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Mois : janvier 2020

Fukushima: Le « quatrième drame »

Publié le 29 janv. 2020 à 6h31Mis à jour le 29 janv. 2020 à 6h45

Le « quatrième drame » des agriculteurs de Fukushima

Après un tremblement de terre, un tsunami et une catastrophe nucléaire, les agriculteurs de la région de Fukushima souffrent aujourd’hui de la méfiance des consommateurs japonais et des embargos mis en place par plusieurs pays.

0602650592423_web_tete.jpgAucune anomalie n’a été repérée, en 2019, lors des 8.000 tests réalisés sur les fruits, légumes, champignons et autres viandes de la zone de Fukushima. (NEWSCOM/SIPA)

 

A six mois d’un scrutin présidentiel compliqué, les autorités de Séoul se sont offert, juste avant Noël, un petit coup d’éclat anti-japonais pour flatter une partie de leur électorat. Le comité olympique sud-coréen a annoncé qu’il allait apporter avec lui une partie de la nourriture qui sera servi à ses athlètes l’été prochain lors des Jeux Olympiques de Tokyo. Il a aussi promis d’acquérir des « détecteurs » afin de contrôler les concentrations d’éléments radioactifs dans les produits frais qu’il devra sourcer au Japon pendant la compétition. « Nous voulons que des repas sûrs puissent être fournis afin que les athlètes ne se préoccupent pas des radiations », a justifié un cadre du KSOC.

Au Japon, cette sortie a ulcéré les organisateurs qui s’efforcent depuis des mois de rassurer tous les pays sur  la sécurité des aliments produits dans l’ensemble du pays , à des centaines de kilomètres de la centrale de Fukushima Daiichi, mais également dans les fermes plus proches.

 

Prix cassés

« Neuf ans après la catastrophe, nous restons victimes de ces rumeurs. Pour nous, c’est un quatrième drame qui vient s’ajouter au tremblement de terre,  au tsunami et à l’accident nucléaire , s’attriste Yasunori Oshima, un haut fonctionnaire de la préfecture de Fukushima. Nous avons retrouvé des niveaux de production agricole proches de ceux d’avant 2011, mais plusieurs prix sont toujours très en dessous de ce qu’ils étaient avant », pointe-t-il.

La demande domestique reste timide. « On constate toujours une hésitation des clients », regrette Koichi Aoki, un producteur de fraises et de tomates installé près d’Iwaki, à cinquante kilomètres de la centrale détruite. A l’international, plusieurs marchés sont encore complètement fermés aux produits de certaines préfectures nippones. La Chine, la Corée du Sud, Singapour, les Etats-Unis continuent d’interdire l’importation de tout ou partie des aliments originaires de la province de Fukushima, malgré le travail de décontamination pharaonique réalisé depuis neuf ans.

Sol gratté, arbre traité un par un

La surface des terres agricoles a été grattée sur une profondeur de 5 centimètres pour retirer l’essentiel des poussières radioactives retombées après la catastrophe. Les troncs des arbres des vergers ont aussi été traités, un à un et un engrais riche en potassium a été répandu dans toutes les rizières pour empêcher l’absorption de césium.

Pour prouver la sécurité de ses productions, la préfecture teste aussi systématiquement chaque sac de riz, à la recherche de concentrations de substances radioactives supérieures à un standard japonais (100 becquerels par kilogramme de césium radioactif) dix fois plus sévères que les normes européennes (1.250 Bq/kg).

 

Sur les deux dernières années, pas un sac « contaminé » n’a été trouvé, affirme l’administration. Et aucune anomalie n’a été repérée, en 2019, lors des 8.000 tests réalisés sur les fruits, légumes, champignons et autres viandes de la zone. « J’espère qu’avec les Jeux Olympiques, les gens vont enfin prendre conscience de tous ces efforts », soupire Kenji Kusano, le directeur du centre de promotion de l’agriculture locale.

Yann Rousseau, à Fukushima Daiichi

Fukushima: 16 grammes de tritium…

Comment 16 grammes de tritium dans un million de litres d’eau paralysent Fukushima

Neuf ans après la catastrophe, le gouvernement japonais doit se prononcer sur le sort de l’eau « contaminée » qui s’accumule sur le site de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Tokyo préférerait un rejet en mer, conforme à ce que font les autres centrales de la planète, mais le projet tétanise la région.

0602650602326_web_tete.jpg0602650602326_web_tete.jpgNeuf ans après la catastrophe nucléaire, la centrale de Fukushima est noyée sous ces 965 réservoirs contenant chacun près de 1.200 tonnes d’eau « contaminée ». (EPA)

 
Publié le 28 janv. 2020 à 6h15
 

Les cerisiers ont presque tous disparu de Fukushima Daiichi. Plantés à partir des années 1970 pour égayer la gigantesque centrale nucléaire du nord-est du Japon, la plupart des « sakuras » ont été abattus après la catastrophe de mars 2011 qui a ravagé le site et sa région. Plus de 800 des 1.200 arbres à fleurs recensés auraient été abattus sur les neuf dernières années, laissant place à un décor de science-fiction.

Pour figer les poussières radioactives, les collines sont désormais recouvertes d’un ciment gris clair et de longues dalles de béton renforcé sur lesquelles ont poussé partout de gigantesques citernes bleues et grises. La centrale est noyée sous ces 965 réservoirs contenant chacun près de 1.200 tonnes d’eau « contaminée ».

L’heure des choix

Tepco, l’opérateur, estime qu’il peut encore trouver un peu d’espace pour en construire quelques dizaines de plus. « Mais très vite, à l’été 2022, on va atteindre notre capacité de stockage maximale », explique Junichi Matsumoto, le porte-parole de la division en charge démantèlement chez l’électricien. « Le gouvernement va devoir prendre une décision sur la gestion de cette eau », prévient-il, sans s’engager sur le sujet, conscient de son extrême sensibilité.

Depuis la catastrophe, Tepco pompe en permanence les eaux chargées en éléments radioactifs qui s’accumulent sur le site. Le groupe doit capter les eaux qu’il utilise pour refroidir les réacteurs un, deux et trois, mais également récupérer les eaux naturelles souterraines qui s’infiltrent toujours dans les sous-sols ravagés des tranches construites au pied d’une colline.

Reste le tritium

Au total, Tepco a déjà « récupéré » 1,18 million de mètres cubes d’eau qu’il a filtré dans ses trois usines de décontamination construites sur place. « Nous parvenons à retirer 62 des 63 radionucléides contenus dans ces eaux », détaille Kenji Abe, l’un des cadres de l’électricien. « Mais il en reste un, le tritium », ajoute-t-il avant de présenter au visiteur du jour un petit bocal pharmaceutique contenant 30 centilitres de cette eau de la discorde. « Elle n’a pas d’odeur, pas de couleur, elle est peu radioactive », insiste-t-il.

Selon les calculs du ministère japonais de l’Industrie, l’ensemble de l’eau stockée sur le site contient 860 TBq (terabecquerels) de tritium soit l’équivalent de… 16 grammes de cet isotope radioactif de l’hydrogène. En décembre dernier, les autorités nippones ont expliqué que ces eaux pourraient  soit être évaporées dans l’air, soit être progressivement diluées en mer sur une vingtaine d’années.

En France aussi…

Tokyo rappelle que de l’eau tritiée a été rejetée dans l’océan pendant des décennies, avant la catastrophe, sans qu’aucun dégât sur l’environnement ne soit jamais constaté. Les autres centrales nucléaires de la Terre rejettent aussi de l’eau tritiée », note encore Masato Kino du ministère de l’Industrie.

En France, le site de retraitement de la Hague en a rejeté, lui, en 2018… 11.400 TBq selon Orano, qui précise dans son rapport environnemental que la limite autorisée sur le site français est de 18.500 TBq. Le complexe français écoule ainsi en vingt jours ce que la centrale de Fukushima Daiichi voudrait rejeter en… vingt ans. Depuis l’accident, ce n’est pas si simple. Nous avons un important problème de perception et nous devons obtenir l’accord de chacun », souffle le haut fonctionnaire.

Pêcheurs en souffrance

En dehors du site, le projet d’un rejet en mer fait l’unanimité contre lui. Dans le port d’Onahama, aussi situé dans la préfecture de Fukushima mais à une cinquantaine de kilomètres plus au sud,  les associations de pêcheurs sont catégoriques. « Nous souffrons déjà des rumeurs blessantes sur nos poissons », s’inquiète, un matin de criée, Hisashi Maeda, de la coopérative de la pêche au chalut.

Malgré des milliers de tests et l’absence de concentration de radiocesium supérieures aux standards internationaux les plus rigoureux, les consommateurs continuent de bouder les produits locaux. En 2019, les ventes de la préfecture n’ont représenté que 15 % des volumes enregistrés avant la catastrophe. Les marins pensent qu’un rejet, forcément mal compris, porterait un coup terrible à la filière.

Défiance générale

Les ONG sont tout aussi méfiantes. « Il y a d’autres solutions que le rejet dans l’air ou l’eau comme le fait croire le gouvernement, explique Kazue Suzuki, de Greenpeace. Mais les technologies d’extraction du tritium sont coûteuses et donc ils ne veulent pas les envisager », avance l’experte ; qui préférerait voir appliquer une stratégie de stockage de long terme et dénonce les erreurs passées de Tepco.

En septembre 2018, l’électricien avait dû admettre qu’une grande partie des eaux stockées sur le site contenait, contrairement à ses premières estimations, encore des radionucléides bien plus dangereux que le tritium. « Nous sommes aujourd’hui certains que 25 % peut être relâché sans problème. Et nous allons retraiter les 75 % qui auraient encore des concentrations d’autres radionucléides supérieurs aux standards », promet Kenji Abe, son bocal d’eau à la main.

« Nous parvenons à retirer 62 des 63 radionucléides contenus dans ces eaux », affirme Kenji Abe, l'un des cadres de Tepco.« Nous parvenons à retirer 62 des 63 radionucléides contenus dans ces eaux », affirme Kenji Abe, l’un des cadres de Tepco.EPA

Yann Rousseau, à Fukushima Daiichi

Fukushima oscille…

Fukushima oscille entre le vert et le nucléaire

Neuf ans après l’accident nucléaire de Fukushima, le Japon repense sa politique énergétique. Le premier ministre Shinzo Abe veut remettre en marche les centrales, mais beaucoup veulent abandonner pour de bon le nucléaire et se mettre à l’énergie renouvelable.

Fukushima oscille entre le vert et le nucléaire
Panneaux solaires installés dans une serre expérimentale à Minamisoma, dans la préfecture de Fukushima, au nord-est du Japon. Kyodo/MaxPPP

 

La préfecture de Fukushima, encore traumatisée par le désastre nucléaire de 2011, passera au 100 % renouvelable d’ici à 2040. Selon la Nikkei Asian Review, 11 parcs d’énergie solaire et 10 centrales éoliennes y seront construits, pour un coût de 2,5 milliards d’euros. La production d’électricité serait de 600 mégawatts, l’équivalent des deux tiers d’une centrale nucléaire. Dans l’archipel, cette transition énergétique est l’exception plutôt que la règle.

Le nettoyage de la centrale nucléaire ne cesse d’être retardé. Initialement prévu en 2023, il a été repoussé jusqu’en 2028, notamment pour prévenir la propagation de poussière radioactive. Le démantèlement total de la centrale devrait quant à lui prendre encore trente à quarante ans.

Provoqué par un tsunami, l’accident nucléaire de Fukushima a été classé au même niveau de gravité que Tchernobyl, en raison de la masse de déchets radioactifs dont il est difficile de se débarrasser. Par exemple, plus d’un milliard de litres d’eau sont encore contaminés, qui pourraient être évaporés ou déversés dans l’océan.

Le Japon devenu le troisième importateur mondial de charbon

Dans la foulée de l’accident du 11 mars 2011, le gouvernement central a fermé la totalité des 54 centrales nucléaires du pays. Depuis, il en rouvre peu à peu. À ce jour, neuf sont en activité, après avoir passé des tests rigoureux. Des citoyens ou des gouvernements locaux ont porté plainte contre le gouvernement pour empêcher la réouverture des autres centrales, parfois avec succès.

Et ces neuf centrales ne suffisent pas à combler la demande énergétique. Pour pallier ce manque, le Japon est devenu le troisième importateur mondial – après l’Inde et la Chine – de charbon, une source d’énergie très polluante. Un « paradoxe » pour Daniel Aldrich, chercheur en rétablissement post-désastre, alors que la population veut abandonner le nucléaire et passer au vert.

Ce que souhaite aussi le nouveau ministre de l’environnement, Shinjiro Koizumi. « Nous courrons à notre perte si nous laissons un autre accident se produire », avait-il déclaré lors de sa prise de fonction en septembre dernier. Mais le gouvernement ne devrait vraisemblablement pas s’inquiéter des sorties de Koizumi, fils d’un ancien premier ministre. « Dans la tradition politique japonaise, la dynastie est plus importante que les positions du ministre, qui ne devraient pas s’imposer au gouvernement, explique Daniel Aldrich. Si la population est largement antinucléaire, la mobilisation n’est pas assez forte pour pousser le gouvernement à agir. »

Le soutien rural au nucléaire

Ce dernier rouvre des centrales dans les zones rurales qui survivent grâce aux subventions de l’État. « Sans le nucléaire dans ces zones très peu peuplées et victimes de l’exode rural, il n’y a aucun revenu à part la pêche et l’agriculture, explique Aldrich. Les gens se disent aussi qu’après Fukushima, le risque qu’un accident se reproduise est faible car les standards de sécurité ont été revus à la hausse, ce qui est vrai. »

Le premier ministre Shinzo Abe, du Parti libéral-démocrate (PLD), veut accroître de 17,4 à 22 % la part des énergies renouvelables d’ici à 2030, une cible jugée insuffisante par plusieurs, et surtout, qui sera égale à celle du nucléaire. Dans un pays où le PLD est presque continuellement au pouvoir depuis 1955, le nucléaire devrait vraisemblablement reprendre du service.

Noël 2019

Chants de Noël, Eglise St Martin L’Isle sur Serein

Une bien belle performance qu’a réalisé la chorale des « Chœurs de la Haute Côte d’Or, ce dimanche 15 décembre 2019, à l’église de L’Isle sur Serein

Place aux images

Fukushima : le calendrier du démantèlement…

Nucléaire : le calendrier du démantèlement de Fukushima revu, le rejet d’eau envisagé dans la mer

 Le site de la centrale nucléaire de Fukushima, au Japon, vu d’hélicoptère le 23 avril 2019. Le site de la centrale nucléaire de Fukushima, au Japon, vu d’hélicoptère le 23 avril 2019.  MAXPPP/Kyodo

Près de neuf ans après la catastrophe du 11 mars 2011 au Japon, les opérations de décontamination de la centrale nippone sont encore en cours. Des experts français décryptent ce chantier titanesque.

Il a fallu douze ans, entre 1967 et 1979, pour construire les six réacteurs de la centrale de Fukushima. Le chantier de décontamination et de déconstruction du site, ravagé par la plus grosse catastrophe nucléaire de ce début de XXIe siècle, sera autrement plus long : près d’un demi-siècle.

Presque neuf ans après le passage du tsunami qui a ravagé les installations et provoqué la fusion des cœurs de trois réacteurs, le 11 mars 2011, les opérations de nettoyage sont devenues un inextricable casse-tête pour les autorités nippones, qui viennent d’annoncer que le calendrier de démantèlement serait décalé, et que l’eau contaminée serait sans doute rejetée… en mer. Tout en confirmant que les forêts alentour ne seront, elles, jamais nettoyées.

Des montagnes de terres contaminées

Au lendemain de la catastrophe, les autorités nippones ont mené un gigantesque chantier de décontamination des sols des zones touchées par le panache de fumées radioactives. Onze municipalités avaient été évacuées et quarante autres touchées par des niveaux de pollution plus faibles. Une région de 9000 km2 où il a fallu décaper les sols pour éliminer notamment les traces de césium, qui peut subsister trois siècles dans l’environnement !

« C’est la première fois qu’un tel effort d’assainissement est fait à la suite d’un accident nucléaire, relève Olivier Evrard, 16 000 ouvriers y ont participé ». Ce chercheur au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement a rassemblé les résultats d’une soixantaine d’études publiées sur le sujet, en collaboration avec deux collègues canadien et japonais. Pour assainir les terres cultivées, les autorités ont décapé la couche superficielle du sol sur une épaisseur de 5 cm. « Ce qui a permis de réduire les concentrations en césium d’environ 80% dans les zones traitées » souligne l’étude.

Mais cette opération a coûté très cher (24 milliards d’euros) et généré des montagnes de déchets : 20 millions de m3 soit… 8000 piscines olympiques ! Ils seront stockés pendant plusieurs décennies à proximité de la centrale avant d’être envoyés dans des sites de stockage définitif en dehors de la préfecture de Fukushima à l’horizon 2050.

Les forêts n’ont pas été assainies

Dans les zones plus éloignées de la centrale, Tokyo n’a pas procédé au décapage des terres, mais répandu sur le sol des substances connues pour fixer le radiocésium ou pour s’y substituer. « Concernant les zones boisées, seules celles qui se trouvaient dans un rayon de 20 mètres autour des habitations ont été traitées », explique l’étude française coordonnée par le Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et le Commissariat à l’énergie atomique (CEA).

Les branches ont été coupées et les décontaminateurs ont ramassé la litière des feuilles mortes. Les zones résidentielles ont également été passées au tamis : curage des fossés, nettoyage des toitures et des gouttières, assainissement des jardins et potagers. « Les activités de décontamination ont ciblé principalement les paysages agricoles et les zones résidentielles, mais les forêts n’ont pas été assainies à cause de la difficulté et des coûts très importants que représenteraient ces opérations », relèvent les chercheurs.

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Or ces forêts couvrent 75% des surfaces situées au cœur du panache radioactif. « Elles constituent donc un réservoir potentiel à long terme de radiocésium qui peut être redistribué à travers les paysages suite à l’érosion des sols et aux crues, prévient Olivier Evrard. En octobre dernier, deux typhons très violents ont traversé la région provoquant des débordements de cours d’eau et des glissements de terrain ».

La « mauvaise réputation » Fukushima

Malgré ce colossal chantier de décontamination, certains villages, comme Iitaté, qui comptait 7000 habitants avant la catastrophe, n’ont retrouvé que 10 à 15% de ses habitants. Essentiellement des personnes âgées.

« La plupart des gens évacués en 2011 ont refait leur vie ailleurs et tout l’enjeu des autorités est de faire repartir la vie dans cette grosse région agricole, en attirant les jeunes, mais il y a désormais une mauvaise réputation accolée au nom de Fukushima, souligne Olivier Evrard. Pour les prochains Jeux olympiques, les épreuves de base-ball auront lieu dans la préfecture, mais la délégation sud-coréenne a peur que l’on nourrisse ses athlètes avec des produits venant de la région alors qu’ils subissent un contrôle radiologique très strict ». Pour l’heure, la pêche est toujours interdite dans les rivières de la région.

L’eau contaminée sera rejetée dans le Pacifique.

La veille de Noël, les autorités japonaises ont affirmé que le rejet en mer ou dans l’air (par évaporation) de l’eau contaminée qui souille le site de la centrale était l’unique option restante, les experts excluant désormais son stockage à long terme sur le site nucléaire.

Une immense quantité d’eau souillée est présente sur place, stockée dans un millier de réservoirs qui seront pleins d’ici deux ans. A l’heure actuelle, ces citernes contiennent 1 100 000 m3 d’eau contaminée, soit l’équivalent de 366 piscines olympiques ! Ces liquides contaminés proviennent des ruissellements de pluie, des nappes souterraines qui remontent dans les sous-sols des bâtiments et des injections d’eau nécessaires au refroidissement des cœurs des réacteurs entrés en fusion. « L’option d’un simple stockage à long terme n’est plus envisagée », reconnaît un fonctionnaire d’Etat.

« L’entreprise a étudié plusieurs solutions, comme d’injecter ces eaux dans le sol entre deux couches imperméables ou de l’emprisonner dans des blocs de béton, mais la rejeter dans l’océan après l’avoir traité au maximum en étalant les rejets sur une dizaine d’années est la solution techniquement la plus raisonnable », explique le directeur général adjoint de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) Thierry Charles. Cela reste infaisable pour l’heure, tant l’eau est encore chargée d’éléments radioactifs dangereux pour la chaîne alimentaire. Les pêcheurs et défenseurs de l’environnement y sont catégoriquement opposés. De même que la Corée du Sud.

Cinq ans de plus pour retirer le combustible usé

Imaginez un jeu de mikado géant mais où les bâtons imbriqués les uns dans les autres seraient des barres de combustible hautement radioactives. Eh bien, c’est à peu près le casse-tête auquel est confronté Tokyo Electric Power (Tepco), qui gère le démantèlement.

L’opération est tellement périlleuse que le gouvernement japonais et l’entreprise ont décidé de différer de quatre à cinq ans le retrait du combustible usé toujours présent dans la piscine de stockage du réacteur numéro 1. Initialement prévue début 2023, cette séquence ne démarrera pas avant 2027 au plus tôt. Même choix pour le réacteur numéro 2. « Le retrait du combustible usé est en cours dans la piscine du réacteur 3 et c’est une succession de problèmes », a reconnu peu avant le passage à 2020 un porte-parole de Tepco, mettant en avant une priorité : la sécurité des travailleurs.

Thierry Charles s’est plusieurs fois rendu sur le site industriel, qu’il compare à une « ruche » où se croisent plusieurs milliers d’ouvriers. Le fameux bâtiment 3 est celui qui a subi l’explosion la plus forte lors de la catastrophe. « Il a fallu nettoyer les abords à distance, avec des grues et des robots, car il y a trop de rayonnements et la superstructure du bâtiment était couverte d’un tas de gravats », explique-t-il. Sur les images de l’intérieur diffusées par l’autorité japonaise de sûreté nucléaire, on aperçoit des portes fracassées, des décombres partout, des tuyauteries déchiquetées et les niveaux de radiation sont si élevés qu’aucune intervention humaine n’y a été possible depuis 2011.

Fukushima : les eaux radioactives

  • Fukushima : le Japon va relâcher les eaux radioactives dans la mer

Alors que la pollution environnementale à travers le monde atteint un point vraiment critique, le Japon compte en rajouter une couche. Le pays envisage en effet de libérer les eaux radioactives de Fukushima-Daiichi dans la mer ou dans les airs.

Lundi 23 décembre 2019, le ministère de l’Économie et de l’Industrie a proposé de libérer ou d’évaporer progressivement d’importantes quantités de déchets liquides dans le Pacifique.

Crédit Unsplash

Le ministère a déposé un document détaillé dans lequel il propose une « libération contrôlée » des eaux radioactives. Le document affirme qu’en combinant plusieurs méthodes spécifiques, les eaux vont s’évaporer dans l’air sans présenter de risque pour l’environnement.

La seule solution viable ?

Au début, le ministère avait proposé de stocker les eaux radioactives de Fukushima dans des réservoirs industriels géants, mais l’idée avait finalement été abandonnée, car en cas de fuite, de tsunami ou d’autres accidents, ce serait une véritable catastrophe.

Les experts estiment ainsi que le seul moyen de se débarrasser des déchets est de les déverser dans la mer. Ils affirment que les eaux contaminées se « dilueraient et se disperseraient » dans l’océan de manière stable, et que pour ce faire, ils allaient utiliser des méthodes validées par le Comité scientifique des Nations Unies sur les effets des radiations atomiques.

Pour enfoncer le clou sur l’efficacité de la solution, le ministère a rappelé que la méthode d’évaporation a déjà été testée et prouvée en 1979 pour se débarrasser des déchets radioactifs générés par l’accident de Three Mile Island en Pennsylvanie.

Un million de tonnes de liquide radioactif

Depuis l’accident nucléaire de Fukushima en 2011, les autorités ont eu beaucoup de mal à faire le ménage. Actuellement, le gouvernement et l’exploitant de l’usine, Tokyo Electric Power Company Holdings Inc. (Tepco), sont parvenus à traiter et stocker plus d’un million de tonnes de liquide radioactif, mais ils ne savent pas comment s’en débarrasser.

La situation est d’autant plus critique, car Tepco a indiqué manquer de place, et que l’espace dont l’usine dispose ne peut stocker que 1,37 million de tonnes de déchets liquides maximum. Il est donc plus qu’urgent de trouver une solution d’ici l’été 2022, d’où cette proposition d’en évacuer une partie dans la mer.

Une idée que les défenseurs de la nature risquent de ne pas voir d’un bon œil.

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