2 février 2019

Prochain accident nucléaire : les radionucléides que nous mangerons et respirerons

Prochain accident nucléaire : les radionucléides que nous mangerons et respirerons

En 2011, je m’interrogeais sur les radionucléides de Fukushima et le fait que Tepco ne communiquait que sur l’iode 131 : la réponse était qu’il fallait laisser croire qu’un accident nucléaire était un problème à court terme ; en effet, l’iode 131 ayant une demi-vie de 8 jours, on n’en verrait plus la trace au bout d’environ 80 jours. Ce qui permettait à Thierry Charles (IRSN) d’affirmer aux médias sans sourciller que les Japonais évacués allaient pouvoir revenir chez eux au bout de trois mois (Le Monde, 11 avril 2011).

On a facile à comprendre pourquoi l’industrie nucléaire civile et militaire ne communique pas sur l’ensemble des radionucléides : il faut laisser les masses dans l’ignorance… Pas de recherche des radioéléments, pas d’étude épidémiologique, pas de problème ! 

Dernièrement, l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) a demandé au gouvernement nippon « de se débarrasser de l’eau stockée à Fukushima » (Reuters, 13 novembre 2018), c’est-à-dire en rejetant le poison dans le Pacifique. Près d’un million de tonnes d’eau contaminée sur le site de la centrale de Fukushima 8 ans après le début de la catastrophe, ça fait tache ! Cette injonction de l’organisme international fait ainsi l’affaire du gouvernement de Shinzō Abe car, au niveau de la com’, les JO de 2020 doivent être nickel. 

Et pourtant, le problème est loin d’être réglé. L’eau contaminée, dont le traitement est très difficile – on se rappelle qu’Areva s’était fait jeter par Tepco en 2014 pour incompétence en la matière – contient une infinité de radioéléments qu’on ne sait pas ou qu’on ne veut pas éliminer (comme le tritium). Seuls une soixantaine de radionucléides ont été plus ou moins bien extraits de cette soupe mortelle qui peut encore en contenir plus d’une centaine. 

J’édite ce billet d’une part pour que personne ne reste dans l’ignorance de ce que s’apprêtent à accomplir Tepco et le gouvernement japonais, de concert avec l’AIEA, et d’autre part pour rappeler qu’un accident nucléaire grave provoque généralement un nuage radioactif composé de centaines de radionucléides. Pour la prochaine catastrophe, personne ne pourra plus ignorer non plus la longue liste de ces éléments que nous allons plus ou moins inhaler et ingérer, sous la forme de nanoparticules, selon la distance où nous serons du point de rejet. Et si la contamination est trop élevée, on change les normes : en Europe, c’est le vieux traité Euratom qui fixe à huis clos les niveaux de radioactivité autorisés dans les aliments en cas de catastrophe nucléaire. 

J’ai retrouvé une partie de cette liste de radionucléides (Cf. illustration en haut de page) dans un rapport du CEA de 1980, « Irradiation externe pendant et après le passage d’un nuage radioactif », publié quelques mois avant un accident de la centrale nucléaire de Saint-Laurent-des-Eaux (qu’EDF avait tenu secret à l’époque). Ce rapport mentionne les 276 radionucléides qui semblent être les plus importants (sic) lors d’un rejet radioactif d’une installation nucléaire. Mais, comme le cérium 144 dont on peine à connaître l’impact sanitaire, la plupart de ces éléments ne sont pas suffisamment étudiés.

Bien évidemment, comme me l’a suggéré un lecteur, il faudrait retirer de cette liste les produits de fission de très courtes et courtes périodes (Cf. tableau ci-dessous) car, si les rejets se produisent plusieurs heures après l’accident comme à Fukushima, ils ont alors complètement disparu. Toutefois, les premiers liquidateurs de Tchernobyl, pompiers et employés de la centrale qui ont éteint les incendies des toits des réacteurs, ont été exposés à une grande partie du cocktail du tableau. A chaque accident sa spécificité. A noter enfin qu’en cas d’explosion atomique de nature militaire, l’ensemble des produits de fission sont aussi présents dans les retombées de court terme, notamment quand les explosions ont lieu à très basse altitude, voire au sol, comme lors des premiers tests de bombe H dans le Pacifique, d’où l’irradiation massive des équipages des 992 thoniers japonais qui pêchaient autour de Bikini.

Pierre Fetet

En enlevant les produits de fission de très courtes et courtes périodes, il reste encore 113 radionucléides.

En enlevant les produits de fission de très courtes et courtes périodes, il reste encore 113 radionucléides.