"Rien n'est plus proche du Vrai ... que le Faux"

Jour : 7 avril 2021

La Hague et Fukushima :

7 avril 2021

La Hague et Fukushima : la question des quantités de tritium dans l’eau contaminée

La Hague et Fukushima : la question des quantités de tritium dans l’eau contaminée

Quelle est la quantité de tritium (1) dans les réservoirs de Fukushima ?

– L’activité était de 817 TBq de tritium (3) le 30/3/2013   (1 Térabecquerel = 1000 milliards de Becquerels ; 1 Bq c’est une désintégration par seconde) (2).
– Elle était de 760 TBq le 24/03/2016 (4)
– Elle était de 869  TBq le 12 mars 2020 (5)


Environ deux grammes de tritium à Fukushima sont à l’origine de cette activité, ces deux grammes sont dilués dans un million de m3, mais la dangerosité de ce produit est très sous-évaluée ! 
En effet, 869 000 milliards divisé par un milliard de litres, ça fait quand-même 869 000 Becquerels par litre !
Pourquoi cette diminution entre 2013 et 2016 ? Le chiffre de 2013 vient du ministère de l’Industrie japonais, et il totalise les apports annuels depuis 2011. Mais la « demi-vie » du tritium est de 12 ans, et donc le « stock » diminue petit à petit, les becquerels du début ont maintenant presque diminué de moitié, ce total est surévalué. 
En plus, depuis 2014, ils remplissent nettement moins de réservoirs qu’au début.
Et aujourd’hui ? En prolongeant la courbe, le total actuel (fin mars 2021) ne devrait pas dépasser 900 Tbq.

À la Hague, le maximum du rejet autorisé de tritium dans l’eau est de 18 500 TBq / an, et le maximum de rejet autorisé de tritium gazeux est de 150 TBq/an (record de 71,6 TBq de rejet dans l’air en 2017, voir la très intéressante note sur le tritium (6).
Cependant, nous devons tenir compte du rejet liquide réel annuel qui était de 13 200 TBq en 2019.
 

Source : Rapport d’information du site de la Hague, Orano, 2019 (8)

Nous pouvons supposer que le rejet réel en 2020/2021 soit de l’ordre de 13 000 TBq/an.
Le calcul de la durée qu’il faudrait pour rejeter l’équivalent des eaux contaminées de Fukushima donne donc (900/13000)*365.25 = 25.3 jours, soit un peu moins d’un mois, c’est-à-dire qu’en un an, la Hague déverse dans la Manche au moins douze fois autant de tritium que tout ce qui se trouve dans les réservoirs de Fukushima !
Dans le cas du maximum autorisé, cela donnerait (900/18500)*365 = 17,8 jours.

Dans tous les cas, le rejet annuel de tritium « liquide » à la Hague est bien plus élevé que tout ce qui se trouve dans les réservoirs de Fukushima (10) !

 

Philippe Looze

Nous remercions l’ACRO pour sa collaboration.



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(1) Dossier sur le tritium : http://tinyurl.com/jjaenhf

(2) Dossier sur la radioactivité : http://tinyurl.com/z4f9gcb

(3) Document en japonais du METI (Ministère de l’Industrie) : http://www.meti.go.jp/earthquake/nuclear/pdf/140115/140115_01c.pdf  (15/01/2014)
Voir le graphique à la page 15. Pour la traduction, utilisez https://www.deepl.com/translator
Ce lien a été trouvé dans ce rapport :
http://fukushima-diary.com/2014/02/total-tritium-in-contaminated-water-increasing-by-330-trillion-bq-per-year-beyond-discharge-able-amount/

(4) Katsumi Shozugawa et alii, “Landside tritium leakage over through years from Fukushima Dai-ichi nuclear plant and relationship between countermeasures and contaminated water”    https://www.nature.com/articles/s41598-020-76964-9

(5) https://www.tepco.co.jp/en/decommission/progress/watertreatment/images/200324.pdf

(6) Note de la Criirad : « France / Contamination en tritium dans l’environnement – Une pollution qui ne doit pas être banalisée » : https://www.criirad.org/actualites/dossier2019/Note_CRIIRAD_tritium.pdf
Dans ce document on parle aussi des rejets de tritium dans l’air qui ne sont pas du tout négligeables en France !

(7) https://fr.wikipedia.org/wiki/Tritium_dans_l%27environnement

(8) Rapport d’information du site de La Hague, Orano, 2019 : https://www.orano.group/docs/default-source/orano-doc/groupe/publications-reference/rapport-tsn-la-hague-2019.pdf (pages 54 & 55)

(9) Pour plus  de détails au sujet des rejets de divers autres radionucléides, voir les travaux du Groupe Radio Écologie Nord-Cotentin qui datent des années 90. Pour les incidents à la Hague, lire à partir de la page 186 du volume 1 : http://www.gep-nucleaire.org/norcot/gepnc/sections/travauxgep

(10) Nous ne comparons que les quantités de tritium. Il y a bien d’autres éléments radioactifs dans les rejets de l’usine de La Hague et dans les cuves d’eau contaminée de Fukushima. Pour ce qui concerne La Hague, les autres radionucléides sont les iodes, le carbone 14, le strontium 90, les césiums 134 et 137, le ruthénium 106, le cobalt 60 et plus de 60 autres émetteurs alpha, bêta et gamma (même source que la note 9, tableaux 8-1 à 8-5 p. 21 à 25 du volume 1).

 

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Illustration d’entête : sources Francetvinfo, Greenpeace et L’Est Républicain

Fukushima et les Jeux Olympiques de Tokyo

Fukushima et les Jeux Olympiques de Tokyo

Décrypter le mécanisme de l’escamotage d’une catastrophe nucléaire

La tenue des Jeux Olympiques de Tokyo 2020 a été conçue dès l’origine comme une grande opération de diversion pour détourner le regard de la population japonaise, mais aussi de l’opinion publique internationale, de la réalité des accidents nucléaires de Fukushima. Passons sur le propos notoire de Abe Shinzô, le Premier Ministre de l’époque, assurant en septembre 2013 que la situation à Fukushima était “parfaitement sous contrôle“. Intéressons-nous plutôt à la structure générale d’une stratégie de communication dont ce mensonge n’était qu’un coup d’envoi.

À cette date, la majorité de la population n’était pas prête à soutenir l’initiative de tenir sept ans plus tard une fête sportive aussi gigantesque dans la capitale japonaise, située à 200 kilomètres de la région irrémédiablement dévastée et contaminée. Mais une fois Tokyo élue ville d’accueil, s’est répandue une paralogie selon laquelle puisqu’il fallait maintenant préparer les Jeux, les dégâts causés par les accidents ne devraient pas être aussi sérieux qu’on le croyait.

Cette stratégie de communication s’organise selon trois axes. D’abord la fabrication de l’“image“. Il s’agit d’imposer autoritairement un ordre du jour, permettant la construction d’une “façade“ présentable devant le public national et international alors que la vie collective est en danger. Ainsi, la décontamination se fait prioritairement sur les autoroutes et autour des gares ferroviaires au détriment des quartiers résidentiels. Et comme il est impossible de décontaminer les forêts, on n’en parle pas. De même, on passe sous silence les difficultés de plusieurs dizaines de milliers de personnes survivantes, dans des habitations provisoires à Fukushima, ou bien en exil sans l’espoir de retour.

Le second axe de la stratégie des pro-nucléaires de reconquérir la légitimité perdue est l’appropriation de la thématique de l’énergie renouvelable. Les Jeux Olympiques sont présentés comme une occasion rêvée pour la mise en place de cette industrie. Par exemple avec la construction d’un grand laboratoire de production d’hydrogène à Namie, la commune voisine de la centrale. Toute l’électricité que nécessitent les JO est censée être fournie par cette usine expérimentale. Ainsi, l’olympisme contribuerait à un développement soutenable, et l’exploitation d’une nouvelle énergie ne serait pas incompatible avec la poursuite du nucléaire. D’une pierre deux coups.

Il va sans dire que ce type de “lavage vert“ va de pair, comme le troisième axe, avec des “lavages sportifs“. Concrètement, il est proposé de servir aux olympiens des plats cuisinés avec des produits de Fukushima pour signifier qu’il n’y a plus de danger et que le Japon est venu à bout de la catastrophe. (sic)

Le point culminant de toute cette mascarade aurait dû être le départ, en mars dernier, du relais de la torche olympique au J-Village, le centre d’entraînement de football offert par TEPCO avant les accidents pour amadouer la population locale. Pourtant le terrain reste fortement contaminé. Peu importe, les téléspectateurs se ficheront de ce que l’écran ne leur montre pas, et puis, le prestige de la torche est jugé suffisamment éblouissant pour effacer de leur esprit tous les soucis liés à la menace de la radioactivité.

Ce scénario a été interrompu par la pandémie. Mais la donne ne changera pas tant que le CIO, la ville de Tokyo et le gouvernement japonais ne renonceront pas aux Jeux. Voilà pourquoi il incombe au mouvement de résistance aux JO de Tokyo de décrypter et de dénoncer ce mécanisme de l’escamotage de la catastrophe par le moyen du sport et du culte olympique, et, espérons-le, de le démanteler.

Satoshi Ukai

Un des initiateurs du mouvement anti-JO de Tokyo

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