"Rien n'est plus proche du Vrai ... que le Faux"

Mois : novembre 2019

Vélo électrique bi-place

Ce vélo électrique français en libre-service est le premier au monde conçu pour circuler à deux

 
 
Ce vélo deux places du marché, le Double Pony sera lancé en 2020 à Angers, Bordeaux, Oxford ainsi qu'à Paris, si Pony remporte l'appel à projets en cours.
Ce vélo deux places du marché, le Double Pony sera lancé en 2020 à Angers, Bordeaux, Oxford ainsi qu’à Paris, si Pony remporte l’appel à projets en cours. – Pony
 

Fukushima: la «préoccupation»

Fukushima: l’énergie nucléaire suscite la «préoccupation», dit le pape

Fukushima: l'énergie nucléaire suscite la préoccupation, dit le pape
Le pape François et le Premier ministre japonais Shinzo Abe, le 25 novembre 2019 à Tokyo / POOL/AFP
 

Le pape François a évoqué lundi à Tokyo la «préoccupation» suscitée par l’usage de l’énergie atomique, et appelé à une mobilisation renforcée pour aider les victimes du séisme, du tsunami et de la catastrophe nucléaire de 2011 au Japon.

Au troisième jour de son voyage sur l’archipel nippon, François a écouté les témoignages de victimes du séisme sous-marin de magnitude 9,0 qui le 11 mars 2011 a soulevé dans le nord-est du pays une gigantesque vague dans laquelle plus de 18.500 personnes ont été emportées.

La vague a aussi heurté de plein fouet la centrale atomique de Fukushima, provoquant le pire accident nucléaire depuis celui de Tchernobyl (Ukraine) en 1986.

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Le pape a remercié lundi ceux qui «se sont mobilisés immédiatement» après la catastrophe. «Une action qui ne doit pas se perdre avec le temps», a-t-il déclaré, rappelant les «50.000 personnes évacuées qui vivent actuellement dans des logements temporaires».

– «Futures sources d’énergie» –

Fukushima: l'énergie nucléaire suscite la préoccupation, dit le pape
 

Le pape François célèbre une messe au Tokyo Dome Stadium, le 25 novembre 2019 au Japon / AFP

 

Environ 470.000 habitants ont dû quitter leur foyer dans les premiers jours de la catastrophe, dont quelque 160.000 dans la zone des deux centrales nucléaires de Fukushima. A ceux du tsunami s’ajoutent plus de 3.700 décès reconnus par les autorités comme des morts résultant de la dégradation des conditions de vie des personnes évacuées.

Cette situation «implique, également, comme l’ont si bien signalé mes frères évêques du Japon, la préoccupation concernant la persistance de l’utilisation de l’énergie nucléaire», a ajouté le pape, rappelant qu’ils avaient «demandé la fermeture des centrales nucléaires».

En 2016, la Conférence des évêques du Japon avait lancé un appel au monde entier à «l’abolition» de la production d’énergie nucléaire.

Fukushima: l'énergie nucléaire suscite la préoccupation, dit le pape
 

Le pape arrive au Tokyo Dome, stade de baseball couvert, pour célébrer la messe devant 50.000 fidèles le 25 novembre 2019 / AFP

 

S’il est resté prudent sur ce sujet sensible, le pape a appelé néanmoins à «la prise de décisions courageuses et importantes concernant l’exploitation des ressources naturelles, et en particulier concernant les futures sources d’énergie».

– «Physiquement et mentalement détruit» –

Matsuki Kamoshita qui avait 8 ans au moment du triple désastre a raconté que son père retourné dans la région de Fukushima «a fini par cesser de travailler après avoir été physiquement et mentalement détruit».

Fukushima: l'énergie nucléaire suscite la préoccupation, dit le pape
 

Le pape salue les fidèles rassemblés au Tokyo Dome pour une messe le 25 novembre 2019 / AFP

 

Il a demandé au pape, qui l’a serré dans ses bras, de «prier pour que les gens à travers le monde entier travaillent à l’élimination de la menace que représente l’exposition aux radiations pour notre avenir».

Le Premier ministre Shinzo Abe et le nouvel empereur japonais Naruhito ont tous deux remercié le pape d’avoir rencontré les victimes du triple désastre.

Lors d’une rencontre privée avec l’empereur, l’Argentin Jorge Bergoglio lui a raconté qu’il se souvenait encore des larmes de ses parents en entendant parler des bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki lorsqu’il avait neuf ans.

Fukushima: l'énergie nucléaire suscite la préoccupation, dit le pape
 

Le pape rencontre l’empereur Naruhito à Tokyo le 25 novembre 2019 / AFP

 

L’anecdote, rapportée par le palais, intervient au lendemain de la visite du pape dans ces deux villes martyres, où il a condamné avec force la «possession» même d’armes nucléaires.

Devant les autorités politiques et civiles du Japon, François est d’ailleurs revenu lundi sur la question de l’arme atomique, en jugeant qu’elle devait être abordée «sur le plan multilatéral».

A la veille de son départ du pays, François avait donné aussi rendez-vous aux fidèles catholiques, en particulier les jeunes réunis dans la cathédrale Sainte-Marie. Se livrant à des plaisanteries et prodiguant de nombreux conseils, le pape a visiblement savouré ce moment, suscitant rires et applaudissements.

Il a toutefois abordé des sujets difficiles comme le harcèlement à l’école, très répandu au Japon, après avoir écouté le témoignage d’un jeune Philippin qui a pensé au suicide.

Dans le Tokyo Dome, stade de baseball couvert, François a été accueilli avec des cris de joie de plus de 50.000 fidèles. «Beaucoup de personnes se sentent perdues et inquiètes, sont accablées par trop d’exigences», a-t-il commenté dans une homélie traduite en japonais sur écrans géants.

«Toutes sortes de langues ont été parlées», s’est enthousiasmé Nguyen Truong Son, un jeune homme de 23 ans venu à la messe géante avec sa mère vietnamienne. «C’était formidable, des Japonais et non-Japonais étaient unis».

Fukushima: …nourriture pour les JO

Servir ou non de la nourriture de Fukushima pour les JO de Tokyo ?

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Servir ou non de la nourriture de Fukushima pour les JO de Tokyo ?
Une employée du marché aux poissons d’Iwaki pèse un posson plat, dans la région de Fukushima, le 1er octobre 2019 © AFP/Karyn NISHIMURA

Prouver au monde que la nourriture de la région de Fukushima est saine malgré la catastrophe nucléaire de 2011, c’est le but du gouvernement japonais depuis des années. Mais va-t-on servir des mets de la région durant les JO l’an prochain ?

Cette question n’est pas tranchée pour le Japon, qui voit dans les Jeux Olympiques de Tokyo l’occasion d’afficher la renaissance du Nord-Est du pays affecté par le tsunami et la catastrophe nucléaire de mars 2011.

Les aliments qui seront fournis au village olympique et servis aux athlètes doivent respecter, quelle que soit leur région d’origine, des normes précises.

« La région de Fukushima a proposé des aliments émanant de 187 fournisseurs et se place en deuxième position des provinces en nombre de produits remplissant les critères, après la région septentrionale de Hokkaido », explique Shigeyuki Honma, directeur adjoint de la division de l’agriculture et des forêts pour la préfecture de Fukushima.

Concrètement, « Fukushima souhaite servir aux athlètes son riz, ses fruits (pêches, poires, pommes, fraises), du boeuf et des légumes. Mais le Comité (international olympique) doit encore décider », indique M. Honma.

Le gouvernement japonais impose une sévère limite de 100 becquerels par kilogramme (Bq/kg), bien en-deçà des normes habituelles dans l’Union européenne, de 1.250 Bq/kg, et aux Etats-Unis, de 1.200 Bq/kg.

– Menace sud-coréenne –

Selon les chiffres officiels, sur la seule année d’avril 2018 à mars dernier, 9,21 millions de sacs de riz ont été contrôlés, pas un seul dépassant les strictes normes de présence de césium radioactif. Idem pour 2.455 échantillons de fruits et légumes, 4.336 morceaux de viande et 6.187 poissons de mer.

Finalement, « seuls des poissons de rivière et champignons sauvages ont à 6 reprises en tout dépassé la norme », assure Kenji Kusano, directeur du Centre technologique agricole de la préfecture de Fukushima, situé à Koriyama.

Ce lieu a été désigné par le gouvernement comme le site principal de contrôle des produits alimentaires de la région.

Derrière les chiffres, la défiance de nombre de pays demeure.

La Chine, la Corée du Sud, Singapour, les Etats-Unis continuent d’interdire l’importation de tout ou partie des aliments originaires de la province de Fukushima.

La Corée du Sud, dont les relations avec le Japon sont au plus mal en raison de conflits historiques, a par anticipation protesté contre la possibilité de menus conçus à partir de produits de Fukushima pour les athlètes lors des JO.

Séoul étudie la possibilité d’effectuer des contrôles et même d’apporter ses propres aliments pour nourrir ses équipes sportives.

L’une des raisons de la défiance est que les contrôles sont faits sur ordre du gouvernement, qui a choisi l’organisme pour les conduire, souligne M. Kusano.

Même si les appareils de mesure sont contrôlés par l’Agence internationale de l’Energie atomique (AIEA), aucune structure indépendante ne vient certifier les tests eux-mêmes.

« Généralement, les citoyens japonais font confiance au gouvernement et nous n’avons pas vu la nécessité de contrôles par des tiers indépendants. Mais je me rends compte avec votre question que c’est peut-être important du point de vue des étrangers », a répondu à l’AFP M. Kusano.

– Bout du tunnel –

Le Comité international Olympique (CIO) indique que la réflexion continue.

« Les menus et fournisseurs pour le village olympique sont en cours de discussions et rien n’est décidé. Comme pour les précédents jeux, le CIO travaille avec le Comité d’organisation et des nutritionnistes internationaux pour proposer des nourritures variées répondant aux différents besoins diététiques et culturels », se contente de répondre un porte-parole du CIO.

« L’une de nos stratégies est de soutenir la reconstruction de la région en achetant ses produits alimentaires. Nous envisageons donc sérieusement de le faire », a de son côté indiqué le comité Tokyo 2020, arguant que « le Japon a adopté un système de contrôle plus prudent encore que les normes internationales ».

En attendant que quelqu’un décide officiellement quelque chose, les agriculteurs et pêcheurs de la région patientent tant bien que mal.

Certains, comme le cultivateur de poires japonaises « nashi » Tomio Kusano à Iwaki, après 8 ans et demi, voient le bout du tunnel: sa production se vend bien au Japon, et le Vietnam lui en achète.

Mais les pêcheurs de la même région, eux, souffrent encore, faute d’avoir reconstitué leurs forces d’autrefois (main-d’oeuvre, matériel): « ils ne sont pas assez nombreux et les quantités de poissons prises ne représentent encore que 15% du total d’avant l’accident », indique Kyoichi Kamiyama, directeur du département radioactivité du Centre de recherche de la pêche et des milieux marins de la préfecture de Fukushima.

Fukushima accusé de dissimulation

Posted by Dacid Rolet In Last Modified

Fukushima accusé de dissimulation sur une eau « contaminée » devant être déversée dans le Pacifique

«Le déplacement de matières nucléaires comporte toujours des risques, mais aux fins d’une analyse indépendante, cela serait justifié», a-t-il déclaré. «TEPCO a perdu confiance dans la société japonaise, ainsi que dans la communauté internationale, y compris en Corée du Sud, et fournir des échantillons à analyser servirait au mieux leurs intérêts, à moins qu’ils ne dissimulent quelque chose.

«L’efficacité de la technologie de Tepco (…) soulève de nombreuses questions. Par conséquent, fournir des échantillons permettant de vérifier leurs rapports de contenu permettrait de démontrer leur engagement en matière de transparence», a ajouté M. Burnie.

«Cela ne dissipera pas les doutes qu’ils cachent des problèmes majeurs sur le site – mais cela améliorerait la situation actuelle».

Hideyuki Ban, co-directeur de Cnic, a déclaré: « Il faudrait beaucoup de contrôles, car il y a beaucoup d’eau, mais pour le moment, le monde extérieur est persuadé qu’ils essaient de dissimuler quelque chose – ont une longue tradition en la matière – et il serait dans leur intérêt de faire preuve de transparence à cet égard.

« Si ce n’est pas le cas, comment pourront-ils retrouver la confiance du public qu’ils ont complètement perdue depuis l’accident? », A déclaré M. Ban.

Japon : l’arrêt du nucléaire…

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
EFFET COLLATÉRAL

Energie : l’arrêt du nucléaire au Japon responsable de beaucoup plus de morts que la catastrophe de Fukushima

 
 

Atlantico : Suite au désastre de Fukushima survenu en 2011, le gouvernement japonais a mis à l’arrêt total, par principe de précaution, les usines nucléaires dans tout le pays. Cela a entraîné une hausse du prix de l’électricité et depuis cette annonce, 4800 personnes seraient mortes de froid selon le NBER (Bureau National d’Etudes Economiques). Comment une telle chose peut-elle se produire  ?

Tristan Kamin : L’accident de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi à conduit le Japon à très rapidement arrêter la totalité de son parc nucléaire (47 GW en 2011, à comparer à 58 GW en France) pour y faire un large audit de la sûreté qui conduira à la fermeture de plusieurs réacteurs et de lourds travaux sur les autres, et mener une réforme de son organisation de la sûreté nucléaire. Ainsi, d’une production de 292 milliards de kilowattheures d’électricité nucléaire en 2010, le Japon est tombé à 163 milliards de kWh en 2011 et 0 en 2014.

 

Cette production électrique qui n’était plus assurée par le nucléaire a été compensée par des efforts d’économie d’énergie et surtout par un fort transfert de la production vers les énergies fossiles : gaz, charbon et, temporairement, fioul.

Outre les impacts environnementaux et sanitaires de ces sources d’énergie, ce transfert a eu pour effet de faire significativement monter les coûts de l’électricité pour les Japonais, ces sources d’énergie étant onéreuses (a fortiori pour un pays qui doit les importer essentiellement par voie maritime).

Cette hausse importante du prix de l’électricité à conduit certains foyers précaires à compenser par une baisse du chauffage. Et, hiver après hiver, ces familles se sont exposées malgré elles aux dangers pour la santé, notamment des plus fragiles, du froid.

Appliquer à ce scénario une relation déterminée par ailleurs entre accès au chauffage et morbidité et mortalité nous mène à cet impressionnante estimation de 4 800 victimes de la sortie brutale du nucléaire au Japon.

Un nombre sans commune mesure avec celui des victimes des retombées radioactives, que les estimations les plus pénalisantes chiffrent à une grosse centaine, et que les estimations qui ambitionnent d’être plus précises aboutissent à des nombres trop faibles pour sortir de leurs propres marges d’incertitude.

Et un nombre qui n’inclut pas les victimes de la pollution de ces centrales à fioul et charbon qui ont pris le relais du parc nucléaire.

N’est-ce pas un exemple de l’importance des sciences pour estimer les conséquences d’une politique prise sur une intuition morale naïve ?

Je dirais plutôt que c’est un exemple de la limitation du bien-fondé du « Principe de précaution ». L’arrêt du nucléaire au Japon a été décidé au nom du principe de précaution alors que trois réacteurs étaient en fusion. Il n’est pas question pour moi de juger les choix qui ont alors été faits depuis mon fauteuil, 8 ans plus tard et 9000 km plus loin. Mais s’il fallait en tirer une leçon à garder en tête pour la déplaisante éventualité d’un nouveau scénario de ce genre dans le futur, pour moi, la leçon serait la suivante : le principe de précaution n’est pas absolu. En s’arrêtant au danger et en essayant résolument de le supprimer, on peut passer à côté d’effets secondaires présentant une nuisance potentiellement plus grande.

Il serait de bon ton à mon avis de troquer, lorsque c’est possible, le principe de précaution contre la recherche d’un rapport bénéfice/risque aussi optimal que possible (et c’est ici que la démarche scientifique que vous évoquez prend toute son importance). Le principe de précaution ne devrait s’appliquer que lorsqu’il est impossible de dégager un bon compromis bénéfice/risque.

D’ailleurs, tel qu’écrit dans la loi française, le principe de précaution vise « à la mise en œuvre de procédures d’évaluation des risques et à l’adoption de mesures provisoires et proportionnées afin de parer à la réalisation du dommage ». L’évaluation des risques et la proportion sont des notions souvent oubliées dans le débat public, où l’on entend trop souvent la revendication « interdire » ou « sortir de » indépendamment des externalités (les « effets secondaires » que j’évoquais plus avant) et comme réponse radicale quel que soit l’enjeu.

Le Japon doit-il faire marche arrière ? Quelles autres solutions s’offrent à lui ?

Il ne fera pas marche arrière sur les vies déjà perdues, hélas. Toutefois, sur l’évolution de son mix électrique, il a immédiatement enclenché une marche arrière et une marche avant en même temps, sans que les deux ne soient contradictoires.

La marche arrière consiste en une volonté forte, et ce depuis 2011, de remettre en service une partie importante du parc nucléaire (environ les deux tiers) pour se substituer au moins partiellement aux énergies fossiles qui amputent la balance commerciale du pays en plus de la santé de ses habitants.

La marche avant consiste en un effort notable de réduction de la consommation d’électricité (la consommation par habitant a baissé de 8% entre 2010 et 2018) et surtout un gros investissement dans l’électricité d’origine solaire. Ces efforts conjugués ont permis de ramener la production d’électricité à base de fioul à un niveau inférieur à celui de l’avant-Fukushima, de contenir la hausse de la consommation de charbon, et de ramener à la baisse celle de gaz.

Ses meilleures options à présent consistent à accélérer : à court et moyen terme, produire de l’électricité d’origine renouvelable autant que possible compte tenu des conditions d’acceptation, d’espaces disponibles, de stabilité du réseau compte tenu de l’intermittence, de coût… Et à moyen et long terme, continuer le travail de modernisation de son nucléaire, aussi bien des infrastructures que du volet organisationnel.

Un gigawatt de panneaux solaires construits, c’est un gigawatt de charbon qui tournera parfois à puissance réduite.

Tandis qu’un gigawatt de nucléaire construit ou remis en service, c’est un gigawatt de charbon que l’on peut fermer : l’effet est différé (compte tenu des délais du nucléaire) mais bien plus radical.

Fukushima: Un avenir plus “vert”

Un avenir plus “vert” pour les zones abandonnées de Fukushima

 

Le Japon devrait prochainement lancer un projet visant à équiper certaines zones abandonnées de la préfecture de Fukushima, au nord-est du Japon, en parcs solaires et éoliens.

Le 11 mars 2011, tout le monde s’en souvient. Un tremblement de terre de magnitude 9 frappait la côte est du Japon, entraînant la formation d’un tsunami qui déferla ensuite sur la ville de Fukushima. La centrale nucléaire n’a pas tenu, et trois réacteurs sont entrés en fusion. La décontamination du site est toujours en cours. Elle devrait encore se poursuivre pendant plusieurs années (voire plus).

Autour du site, plusieurs milliers d’hectares de terres ont été abandonnés à cause des radiations. Au cours de ces dernières années, des projets ont été proposés dans le but de les transformer en zones productrices d’énergies renouvelables. Mais les investissements n’ont pas suivi… Jusqu’à maintenant.

Centrales solaires et éoliennes

En effet, la Banque de développement du Japon et la Mizuho Bank, propriété du gouvernement, se sont récemment entendues pour le déblocage prochain de 300 milliards de yens (environ 2,5 millions d’euros), dans le but de construire 11 centrales solaires et de 10 parcs éoliens dans la région à l’horizon 2024.

Une fois opérationnel, ce projet d’envergure pourra produire environ 600 mégawatts l’électricité, soit l’équivalent des deux tiers d’une centrale nucléaire. Cette énergie produite sera ensuite renvoyée dans la région métropolitaine de Tokyo.

Pour le moment les combustibles fossiles restent la plus grande source d’énergie au Japon, mais le secteur des énergies renouvelables prend de plus en plus de place. Il représente aujourd’hui environ 17 % de sa consommation totale d’énergie. À terme, le Japon ambitionne de produire les deux tiers de son électricité grâce aux énergies vertes d’ici 2030.

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La préfecture de Fukushima au Japon après le séisme et le tsunami du 11 mars 2011.
Crédits : US Navy

En attendant, la préfecture de Fukushima porte encore sur les bras près d’un millier de réservoirs contenant plus d’un million de tonnes d’eau contaminée par des matières radioactives. Les responsables du site ne savent toujours pas quoi en faire. Récemment, ils ont annoncé leur intention d’en rejeter une grande partie dans le Pacifique.

Toute cette eau a déjà été nettoyée de 62 radionucléides (atomes qui ont un excès d’énergie nucléaire). En revanche, il reste du tritium – un isotope radioactif de l’hydrogène – qui ne peut être nettoyé avec le système actuel de décontamination. C’est pourquoi les autorités japonaises aimeraient le diluer dans l’océan. Une intention qui ne passe pas auprès des associations environnementales et de Séoul.

Fukushima en mode énergie renouvelable

Fukushima passe à l’énergie renouvelable, le Japon revient au nucléaire

D’ici 2024 11 centrales solaires et 10 éoliennes doivent être construites sur les territoires abandonnés à proximité de la centrale de Fukushima Daiichi

Fukushima vu du ciel

Les territoires contaminés de Fukushima pourraient à nouveau produire de l’électricité. Un projet de 2,75 milliards de dollars devrait voir le jour pour construire des installations d’énergie renouvelable sur le site abandonné de Fukushima. Tout un symbole.

La catastrophe de 2011

Le 11 mars 2011, un tsunami provoqué par un séisme de magnitude 9 avait inondé la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi. Ce tsunami avait endommagé le système de refroidissement de la centrale provoquant la fusion du cœur de 3 des 4 réacteurs de celle-ci.

Le monde se souvient de la catastrophe nucléaire, mais les 19 630 morts et 2 569 disparus, selon les chiffres de 2018, sont essentiellement dus au tsunami et au séisme. Le nombre de décès lié au nucléaire est, lui, sujet à débat.

Une seule victime liée à l’accident de la centrale a été officiellement reconnue. Une étude de Stanford évoque, quant à elle, 130 morts en lien direct avec les retombées radioactives. Les victimes de cancers de la thyroïde liés à la radioactivité restent difficiles à estimer.

Autour de la centrale de Fukushima, nichée contre le Pacifique, au moins 70 000 personnes ont été évacuées dans un périmètre de 20 km. Trois zones ont été mises en place selon leur degré de dangerosité. La zone verte est considérée comme habitable, une zone orange doit être habitable à terme et enfin la zone rouge où il est interdit de résider.

En 2017 le vidéaste Tev – Ici Japon a tourné et publié sur YouTube un reportage au sein de la zone interdite autour de la centrale de Fukushima Daiichi.

Une seconde vie pour la zone interdite

Pour redonner vie aux zones abandonnées, 11 centrales d’énergies solaire et 10 éoliennes vont être construites d’ici à 2024. L’ensemble devrait produire 600 mégawatts, un chiffre très inférieur au 4700 mégawatts que pouvaient produire les réacteurs de Fukushima Daiichi.

Les installations vont coûter environ 2,75 millions de dollars. Elles doivent être financées d’une part par un acteur public, la Banque de développement et d’investissement du Japon, et d’autre part par un acteur privé, la Mizuho Bank.

La préfecture de Fukushima est devenue, à la suite de la catastrophe, un territoire moteur en ce qui concerne les énergies renouvelables sur l’archipel. En 2014 L’Institut national des sciences et technologies industrielles avancées du Japon y a ouvert un centre de développement pour les énergies renouvelables.

La même année la préfecture s’est fixé comme objectif de satisfaire 100% de ses besoins énergétiques en énergie renouvelable d’ici 2040. En 2017 la région produisait 60% de l’énergie qu’elle consommait, 28% provenant d’énergie renouvelable.

La part de renouvelable est bien plus importante à Fukushima que dans le mix énergétique du Japon dans son ensemble où il atteint 17% du total. En 2018, parmi les dix principaux producteurs d’énergie, le Japon est le troisième pays producteur d’électricité grâce au photovoltaïque et dixième sur l’éolien. À titre de comparaison la France se classe respectivement à la huitième et septième place.

Le nucléaire reste une part importante dans le mix énergétique japonais. À la suite de la catastrophe, le pays avait stoppé l’ensemble de ses 54 réacteurs nucléaires. Elle avait incité plusieurs pays à se retirer progressivement du nucléaire, dont l’Allemagne.

À la suite de cette décision, le Japon avait dû importer du gaz et du charbon pour combler le manque d’énergie électrique. Face à la hausse des prix de l’électricité et à des considérations d’indépendance énergétique en 2012, deux réacteurs avaient été relancés la même année. À l’époque le gouvernement avait décidé l’abandon définitif de l’atome à l’horizon 2030-2040.

La sortie du nucléaire n’est plus d’actualité au Japon

Avec l’élection de Shinzo Abe au poste de Premier ministre fin 2012, la sortie du nucléaire a été mise de côté. Le nouveau gouvernement a décidé en juin 2018 d’atteindre 22% de nucléaire dans son mix énergétique d’ici à 2030, la part du nucléaire japonais à la veille de la catastrophe de 2011 était de 30%. À titre de comparaison, la France, le pays le plus nucléarisé au monde, dispose de 58 réacteurs nucléaires qui alimentent 71,6% des besoins en énergies de l’hexagone.

En mars 2019 9 réacteurs avaient déjà redémarré, 6 étaient en attente, 12 en train d’être expertisés, 9 en attente d’expertise et les 24 autres sont toujours à l’arrêt. Pour atteindre les 22% de part de nucléaire dans le mix énergétique japonais 30 réacteurs doivent être réactivés.

La décision du Japon, pourtant touché par la plus grande catastrophe nucléaire du XXIe siècle, illustre bien la difficulté pour les États de se passer de l’atome. À voir si les installations d’énergies renouvelables à Fukushima dépassent le simple cadre du symbole et s’imposent réellement comme la source d’énergie de demain sur l’archipel.

Tenzo: de Katsuya Tomita

Tenzo : une plongée documentaire singulière signée Katsuya Tomita

Tenzo : une plongée documentaire singulière signée Katsuya Tomita

14 NOVEMBRE 2019 | PAR BÉNÉDICTE GATTÈRE
 

Entre l’intemporalité des préceptes zen et l’actualité des catastrophes naturelles ou nucléaires comme Fukushima, Katsuya Tomita s’attache à décrire son Japon natal, caméra au poing. Avec « Tenzo », il donne à voir la vie de deux jeunes bonzes, dans leur quotidien.  

 

À l’origine du film, un court-métrage que le cinéaste devait réaliser pour l’école de Sôtô à l’occasion d’une manifestation réunissant tous les courants bouddhiques de par le monde. Second groupe religieux du Japon en termes d’adeptes, l’école a finalement collecté assez de fonds pour la réalisation d’un long-métrage. Ce sont surtout les rushes d’un dialogue entre Chiken, l’un des deux personnages principaux et la nonne zen Aoyama Shunto qui ont motivé Tomita à en faire un film d’une heure. En effet, ces échanges, éclairés par la profonde sagesse de Maître Shunto, sont des moments auxquels le spectateur se sent privilégié d’assister. Dépassant les assignations sociales de tous ordres, notamment en tant que femme japonaise, la vénérable dame parle avec beaucoup de liberté et d’acuité de sa compréhension des préceptes du zen (courant du bouddhisme qui s’appuie sur la méditation zazen et qui s’est développé au Japon au XIIème siècle sous l’impulsion du moine D?gen). Ainsi, elle fait à demi-mots une critique du végétarisme à tout crin, et de la « slow food » qu’enseigne le jeune moine au travers de ses cours, mais toujours tout en mesure et en douceur…

Dans son premier film, Above the clouds, réalisé en 2003, Katsuya Tomita choisissait déjà de s’intéresser aux moines zen au travers de la figure de son cousin. Dans Tenzo, environ quinze ans plus tard, on retrouve donc Chiken (alias Tenzo), devenu père de famille. Au bout du fil pour une ligne de personnes en détresse psychique toute la nuit, il admet cependant à sa femme ne pas avoir toujours le temps de s’occuper de leur petit garçon. Toutefois, c’est bien sa préoccupation face aux allergies à répétition de son jeune fils qui l’ont poussé à enseigner à tout un chacun les règles d’or d’une cuisine plus saine, suivant la cuisine adoptée dans les temples zen. Tout comme son acolyte, Ryûgyô, qui dirigeait le temple de Fukushima devenu ouvrier de chantier après la catastrophe, tout moine qu’il soit, il reste un homme rempli de paradoxes.

En s’attardant sur des moments intimes ou triviaux, Tomita nous montre ces deux hommes de quarante ans environ sans gommer les moments où affleurent leurs failles, leurs doutes, et même leurs moments de franc désarroi. Tenzo, malgré son aspect documentaire, est une fiction, dans laquelle les personnages et les dialogues (mis à part l’entretien avec Aoyama Shunto) sont écrits. Tomita a donc fait le choix de réaliser deux portraits de moines non idéalisés. De ce fait, le spectateur comprend bien les difficultés de vivre une spiritualité au quotidien. Car voici la particularité de Tenzo, qui n’est pas un énième film sur le courant zen, c’est qu’il s’éloigne de la solennité des temples pour nous faire voir des moines qui ont choisi de quitter le monde régulier pour le monde séculier. Comme l’explique très bien la nonne Shunto,  sous le shogunat, la charge régulière devint héréditaire, – du moins pour les moines, les nonnes gardant une certaine liberté et ainsi, selon Shunto, restant au plus près de l’esprit du zen, qui a su rester plus vivant grâce à ces femmes. Affaiblissant de cette manière leur influence, le pouvoir en place avait mis en œuvre cette réforme afin de réduire le champ d’action des moines. Aujourd’hui néanmoins, sollicités par les Japonais de tout âge, genre ou milieu social, ils semblent avoir un rôle à jouer dans la société. Lui-même chauffeur routier avant de pouvoir devenir cinéaste à temps plein, Katsuya Tomita nous montre avec son dernier film que l’on peut conjuguer diverses activités tout en ne perdant pas de vue un but plus élevé. Une belle leçon de vie en somme, qui nous rappelle l’humilité dont il faut faire preuve pour agir au quotidien, une éthique que prône l’école zen.

Tenzo de Katsuya Tomita
Japon / 2019 / 60 min
58ème Semaine de la critique Cannes 2019

Sortie en salles le 27 novembre 2019.

Visuel : © affiche originaleTenzoT

Fukushima : hausse des prix… …dix fois plus de morts…

Fukushima : la hausse des prix de l’électricité a causé 10 fois plus de morts que l’accident lui-même

Céline Deluzarche – Journaliste

En 2011, le Japon a instauré un moratoire complet sur toutes les centrales nucléaires du pays. En conséquence, les prix de l’électricité ont tellement augmenté que de nombreuses personnes ont renoncé à se chauffer, ce qui a entraîné une surmortalité de 1.280 personnes, soit dix fois le nombre de décès attribuables aux radiations. C’est le constat d’une nouvelle étude mettant en cause le principe de précaution appliqué de manière excessive.

Le 11 mars 2011, un tremblement de terre de magnitude 9 suivi d’un tsunamidévaste le Japon, causant la mort de 18.500 personnes et l’évacuation de 160.000 autres. À la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, dont le système de refroidissement est mis hors-service, trois des six réacteurs voient leur cœur entrer en fusion, entraînant une explosion et des rejets radioactifs dans l’atmosphère. Classé comme la plus grave catastrophe nucléaire du XXIe siècle, cet accident n’a pourtant officiellement causé la mort que d’une seule personne par exposition trop forte aux radiations, celle d’un employé de la centrale atteint par un cancer du poumon. Une étude de l’université de Stanford estime cependant que 130 décès peuvent être attribués à l’exposition directe aux radiations ou à l’ingestion de nourriture contaminée.

Jusqu’à 4.500 personnes mortes de froid en raison de l’augmentation des prix de l’électricité

Mais ce n’est là que la partie immergée de l’iceberg. Trois chercheurs viennent de publier une étude dans le journal du NBER (Bureau national d’études économiques) accusant le principe de précaution d’avoir tué 1.280 personnes « mortes de froid » suite à l’augmentation des prix de l’électricité ayant suivi l’arrêt total des centrales nucléaires dans le pays. Dans les 14 mois après l’accident, la part du nucléaire dans la production électrique du Japon est ainsi passée de 30 % à zéro, obligeant le pays à massivement importer son électricité sous forme de gazet de charbon. Cela a entraîné une hausse moyenne des prix de l’électricité allant jusqu’à 38 % dans certaines régions, conduisant à une réduction de consommation électrique, particulièrement dans la période hivernale. Les personnes fragilisées ont tout simplement renoncé à se chauffer.

1.280 personnes sont mortes de froid au Japon durant les quatre années après l’accident de Fukushima à cause de l’augmentation des prix de l’électricité. © Pantira, Adobe Stock1.280 personnes sont mortes de froid au Japon durant les quatre années après l’accident de Fukushima à cause de l’augmentation des prix de l’électricité. © Pantira, Adobe Stock 

 

Un quart des décès dus au froid serait ainsi attribuable à la hausse des prix, soit 1.280 décès pour la période 2011-2014, d’après les calculs des chercheurs. Et encore, ces 1.280 morts ne représentent que les 21 municipalités étudiées dans l’article, soit 28 % de la population. En extrapolant à l’ensemble du Japon, le chiffre pourrait atteindre 4.500 morts. Et les effets sont loin d’être finis, les conséquences de la hausse des prix continuant à se faire sentir, avertissent les auteurs.

Les prix de l’électricité ont augmenté jusqu’à 38 % dans certaines régions suite à l’accident du Fukushima et l’arrêt des centrales nucléaires. © Matthew J. Neidell, Shinsuke Uchida, Marcella Veronesi, NBER, 2019Les prix de l’électricité ont augmenté jusqu’à 38 % dans certaines régions suite à l’accident du Fukushima et l’arrêt des centrales nucléaires.                     © Matthew J. Neidell, Shinsuke Uchida, Marcella Veronesi, NBER, 2019 

Évacuations et qualité de l’air : encore plus de morts indirectes ?

À ces 1.280 morts viennent s’ajouter les 2.268 décès « indirects » officiellement attribués à l’évacuation autour de la centrale ayant suivi l’accident. Ces décès, qui concernent à 90 % des plus de 66 ans, comprennent notamment « le stress physique et mental » de l’habitation prolongée dans des refuges, un défaut de soin lié à la fermeture des hôpitaux et les suicides. D’autres décès indirects de l’arrêt du nucléaire pourraient venir de la hausse spectaculaire de la consommation des énergies fossiles dans le pays, avec une dégradation de la qualité de l’air. Une étude parue dans Nature Energy en 2017 montre ainsi que l’arrêt de la centrale nucléaire de Three Mile Island aux États-unis en 1979 a entraîné une surmortalité infantile dans les années 1980 en raison d’une augmentation de la pollution aux particules fines due à la substitution d’une centrale à charbon pour la production électrique.

« Tout cela suggère que l’arrêt de la production d’énergie nucléaire a contribué à plus de décès que l’accident lui-même […], ce qui donne à penser que l’application du principe de précaution a causé plus de tort que de bien, concluent les chercheurs. Le principe de précaution met l’accent sur les évènements saillants en envisageant le pire des scénarios et, ce faisant, ignore les alternatives, encourageant la mise en place de politiques inefficaces. »

Ce qu’il faut retenir

  • Un seul mort dû aux radiations a été officiellement attribué à l’accident de la centrale de Fukushima, même si les estimations vont jusqu’à 130 décès.
  • En comparaison, dix fois plus de personnes seraient mortes de froid en raison de la hausse des prix de l’électricité due à l’arrêt du nucléaire dans le pays.
  • Les auteurs de l’étude fustigent le principe de précaution, qui amène selon eux à des politiques contre-productives.

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