spectromètre gamma (Photo Fonzy). La bouteille de gauche coûte 0,6 euros, la bouteille de droite 2,15 euros.

– Poisson

Pendant au moins huit ans après l’accident, nous n’avons pas mangé de poisson. Toutefois, mon partenaire a eu un cancer du côlon en 2019, et après, il a préféré plutôt manger « légèrement », du coup nous avons repris l’habitude de manger du poisson. J’achète la plupart du temps du poisson venant du Sud-Ouest du Japon, mais de temps en temps du poisson pêché dans un port près de chez nous, car ils sont beaucoup plus frais. J’évite tout de même des poissons des bas-fonds tels que sole ou turbot.

 

– Compteur Geiger

Je me suis souvent promenée avec mon compteur Geiger en 2011, et un peu moins en 2012, et maintenant … je ne sais plus où il est, peut-être dans un tiroir, mais ça fait des années que je ne le vois plus. Je me demande si mes amis qui en avaient un l’utilisent toujours.

 

– Manifestations anti-nucléaires

Pendant deux ou trois années après Fukushima, il y a eu de nombreuses manifestations antinucléaires organisées non seulement à Tokyo mais aussi un peu partout au Japon. On a crié devant le siège social de Tepco, devant le Parlement, dans les rues, on était très nombreux à un moment donné. Il y avait des militants qui faisaient des mobilisations antinucléaires tous les vendredis soirs devant le Parlement. Cela a été un succès pendant quelque temps. Moi aussi j’y ai participé souvent, surtout en 2011 et en 2012. Toutefois ils ont arrêté définitivement leur mouvement en mars 2021 car il y avait, selon eux, beaucoup moins de participants dernièrement et qu’ils n’avaient plus de budget pour continuer. Maintenant les manifestations anti-nucléaires se font très rares, bien qu’il y en ait toujours qui se mobilisent de temps en temps. Il me semble que nous ne sommes pas très manifs, les Japonais. On verra…

 

– Convaincre les autres

J’avais beau parler à mes amis et à mes parents des risques de contamination et des dangers des centrales nucléaires, il était quasiment impossible de les convaincre à s’intéresser à ce genre de problèmes.

 

Voilà. Je fais ce qui me semble possible de faire sans trop de stress. Penser toujours à Fukushima, c’est possible, mais maintenant il faudrait plus d’imagination, car on n’en parle plus. Je remercie ceux qui continuent à penser à Fukushima malgré tant de distance géographique et tant d’années écoulées. Merci pour votre solidarité.

 

Fonzy

 

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