Matsuki Kamoshita, 16 ans, porte-parole des enfants de Fukushima
Enfant né à Fukushima et dont la vie a basculé brutalement le 11 mars 2011, il a décidé de témoigner publiquement pour sensibiliser aux dangers du nucléaire.
Par Stéphane Mandard Publié aujourd’hui à 14h44, mis à jour à 15h10
Cette fois, le jeune garçon ne tourne pas le dos à l’objectif. Il se tient debout face aux journalistes, sa feuille de papier entre les mains. Et la voix ne tremble pas :
« Aujourd’hui, je suis fier de signer cette lettre de mon vrai nom. Je m’appelle Matsuki Kamoshita ».
Mardi 2 avril, l’adolescent japonais a pris la parole à la mairie du 2earrondissement de Paris à l’invitation du réseau Sortir du nucléaire et de l’association Yosomono. L’occasion de parachever un récit débuté dans Le Monde.
En septembre 2018, nous avions publié son témoignage et sa photo, de dos, pour illustrer une enquête sur les « enfances volées de Fukushima », dans le cadre d’une série baptisée « Contaminations ». « Je trouvais des insultes écrites sur les dessins que je faisais en classe, ou bien on me traitait de “bacille”. J’ai fini par me dire qu’il valait mieux que je disparaisse », confiait le collégien sous le nom d’emprunt « Haruko ».Article réservé à nos abonnés Lire aussi Au Japon, les enfances volées de Fukushima après la catastrophe nucléaire
Par peur des brimades de ses camarades de classe, l’adolescent, rencontré avec son père à Tokyo en avril 2018, préférait cacher son identité et son histoire. Celle d’un enfant né à Fukushima et dont la vie a basculé brutalement le 11 mars 2011 avec la catastrophe nucléaire.
« Comme tous les autres réfugiés, je n’ai rien fait de mal. Mais nous sommes obligés de nous cacher comme de vulgaires criminels », raconte Matsuki aujourd’hui. Le garçon a désormais 16 ans, porte toujours une cravate et une coupe de cheveux soignée. Il a rédigé une lettre que lit en français une interprète. A ses côtés, sa mère et une autre maman arborent une écharpe à la façon des élus, portant les inscriptions « Protégeons les enfants ! » et « Les mères de Fukushima ». Avec ses parents, Matsuki a abandonné la maison familiale d’Iwaki, près de la centrale nucléaire, pour aller s’installer à Tokyo. Comme lui, ils sont 160 000 à avoir été déplacés après « l’accident », comme on dit pudiquement au Japon.
Sensibiliser aux dangers du nucléaire
« Pour l’Etat japonais, qui s’obstine à promouvoir le nucléaire et minimise les dégâts de l’accident afin de camoufler la réalité des faits, nous, les victimes, toutes générations confondues, nous ne sommes que des témoins gênants. C’est pourquoi nous sommes les cibles de harcèlement et subissons la discrimination, a écrit Matsuki. Malheureusement, dans la société japonaise actuelle, les victimes ne peuvent pas vivre en sécurité sans détourner le regard, sans se boucher les oreilles et sans fermer la bouche. »
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