"Rien n'est plus proche du Vrai ... que le Faux"

Mois : octobre 2019

Fukushima: eau radioactive dans l’océan ?

Le Japon va-t-il vraiment déverser l’eau radioactive de la centrale nucléaire de Fukushima dans l’océan ?

Cette solution, évoquée publiquement par un ministre japonais, est jugée réaliste par les experts. Mais ils soulignent que le million de mètres cubes d’eau contaminée ne peut être rejeté dans l’océan qu’au compte-gouttes, comme dans le cadre du fonctionnement normal d’une centrale nucléaire.

Des réservoirs de stockage d\'eau contaminée, le 27 juillet 2018, à la centrale nucléaire de Fukushima (Japon).
Des réservoirs de stockage d’eau contaminée, le 27 juillet 2018, à la centrale nucléaire de Fukushima (Japon). (KIMIMASA MAYAMA / POOL)

Plus de huit ans après le tsunami et l’accident à la centrale nucléaire de Fukushima, en mars 2011, la province japonaise est à nouveau meurtrie après le passage du typhon Hagibis. Et le spectre de la contamination radioactive ressurgit. Dix des énormes sacs renfermant de la terre et de la végétation issue de la décontamination des sols et entreposés près d’une rivière ont été emportés par le cours d’eau en crue. Quatre d’entre eux n’ont toujours pas été retrouvés.

Il y a un peu plus d’un mois déjà, une déclaration au plus haut sommet de l’Etat nippon a provoqué des sueurs froides. Devant des journalistes, mardi 10 septembre, le ministre de l’Environnement japonais, Yoshiaki Harada, a exposé la manière dont le Japon pourrait se débarrasser de l’impresionnante quantité d’eau radioactive, accumulée sur le site de la centrale nucléaire de Fukushima, ravagée par le tsunami de mars 2011. « La seule option sera de la drainer vers la mer et de la diluer », a lâché le ministre. Il a aussitôt ajouté qu’il s’agissait de son « simple avis », mais il a tout de même glissé que « la totalité du gouvernement va en discuter ».

Césium, strontium, tritium…

Le porte-parole de l’exécutif nippon a immédiatement réagi et tancé Yoshiaki Harada pour ses propos tout « personnels ». Le ministre désavoué a quitté le gouvernement dès le lendemain de sa déclaration, à l’occasion d’un remaniement annoncé de longue date et pour lequel il faisait de toute façon partie des sortants pressentis. Mais le seul tort de Yoshiaki Harada n’est-il pas d’avoir dit tout haut ce que l’exécutif nippon pense tout bas ?

Depuis plus de huit ans, de l’eau est injectée en permanence dans les cuves des trois réacteurs endommagés de Fukushima, afin de refroidir leurs cœurs et d’éviter une nouvelle réaction en chaîne catastrophique, expose l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) dans une note de suivi de la situation datant de février. Le liquide se charge alors d’éléments radioactifs : du césium, du strontium, du tritium… Et comme les cuves et les enceintes de confinement ne sont plus étanches, cette eau contaminée s’infiltre dans les sous-sols des bâtiments et s’écoule jusqu’à la nappe phréatique et menace de se déverser dans l’océan Pacifique tout proche.

La centrale nucléaire accidentée de Fukushima (Japon) vue du ciel le 9 février 2018.
La centrale nucléaire accidentée de Fukushima (Japon) vue du ciel le 9 février 2018. (KANJI TADA / YOMIURI / AFP)

Tepco, l’entreprise qui exploitait la centrale, depuis nationalisée et désormais en charge du démantèlement, s’efforce de limiter ces infiltrations. Depuis 2014, les eaux contaminées sont pompées et, depuis 2016, le sous-sol a été congelé le long du port, afin de créer un gigantesque mur de glace souterrain imperméable de 900 mètres de long et de 35 mètres de haut.

L’eau pompée subit ensuite un traitement qui permet de réduire sa radioactivité. « La plupart des radionucléides contenus dans cette eau sont extraits par fixation sur des adsorbants solides qui sont ensuite stockés comme déchets. Mais un radionucléide ne peut pas être filtré de cette manière : le tritium », expose Bernd Grambow, radiochimiste et professeur à l’école des Mines de Nantes. 

Le tritium est un isotope de l’hydrogène, c’est-à-dire une variante radioactive. Lorsqu’il est présent dans l’eau, il prend la place de l’atome d’hydrogène – l’eau étant composée d’hydrogène et d’oxygène. L’eau tritiée est donc un casse-tête pour les scientifiques. « Seule une séparation isotopique permettrait de séparer le tritium de l’eau », expose le radiochimiste. Or « cette technique n’est pas faisable aujourd’hui à grande échelle pour traiter un million de mètres cubes ».

Un million de mètres cubes d’eau radioactive

Tepco n’étant pas autorisée à rejeter cette eau tritiée, elle est entreposée sur le site de la centrale. Avec le temps, les volumes d’eau injectée, pompée, filtrée et stockée ont diminué. « Au début, 300 à 400 mètres cubes d’eau contaminée étaient entreposés chaque jour. Aujourd’hui, le volume à entreposer n’est plus que de l’ordre de 100 mètres cubes par jour », évalue Thierry Charles, le directeur général adjoint de l’IRSN, chargé de la sûreté nucléaire. Reste qu’en huit ans, un million de mètres cubes d’eau contaminée se sont ainsi accumulés. 

Deux employés de Tepco devant des réservoirs d\'eau radioactive, le 31 janvier 2019, sur le site de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima (Japon).
Deux employés de Tepco devant des réservoirs d’eau radioactive, le 31 janvier 2019, sur le site de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima (Japon). (LARS NICOLAYSEN / DPA / AFP)

« Sur le site de Fukushima, que j’ai pu visiter, on voit une forêt de cuves. Il y a un millier de cuves d’un millier de mètres cubes chacune », décrit Thierry Charles. La compagnie estime que ces citernes seront pleines en 2022. Elle étudie cependant des solutions pour augmenter encore le stockage. « On crée un risque qu’il faudra un jour traiter. On n’est pas à l’abri d’une fuite de cuve, avertit le monsieur sécurité nucléaire de l’IRSN. Il faut bien trouver une solution pour gérer ces volumes d’eau essentiellement tritiée. »

« Il faut faire des compromis »

« Le rejet dans l’océan n’est pas la seule méthode », fait observer le radiochimiste Bernd Grambow. Problème, continue le directeur général adjoint de l’IRSN, « le traitement par évaporation produirait des rejets de tritium dans l’air ». Et « utiliser cette eau pour fabriquer du béton emprisonnerait le tritium, mais avec le temps, le béton libérerait du tritium ».« Il n’y a pas une solution idéale, il faut faire des compromis », reconnaît le professeur à l’école des Mines de Nantes.

Rejeter l’eau tritiée dans l’océan, « ce n’est ni plus ni moins que faire ce qui se fait durant le fonctionnement normal d’une centrale nucléaire », tranche Thierry Charles. « Tout réacteur nucléaire produit du tritium. Une faible quantité est relâchée, comme l’autorisent les autorités compétentes en matière de radioprotection, souligne Bernd Grambow. En France, les concentrations rencontrées dans l’eau des fleuves refroidissant les réacteurs restent largement inférieures au seuil de risque radiologique. Et un suivi réglementaire est assuré. »

C’est la solution la plus logique, et elle est à la fois réaliste et potentiellement raisonnable.Thierry Charles, directeur général adjoint de l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN)à franceinfo

« Il y a plusieurs pré-requis », prévient toutefois Thierry Charles. D’abord, « il faut définir quelle sera la concentration de tritium dans l’eau rejetée et quel sera le débit de ce rejet étalé dans le temps, puis en évaluer l’impact sur l’environnement ». « Il faut s’assurer que l’effet de dilution est suffisant pour rester largement inférieur au seul identifié par des autorités compétentes comme dangereux », insiste Bernd Grambow. 

Ensuite, « il faut aussi une acceptation sociétale », ajoute Thierry Charles. « Il faut en discuter très tôt avec la société. La concertation doit englober toutes les parties prenantes : la population locale, les pêcheurs qui ne veulent plus entendre parler de rejets… » Or, « après l’accident, Tepco avait dit : ‘On ne rejettera plus rien.' » Enfin, « il faut définir les modalités de la surveillance de ce rejet, en toute transparence ».

Un employé de Tepco mesurant la radioactivité devant des citernes contenant de l\'eau contaminée par des éléments radioactifs, le 27 juillet 2018, sur le site de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima (Japon).
Un employé de Tepco mesurant la radioactivité devant des citernes contenant de l’eau contaminée par des éléments radioactifs, le 27 juillet 2018, sur le site de la centrale nucléaire accidentée de Fukushima (Japon). (KIMIMASA MAYAMA / AFP)

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) est partisane du rejet en mer. Elle avait même conseillé cette méthode au Japon, dès 2014. Deux ans plus tard, une commission d’experts mandatés par le ministère japonais de l’Industrie avait conclu que cette option était « la solution la plus rapide et la moins onéreuse ». Elle n’avait toutefois pas exclu d’autres moyens« faisables », quoique plus longs et coûteux. Cette commission d’experts avait calculé qu’il faudrait 7 ans et 4 mois pour se débarrasser de l’eau tritiée dans l’océan après dilution. Et l’opération ne coûterait que 3,4 milliards de yens – soit 28 millions d’euros – contre 10 fois à 100 fois plus pour les autres techniques dont la durée s’étalerait en outre sur 8 à 13 ans. 

Depuis 2016, une autre commission gouvernementale nippone examine l’hypothèse. Elle s’interroge en particulier sur les dommages collatéraux sur l’image du Japon et l’impact sur les secteurs de la pêche et de l’agriculture. La décision, qui sera au final politique, est loin d’être prise, en particulier à moins d’un an des Jeux olympiques de Tokyo. Mais, analyse Thierry Charles, « le ministre japonais n’a pas dit autre chose que ce qui se dit depuis longtemps dans les cercles d’experts à l’international. Ce qui change, c’est qu’un officiel le dise. »

Fukushima de l’intérieur

Fukushima de l’intérieur, le récit glaçant du directeur de la centrale

PUBLIÉ LE

VIDÉO Saisir une catastrophe à travers les yeux de ceux qui l’ont éprouvée au plus près, telle est l’ambition de l’ouvrage « Un récit de Fukushima, le directeur parle » (2018, PUF). Les deux auteurs, Franck Guarnieri et Sébastien Travadel, de l’école des Mines ParisTech, reviennent en vidéo sur ce long travail d’analyse.

[Vidéo] Fukushima de l’intérieur, le récit glaçant du directeur de la centrale
Le site de la centrale de Fukushima Daiichi, au Japon
© Tokyo Electric Power Co., TEPCO

 

Il aura été l’un des héros anonyme du 11 mars 2011, le jour où est advenue à Fukushima, au Japon, la pire catastrophe nucléaire depuis Tchernobyl. Parmi les nombreux témoignages inédits de l’ouvrage de Franck Guarnieri et Sébastien Travadel, celui de Masao Yoshida, directeur de la centrale lors des événements, est sans doute le plus édifiant.

Les deux auteurs ont retranscrit, traduit et analysé les 28 heures d’audition de M. Yoshida devant la commission japonaise d’enquête gouvernementale à la suite de la catastrophe. Le déroulé des événements y est exposé cliniquement, quasiment minute par minute. C’est donc la parole, rare, de celui qui dû composer avec l’inimaginable afin d’éviter l’irréparable. Comme lorsqu’il décide, en urgence, de se servir des camions de pompiers abandonnés sur le site pour pomper de l’eau de mer et la déverser directement dans les réacteurs alors en pleine fusion. M. Yoshiba est mort le 9 juillet 2013, des suites d’un cancer. The conversation lui consacrait un portrait en 2018.

Dans un entretien filmé réalisé par La Télé Libre, Franck Guarnieri, et Sébastien Travadel, respectivement directeur du Centre de Recherche sur les Risques et les Crises (CRC) de l’école des Mines ParisTech, et ingénieur et maître de conférences, commentent le récit de Yoshida et questionnent la notion de catastrophe et son impact, d’abord sur ceux qui la vivent dans leur chair, puis sur l’imaginaire collectif.

Un entretien à retrouver ici.

 

Pour tout comprendre à la catastrophe de Fukushima, vous pouvez regarder la vidéo ci-dessous, réalisée par l’Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire.

 

Hagibis, le super typhon

A Kawagoe, à 35 km au nord-ouest de Tokyo, un centre d'accueil pour personnes âgées s'est retrouvé cerné par les eaux après qu'un barrage à lâché au passage du super-typhon Hagibis.
A Kawagoe, à 35 km au nord-ouest de Tokyo, un centre d’accueil pour personnes âgées s’est retrouvé cerné par les eaux après qu’un barrage à lâché au passage du super-typhon Hagibis.Photo STR. AFP
CATASTROPHE NATURELLE

Le super-typhon Hagibis fait au moins 30 morts au Japon

Par Yuta Yagishita, correspondant à Tokyo

Le bilan du très puissant typhon ne cesse de s’alourdir, tandis que 31 000 soldats des Forces japonaises d’autodéfense ont été mobilisés pour les opérations de sauvetage.

Après le passage du super-typhon Hagibis, les Tokyoïtes se sont réveillés dimanche matin sous un ciel inhabituellement clair et limpide. Les vents et les pluies torrentielles de la veille avaient nettoyé toutes les particules fines dans l’air. Le bleu du ciel contraste pourtant avec le triste bilan de morts et de dégâts qui n’ont cessé de s’alourdir durant toute la journée de dimanche. Selon un bilan encore provisoire, le typhon a fait au moins 30 morts et 177 blessés, sans compter les 15 personnes qui sont encore portées disparues. Des crues provoquées par la violence du typhon ont rompu des digues dans une vingtaine d’endroits dans la partie centrale et la partie est du pays. Au nord-ouest de Tokyo, la montée des eaux de la rivière Chikuma a submergé des quartiers résidentiels. Selon l’Agence de gestion des feux et des catastrophes naturelles, plus de 230 000 personnes sont toujours contraintes de rester dans des centres d’évacuation, et au moins 900 personnes attendent les secours dans des lieux isolés par les inondations ou éboulements. Quant aux opérateurs d’électricité, ils recensent au moins 140 000 cas de coupures de courant dans l’ensemble des régions frappées par Hagibis.

31 000 soldats mobilisés

Face à cette situation, le Premier ministre japonais, Shinzo Abe, a tenu dimanche matin une réunion ministérielle d’urgence pour annoncer la création d’un quartier général spécial, afin de «mener des opérations de sauvetage en mettant la priorité absolue à la vie humaine». Les Forces japonaises d’autodéfense (FJA) ont mobilisé 31 000 soldats pour secourir les personnes isolées avec 130 avions et 8 navires militaires.
D’une puissance historique, le typhon Hagibis a fait tomber des pluies d’une intensité «jamais connue par le passé»,selon le mot de l’Agence météorologique japonaise (JMA). A Hakone, ville située à l’ouest de Tokyo, il est tombé de fait 922 mm de pluies en vingt-quatre heures dans la journée de samedi, établissant un record historique du pays. Dans la ville de Kawagoe, à 35 km au nord-ouest de Tokyo, où une digue de la rivière Oppe a rompu, les eaux boueuses ont complètement cerné une maison de retraite. Plus de 200 personnes, résidents et aides-soignants, attendent les secours à l’étage du bâtiment.

Déchets radioactifs

«Cet endroit a déjà été inondé comme ça par le passé, donc j’étais très inquiet de voir le typhon s’approcher, a raconté à la NHK, chaîne de télévision publique japonaise, un homme dont la mère de 90 ans venait d’être secourue. On m’a dit qu’ils allaient évacuer les résidents par bateau, donc je suis venu tout de suite pour venir en aide.» La puissance de Hagibis a littéralement balayé les côtes de la région de Fukushima, emportant des sacs de terre contaminée stockés dans un centre des déchets radioactifs. Selon le quotidien Asashi Shimbun, au moins six d’entre eux se sont retrouvés dans la rivière Furumichi. Les autorités locales ont réussi à les récupérer, mais les effets sur l’environnement de cet incident restent inconnus à ce stade. En revanche, dans la centrale de Fukushima Daiichi, aucune anomalie majeure n’a été signalée, toujours selon la NHK. Une seule relative bonne nouvelle pouvait être entendue hier : les principales lignes de train, dont celle reliant Tokyo et Osaka, ont été rétablies, même si de nombreux trains locaux sont toujours à l’arrêt. Quant au match de la Coupe du monde de rugby entre le Japon et l’Ecosse, il a pu avoir lieu comme prévu dimanche soir à Yokohama.

Si le pays n’a pas pu éviter de tels dégâts alors qu’il est doté de technologies et d’infrastructures très poussées en matière de prévention des catastrophes naturelles, c’est que «l’intensité des pluies a dépassé largement les prévisions», selon Hiroyasu Yasuda de l’université de Niigata, cité par un quotidien local. En effet, sous l’effet du changement climatique, la puissance des typhons ne cesse d’augmenter année après année. «Cette puissance dépasse désormais les capacités des infrastructures de protection conçues à partir des données datant du XXsiècle, ce qui ne correspond plus à la réalité», explique-t-il. Pour mieux se parer aux désastres naturels à venir, «il faut donc revoir les normes de sécurité et raffiner les prévisions aussi tôt que possible», avertit Yasuda.

Yuta Yagishita correspondant à Tokyo 

Japon: Solaire, éolien…

Solaire, éolien… Face à la percée limitée des renouvelables, le Japon mise à nouveau sur le nucléaire

Pourquoi les renouvelables ne parviennent pas à percer au Japon

Après Fukushima, le Japon s’est tourné vers les énergies fossiles et renouvelables. Les premières ont prospéré mais pas les secondes. Pour limiter les émissions de CO2, l’archipel mise à nouveau sur le nucléaire.

Total met le turbo dans le solaire au Japon. Le pétrolier a annoncé ce matin la construction de sa troisième centrale photovoltaïque sur l’archipel. Le parc d’Osato à 300 kilomètres au nord de Tokyo disposera d’une puissance de 52 mégawatts et sera équipé d’environ 116.000 panneaux SunPower, la filiale solaire de Total. Avec les parcs de Miyako Solar (25MW) et Nanao Power (27MW), le géant de La Défense se place « parmi les acteurs les plus dynamiques du marché solaire japonais », indique le groupe dans un communiqué.

Le Japon, eldorado du solaire? Certainement pas. La géographie du pays ne s’y prête pas. L’archipel est montagneux et dense, les terrains disponibles hors de prix. Développer des fermes solaires relève de la gageure. Et il en est de même pour les parcs éoliens. Pas facile non plus d’implanter des éoliennes offshore car les fonds marins sont tout de suite très profonds et il y a des risques de typhon.

Le Japon réfléchit désormais à la technologie des éoliennes flottantes. Le français Ideol dispose d’un démonstrateur au large de l’île de Kyushu dans le sud du Japon. Cette PME de La Ciotat fonde de grands espoirs sur un premier appel d’offres dédié à l’éolien flottant prévu en 2020 ou 2021. Face au faible nombre de terrains constructibles, un autre français, l’entreprise Ciel&Terre, a trouvé une solution originale: installer des panneaux solaires sur… les plans d’eau dédiés à la culture du riz. Depuis la catastrophe de Fukushima en mars 2011, elle a implanté 120 petites centrales solaires flottantes pour un total de 200 mégawatts.

Fukushima: …Quoi que je fasse

5 octobre 2019

Au procès de Tepco au Tribunal régional de Tokyo, une habitante de la ville de Date a fait ce témoignage poignant. On sait depuis le 19 septembre que les trois anciens dirigeants de Tepco, Tsunéhisa Katsumata, Ichirô Takékuro et Sakae Mutô, n’ont pas été reconnus coupables de négligences ayant entraîné la mort et des blessures. Les procureurs désignés ont fait appel.

 

Auteure : anonyme

Traduction française : Anne Uemura

Nettoyage d'une école dans la ville de Date (Préfecture de Fukushima)

Nettoyage d’une école dans la ville de Date (Préfecture de Fukushima)

Déclaration d’opinion d’une habitante de la ville de Date, présentée au Tribunal régional de Tokyo

« Nous avions le désir d’élever nos enfants dans un environnement proche de la nature et enrichissant. C’est pourquoi nous avons déménagé de la ville de Fukushima pour acheter un terrain dans la ville de Date, là où nous vivons actuellement, pour y construire une maison.
Les remboursements des prêts étaient lourds et nous vivions simplement, mais nous étions heureux.


Huit ans après la construction de notre maison, le 11 mars 2011, l’accident de la centrale s’est produit, et notre vie de famille a été bouleversée. Mon mari et moi avions 42 ans, mon fils était en CM2 et ma fille en CE2.


A cette époque, je n’avais aucune connaissance sur le nucléaire ou sur les substances radioactives. Si j’avais eu quelques notions dans ce domaine, en nous sauvant, nous aurions sans doute pu éviter d’être irradiés. Je suis étreinte par ce regret.


Sans aucune marge financière, je ne pouvais, en pensant à mes enfants qui souffrent de maladie et à mes parents qui sont ici, me résoudre à m’éloigner de chez moi.
Dès le 11 mars, nous n’avions ni eau, ni électricité, ni gaz et je devais me rendre jusqu’aux stations d’eau où j’emmenais les enfants ; pour trouver de quoi manger, nous marchions dehors parfois trempés par la pluie.


Après plusieurs jours, comme nous n’avions toujours pas d’eau, nous avons dû aller jusqu’à la mairie pour utiliser les toilettes. C’est à ce moment-là que j’ai vu un groupe de personnes vêtues de combinaisons de protections blanches entrer dans la mairie. Nous avons pensé qu’ils venaient sans doute aider les victimes du tsunami. Mais maintenant, je comprends que la pollution radioactive était telle que des protections étaient nécessaires, et nous, sans nous douter de rien, nous étions exposés.


Peu après, au moment des cérémonies de remises de diplômes, nous nous sommes rendus à pied à l’école primaire. Je pense que les informations qu’on nous donnait étaient fausses et qu’à cause de cela nous avons été irradiés. A l’époque, j’étais persuadée que, si nous encourions réellement un danger, l’État nous avertirait. 


J’ai appris plus tard que les doses de radioactivité de l’air après l’accident étaient de 27 à 32 microsieverts par heure. Il n’y a eu aucune consigne sur la restriction des sorties en extérieur et c’est extrêmement grave. En juin 2011, je me suis rendue aux funérailles de la grand-mère de mon mari dans sa famille. J’ai emmené mes enfants avec moi. Sur le trajet nous avons remarqué que le taux de radiations était très élevé et dans la voiture le dosimètre affichait à certains endroits 1,5 microsievert par heure. Les représentants de cette zone, avaient demandé aux riverains de ne pas faire de vagues même si la radioactivité était élevée. D’après ce que j’ai entendu, il fallait que les véhicules de reconstruction puissent continuer à emprunter cette route. De même que le Shinkansen (TGV) et l’autoroute du Tohoku devaient à tout prix fonctionner comme si de rien n’était, pour ces mêmes raisons.


En dépit d’un niveau dépassant les limites de doses admissibles, au lieu de nous alerter sur les dangers, on nous assurait être en sécurité. Le risque de cette exposition ne nous a pas été communiqué. En juin 2011, mon fils a été pris de saignements de nez abondants, au point que ses draps étaient tout rouge. Les enfants présentant les mêmes symptômes étaient si nombreux, que nous avons reçu une notice par la « Lettre de santé » de l’école avec des recommandations. Au cours d’un examen médical de l’école, on a découvert une anomalie cardiaque à mon fils et il a dû être surveillé par holter. Mon fils, qui avait 12 ans au moment de l’accident, souffrait alors de dermatite atopique. Après, les symptômes ont empirés au point de devoir être hospitalisé pendant les vacances de printemps en seconde. Aujourd’hui on n’arrive toujours pas à identifier les symptômes qui le font souffrir.
 

Un an après l’accident, ma fille s’est plainte de douleurs à la jambe droite. A l’hôpital, un ostéome extra-osseux a été diagnostiqué et elle a dû subir une excision osseuse l’année suivante. En première année de collège à partir de l’hiver elle n’arrivait plus à se lever le matin. Elle était atteinte d’un dysfonctionnement orthostatique. En accord avec elle, nous avons décidé de la scolariser 3 fois par semaine dans un système à horaires modulables.
 

Le passe-temps favori de mon mari était la pêche, mais depuis l’accident nucléaire, il n’est plus question d’aller à la mer ou à la rivière. Avant l’accident, dans le jardin, nous faisions pousser des fleurs et nous avions un potager. L’été, nous y faisions des barbecues en famille et nous mettions une tente pour que les enfants puissent dormir dehors. Maintenant c’est absolument impossible.


Dans cet environnement gravement contaminé aujourd’hui, l’ADN des cellules serait gravement endommagé. Il faut ajouter que les séquelles liées à l’exposition que nous avons déjà subie sont indélébiles, même si nous déménagions maintenant.


Quand je songe que les enfants sont particulièrement vulnérables à l’irradiation, mon cœur se déchire. En tant que parent, en tant qu’adulte, c’est déchirant et insupportable. Je suis également préoccupée par la situation actuelle de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi.


Ma routine quotidienne consiste à guetter les catastrophes naturelles telles que les tremblements de terre et à vérifier l’état de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Parce qu’aujourd’hui je n’hésiterai pas à évacuer. J’ai changé de travail pour être en mesure de me rendre rapidement auprès de mes enfants s’il le faut. 
J’ai dû abandonner un travail à plein temps et c’est financièrement difficile, mais la priorité est de pouvoir partir vite à tout moment. Car après avoir vérifié toutes sortes d’informations, j’ai compris que les annonces du gouvernement divergeaient de la réalité.


Vivre dans un environnement radioactif vous oblige à être vigilant sans relâche, que ce soit pour vos courses, pour manger, ou pour boire de l’eau, et à évaluer vous-même la situation pour faire des choix. Nous avons dû nous résoudre à accepter un mode de vie anormal pour arriver à continuer à vivre au jour le jour. 


Quoi que je fasse, tout plaisir a disparu de ma vie. 


J’ai découvert qu’il y avait à côté de chez moi sur le chemin de l’école de mes enfants des spots de plus de 10 microsieverts par heure. Je l’ai signalé à la mairie, mais ils n’ont rien fait. La raison invoquée est qu’il n’y a pas de stockage temporaire pour entreposer les déchets. J’ai dû retirer moi-même la terre contaminée et je l’ai stockée dans mon jardin.


La ville de Date a décidé de sa propre politique de décontamination et a instauré également fin 2011, une norme de 5 mSv / an. En ce qui me concerne, je voulais réduire la pollution radioactive le plus tôt possible et j’ai décontaminé mon jardin moi-même. La ville encourageait les gens à décontaminer par leurs propres moyens. Je l’ai fait aussi. Et cela représentait 144 sacs. L’année suivante j’ai recommencé. Les sacs de débris radioactifs résultant de la décontamination jusqu’en mars 2014 sont restés entreposés dans mon jardin pendant 2 ans, et ont ensuite été emmenés dans une zone de stockage temporaire enfin mise en place. Mais depuis, les autres sacs de nettoyage n’ont pas été accepté et sont toujours dans mon jardin. A cause de cela nous n’y mettons plus les pieds. 


La contamination de notre abri de voiture s’élevait à 520 000 becquerels il y a 5 ans, avec 5 microsieverts par heure, mais elle n’entrait pas dans les critères requis pour être nettoyée. La « décontamination officielle » n’inclut que le terrain de résidence, mais ni le toit, ni les gouttières ne sont pris en charge. De ce fait nous ne pouvons plus laisser nos velux ouverts.
 

La ville de Daté, prétendant se soucier de la santé des habitants, a fourni à tous les résidents des dosimètres. Nous avons ensuite été invités à subir des examens, pendant lesquels nos données ont été collectées. Sans l’autorisation des résidents, ces données ont été confiées à des chercheurs externes qui ont rédigé des rapports. Ces rapports ont été élaborés sur la base d’informations personnelles obtenues illégalement, et de surcroit une falsification des données est suspectée. Sur la base de données inexactes, le rapport a conclu que même à des doses de 0,6 à 1 microsievert par heure dans l’air, la dose individuelle reçue serait inférieure à 1 millisievert par an et que, par conséquent, il n’était pas utile de décontaminer. Il s’agit d’une sous-estimation de l’exposition, et clairement d’une violation des droits de l’homme à l’encontre de la population. Cette affaire est toujours en cours.


Dans cette même région, on voit apparaitre des leucémies et des cancers rares des voies biliaires. Je ne peux m’empêcher de penser qu’avant l’accident cela n’existait pas. Aujourd’hui encore, alors que l’état d’urgence nucléaire est toujours officiel, cette situation anormale est devenue notre quotidien. 


Je crains que la « reconstruction » prônée par l’État ne bafoue les droits fondamentaux des résidents et que cette vie inacceptable ne soit désormais considérée comme normale. Nos vies sont au point mort.


Cette souffrance va continuer.

 

Mon désir le plus profond est qu’à travers ce procès, la responsabilité de l’État et de Tepco qui a causé l’accident soit reconnue. »

Fukushima: …un casse-tête

L’eau radioactive de Fukushima, un casse-tête pour le monde nucléaire

 
Un employé de la compagnie d'électricité mesureles taux de radiation autour des citernes contenant de l'eau contaminée par la radioactivité à la centrale nucléaire de Fukushima, le 27 juillet 2018 à Okuma, au Japon
 
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© AFP, KIMIMASA MAYAMA, POOL
 
 
Des enfants jouent dans les vagues lors de la réouverture de la plage de Kita Izumi, le 20 juillet 2019 à Minami Soma city, dans la région de Fukushima, au Japon
 
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© AFP, JIJI PRESS

AFP, publié le vendredi 04 octobre 2019 à 12h35

Un champ de gigantesques citernes, des hangars pleins de cuves et tuyauteries où bruissent des machines assourdissantes, des hommes en combinaisons de protection, casqués, masqués: cette image illustre le calvaire de la gestion de l’eau contaminée dont on ne sait que faire à la centrale nucléaire Fukushima Daiichi.

Plus d’un million de tonnes d’eau est stockée dans l’enceinte de ce site ravagé par le tsunami de mars 2011.

Pomper, pomper, filtrer, filtrer et filtrer encore pour enlever autant que possible les éléments radioactifs de cette eau qui descend en permanence des montagnes ou provient du système de refroidissement, c’est le quotidien des travailleurs de « ichi-efu » (1F), surnom de la centrale.

Un mur d’enceinte souterrain en glace et d’autres techniques un peu folles ont permis de réduire de plus de moitié, à 150 tonnes, les quantités d’eau nouvellement contaminées chaque jour. 

Dans le hangar-usine où tourne le système de décontamination ALPS, c’est « zone Y », synonyme de danger: « les filtres de la machinerie contiennent les radionucléides, donc il faut être très protégé ici, tout comme dans les bâtiments des réacteurs », explique Katsutoshi Oyama, chargé de la gestion du risque chez Tepco.

L’eau, c’est un cauchemar: il y a déjà sur place un millier de futs d’une capacité unitaire allant jusqu’à 1.200 tonnes: ils ont pris la place de cerisiers qui égayaient le printemps.

« Nous allons en construire d’autres également sur le site jusqu’à fin 2020 et nous pensons que toutes les citernes seront pleines vers l’été 2022 », indique Junichi Matsumoto, un responsable de l’entité de Tepco chargée du démantèlement.

– « Sous contrôle » –

Que faire ensuite de cette eau ? 

L’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) pousse pour la dilution en mer, mais pour le moment, ce n’est pas faisable car, comme l’a reconnu Tepco, une grande partie est encore lourdement chargée en éléments radioactifs dangereux pour la chaîne alimentaire, dont du strontium 90.

« Les premières générations du système ALPS n’étaient pas assez performantes », précise un porte-parole de Tepco.

Et même si au bout de plusieurs passages prévus dans les filtres d’ALPS une soixantaine de radionucléides finissent par être supprimés, il en restera toujours un, le tritium.

Présent naturellement dans l’environnement, il l’est aussi sous forme artificielle depuis des décennies, car « l’industrie nucléaire (réacteurs, usines de traitement de combustibles irradiés) en rejette de façon localisée », selon l’Institut français de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN). 

 

A la crainte de l’absence de transparence, s’ajoute à Fukushima le problème de la quantité énorme d’eau traitée.

Comme l’a rappelé à Tepco un journaliste sud-coréen lors de la visite du site, de l’eau radioactive avait été lâchée en mer juste après l’accident « sans demander l’avis des pays voisins ».

« C’est exact: en avril 2011, dans l’urgence, nous avions évacué des eaux accumulées dans les installations sans en référer à la Corée du Sud ni aux autres, mais cette fois, l’Etat a l’intention de demander leur avis aux régions et pays concernés », a répondu M. Matsumoto. 

– Un vrai débat –

La décision n’est cependant pas pour demain, notamment en raison du risque politique très important à moins d’un an des jeux Olympiques de Tokyo, obtenus entre autre grâce à la l’affirmation du Premier ministre Shinzo Abe faite au Comité international olympique et restée dans les annales à propos de la pollution radioactive marine: « la situation est sous contrôle ».

« Nous voulons étudier la manière de minimiser les dégâts dus à la mauvaise réputation de la région et des produits de Fukushima », précise un responsable du ministère de l’Industrie.

Pour les écologistes, la réponse est en revanche claire: le rejet dans l’océan, c’est « non ».

« Tepco doit investir dans les meilleures technologies capables d’extraire de cette eau les radionucléides dangereux comme le strontium 90 et développer des moyens face au tritium », juge Shaun Burnie, spécialiste de l’énergie nucléaire au sein de l’organisme Greenpeace.

Tepco avait fait des propositions techniques pour supprimer le tritium mais elles ont été abandonnées pour des raisons financières.

« Rejet dans l’océan ? Je suis absolument contre », dit également Kyoichi Kamiyama, directeur du département radioactivité du Centre de recherche de la pêche et des milieux marins de la préfecture de Fukushima.

« Nous sommes peut-être à l’orée d’un vrai débat sur la meilleure option face à cette crise de l’eau », veut croire M. Burnie pour qui la solution est un stockage de long terme accompagné d’un traitement de purification renforcé.

Fukushima: appel contre l’acquittement…/

Fukushima: appel contre l’acquittement d’anciens patrons de Tepco

01.10.2019

Les avocats de personnes évacuées de la région de Fukushima ont fait appel du jugement concernant trois anciens dirigeants de la compagnie Tepco, acquittés le 19 septembre. Les trois hommes étaient accusés de négligence face au risque de tsunami.

Le président de Tokyo Electric Power (Tepco) au moment de la catastrophe nucléaire de Fukushima en 2011, ainsi que deux vice-présidents à l’époque, sont les trois seules personnes physiques à avoir été poursuivies au pénal dans l’épineux dossier de la responsabilité de ce désastre.

« Les avocats ont interjeté appel aujourd’hui », a déclaré lundi une porte-parole du tribunal de Tokyo.

Selon les plaignants, ils auraient dû cesser l’activité de la centrale de Fukushima Daiichi bien avant 2011, sur la base d’informations faisant état d’un risque de tsunami dépassant les capacités de résistance du site.

Des milliers de « décès liés »

Cependant, le tribunal de Tokyo a estimé en première instance que les données à leur disposition avant le drame ne permettaient pas de prévoir avec certitude un tsunami d’une telle ampleur.

Le raz-de-marée a causé la mort de 18’500 personnes dans le nord-est du Japon, tandis que l’accident nucléaire en lui-même n’a fait aucune victime sur le coup. Il a en revanche entraîné plusieurs milliers de « décès liés », reconnus par les autorités comme des morts dues à la dégradation des conditions de vie des personnes évacuées de la région.

Les trois anciens dirigeants de Tepco étaient ainsi spécifiquement poursuivis pour une quarantaine de ces « décès liés »: des patients d’un hôpital proche de la centrale nucléaire, qui avaient été évacués dans des conditions effroyables juste après le tsunami.

ats, afp

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