"Rien n'est plus proche du Vrai ... que le Faux"

Catégorie : Japon 2018

Fukushima : « Une catastrophe nucléaire peut créer l’apocalypse

Fukushima : « Une catastrophe nucléaire peut créer l’apocalypse dans la moitié d’un pays », prévient l’ex-Premier ministre japonais

Naoto Kan, l’ancien Premier ministre japonais qui avait géré la catastrophe de Fukushima en 2011 a indiqué lundi sur franceinfo que « l’erreur humaine est possible n’importe où ».

Naoto Kan, Premier minisitre du Japon de 2010 à 2011, sur franceinfo le 12 mars 2018.Naoto Kan, Premier minisitre du Japon de 2010 à 2011, sur franceinfo le 12 mars 2018. (RADIO FRANCE)

Sept ans après la catastrophe nucléaire de Fukushima, le 11 mars 2011, l’ancien Premier ministre du Japon alors en poste, est en déplacement lundi 12 mars en France. Naoto Kan entame une tournée qui passera de l’Assemblée nationale, à Flamanville (Manche), jusqu’au Parlement européen. Devenu fervent militant anti-nucléaire, l’ex-chef du gouvernement japonais est revenu lundi sur cette catastrophe sur franceinfo.

franceinfo : Malgré la catastrophe, le Japon est-il passé près du pire ?

Naoto Kan : Si la radioactivité avait continué à s’étendre, si on n’avait pas pu contrôler certains éléments, on aurait dû évacuer une zone de 250 kilomètres autour de Fukushima. La population de Tokyo aurait dû être évacué pendant une période de 30 à 50 ans. Grâce à beaucoup de petits coups de chance, au vent, aux efforts des employés de la centrale et des pompiers, le drame a pu être évité. Si ce scénario du pire avait été réalisé, il aurait fallu évacuer 50 millions d’habitants, soit 40% de la population japonaise. Cela aurait été pire qu’en cas de défaite dans une grande guerre. L’apocalypse du Japon. Dans la mesure où on a évité cela, on peut dire qu’on a eu de la chance.

Quel regard portez-vous sur le nucléaire aujourd’hui ? Vous dites avoir fait un virage à 180 degrés, pourquoi ?

Jusqu’au 11 mars 2011, j’avais confiance en la technologie japonaise. Je pensais qu’il n’arriverait jamais au Japon une catastrophe comme Tchernobyl [en 1986 en Ukraine], que nos ingénieurs étaient tout à fait compétents et que la technologie était au point. Avec Fukushima, j’ai vu qu’une catastrophe nucléaire pouvait créer l’apocalypse dans la moitié d’un pays. Le jeu n’en vaut pas la chandelle. Il faut absolument changer notre politique énergétique, faire une transition énergétique, du jour au lendemain comme certains pays d’Europe. J’essaye de faire en sorte que le Japon change de voie. Des pays comme la France doivent également changer. Même d’un point de vue économique, la transition énergétique peut créer de l’emploi et de la richesse. C’est le moment ou jamais. Le risque est beaucoup trop grand, on ne peut plus prendre ce risque. Ce n’est pas possible.

Au Japon aussi on redémarre des réacteurs nucléaires ?

Actuellement il n’y a que cinq réacteurs sur 54 qui fonctionnent au Japon. La population japonaise est vraiment contre les centrales, il y a des mouvements, des procès, des collectivités locales qui freinent par tous les moyens possibles. Dans les sept ans suivant l’accident de Fukushima, peu de centrales ont fonctionné et pourtant l’économie est prospère. C’est la preuve qu’on n’a pas besoin des centrales. Un pays peut se porter très bien sans nucléaire. Le Premier ministre Shinzo Abe n’en a relancé que cinq, il a du mal à en relancer plus, et il n’y arrivera pas.

En France nous avons 58 réacteurs, mais avec moins de risques de tsunami et de séisme qu’au Japon. Pensez-vous que nous courons tout de même un risque ?

Il y a eu des accidents comme Tchernobyl ou Three Mile Island [en 1974 aux États-Unis], et c’était des erreurs humaine. L’erreur humaine est possible n’importe où. La question n’est pas de savoir si on risque un accident de tel ou tel type. Le risque est beaucoup trop grand pour être pris, les conséquences sont beaucoup trop grandes. Quand une centrale explose, c’est trop tard, trop grand. On a les énergies renouvelables pour remplacer le nucléaire. On va dans le sens de l’histoire en les adoptant. Je suis très optimiste pour l’avenir.

Japon : Fukushima, sept ans..

Japon : Fukushima, sept ans après la catastrophe

Il y a sept ans au Japon, un puissant tremblement de terre suivi d’un tsunami provoquait la catastrophe nucléaire de Fukushima. Tous les 11 mars, le pays se fige pour honorer ses plus de 20 000 morts

14h46 ce dimanche, comme tous les ans à cette heure, la vie s’arrête au Japon. En mémoire des milliers de personnes disparues au cours d’une des plus grandes catastrophes qu’aie connue le pays. Il y a sept ans, un séisme de 9 sur l’échelle de Richter provoque un puissant tsunami. La côte nord-est du Japon est balayée par des vagues géantes. Plus de 20 000 personnes périssent noyées. La centrale nucléaire de Fukushima, construite en bord de mer, ne résiste pas. Ses réacteurs entrent en fusion.

Les mesures de Tepco contestées

160 000 personnes sont évacuées pour fuir les radiations. Les déplacés peinent à rentrer en dépit de la levée des interdictions. Dans la centrale, les travaux de décontamination continuent. Pour empêcher l’écoulement d’eau irradiée, l’exploitant Tepco a construit un mur de terre gelée. Le dispositif est contesté, tout comme l’édification d’un mur de 12,5 m de haut en bordure de littoral. Un mur à 13 milliards de dollars qui ne permet pas de panser les plaies de cette région meurtrie.

Les fantômes du Tsunami

Retours à Fukushima, sept ans après

Deux ouvrages racontent la « grande catastrophe » qu’a connue le Japon en 2011. L’un décrit l’apocalypse à travers le regard de survivants, l’autre livre le témoignage du dirigeant de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi.

LE MONDE | | Par Pierre Le Hir

Livres. Le 11 mars, le Japon a commémoré le septième anniversaire de la « grande catastrophe » de 2011. Une double catastrophe comme on le sait. D’abord, le séisme de magnitude 9, le plus violent jamais mesuré dans l’Archipel, suivi d’un tsunami – une vague culminant à trente-six mètres de hauteur –, qui dévastèrent la côte est de l’île de Honshu, faisant, selon le dernier bilan officiel, 18 500 morts et disparus. Ensuite, l’accident, le plus grave de l’histoire de l’atome civil après celui de Tchernobyl en 1986, qui mit en pièces la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi, où les cœurs de trois réacteurs entrèrent en fusion, recrachant des nuages de particules radioactives qui ont contaminé la région pour des décennies.

Deux ouvrages, en librairie le 7 mars, nous ramènent aujourd’hui sur les lieux de la tragédie, le premier parmi les corps et les esprits broyés par le cataclysme, le second dans les entrailles de la centrale nucléaire en perdition. Deux livres d’une facture très différente mais qui, l’un et l’autre, plongent le lecteur dans l’effroi.

C’est à la première catastrophe, le « super-tsunami », « O-tsunami » en japonais, que s’attache le récit du journaliste Richard Lloyd Parry, correspondant du Times à Tokyo. Les Fantômes du tsunami, fruit de six ans d’enquête, a pour épicentre l’école primaire d’un village où périrent soixante-quatorze enfants et dix de leurs enseignants. Le matin de ce vendredi-là, ils avaient quitté leurs proches sur la formule rituelle « itte kimasu », « je pars et je reviendrai », et s’étaient vu répondre « itte rasshai », « pars pour revenir ». Aucun ne tint promesse, emporté par une déferlante en forme d’« animal affamé ».

Témoignages pudiques et réalisme cruMêlant témoignages intimes empreints de pudeur et descriptions d’un réalisme cru, l’auteur rapporte des scènes cauchemardesques. Un grand-père remuant la boue…

 

Fukushima catastrophe pas gérable

Fukushima 7 ans après : « C’est une catastrophe inédite qui par définition n’est pas gérable »

L’ingénieur en physique nucléaire, Bruno Chareyron, a reconnu dimanche sur franceinfo que les scientifiques sont démunis sept ans après la catastrophe de Fukushima au Japon.

La centrale nucléaire accidentée de Fukushima (Japon), le 11 mars 2018.La centrale nucléaire accidentée de Fukushima (Japon), le 11 mars 2018. (AFP)

Sept ans après le tsunami qui a provoqué l’une des plus graves catastrophes nucléaires de l’histoire à Fukushima au Japon, la situation est toujours critique« La catastrophe de Tchernobyl a montré une épidémie de cancers de la thyroïde chez les jeunes enfants », a rappelé dimanche 11 mars sur franceinfo, Bruno Chareyron, ingénieur en physique nucléaire, responsable du laboratoire de la commission de recherche et d’information indépendante sur la radioactivité (Criirad). « Au moment de Fukushima, ça n’a pas été intégré correctement, parce que la population japonaise, n’a pas bénéficié d’une distribution de pastilles d’iode pour protéger la thyroïde », a-t-il analysé. « Que ce soit d’un point de vue sanitaire, financier, environnemental, c’est vraiment une catastrophe inédite et qui par définition n’est pas gérable », a-t-il estimé.

franceinfo : De nouvelles techniques sont développées pour limiter les contaminations comme des murs de glace et des robots. Malgré ces progrès techniques, est-ce que les scientifiques sont démunis face à l’ampleur du problème à Fukushima ?

Bruno Chareyron : Bien sûr, les scientifiques sont démunis, tout le monde est démuni face à l’ampleur du problème. Il y a trois cœurs de réacteurs nucléaires qui ont fondu. C’est une situation totalement inédite. Il faut penser à l’enfer radioactif dans lequel évoluent les travailleurs à Fukushima et qui tentent en permanence de maîtriser la situation. Depuis le début de la catastrophe, on parle de 40 à 50 000 travailleurs qui évoluent sur ce site très radioactif. Il faut penser à eux, à leur santé, au stress qu’ils subissent en permanence. Il faut avoir à l’esprit les enjeux économiques. Un institut japonais a évalué à plus de 500 milliards de dollars le coût de cette catastrophe et c’est probablement un coût qui est sous-évalué. Que ce soit d’un point de vue sanitaire, financier, environnemental, c’est vraiment une catastrophe inédite et qui par définition n’est pas gérable.

A-t-on retenu les leçons depuis Tchernobyl, notamment au niveau des techniques mises en place pour combattre ce type de catastrophes ?

Les techniques et les savoirs ont évolué, mais malheureusement, on n’a pas tenu compte de ce qu’on a appris au moment de Tchernobyl. La catastrophe de Tchernobyl a montré une épidémie de cancers de la thyroïde chez les jeunes enfants. Au moment de Fukushima, ça n’a pas été intégré correctement, parce que la population japonaise, n’a pas bénéficié d’une distribution de pastilles d’iode pour protéger la thyroïde. Par ailleurs, l’eau est un vrai problème à Fukushima. Les matières hautement radioactives de ces trois cœurs de réacteurs qui ont fondu sont en contact avec les eaux souterraines. Tepco [l’opérateur japonais de la centrale accidentée de Fukushima], doit en permanence réinjecter de l’eau pour refroidir les réacteurs et cette eau rencontre l’eau des nappes phréatiques qui se contaminent. Tepco a accumulé plus d’un million de mètres cube d’eaux contaminées et personne ne sait comment les gérer à long terme. Actuellement, il y a une forte pression pour qu’une partie de ces eaux soient rejetée directement dans l’océan.

Quelles sont les conséquences de cette catastrophe au-delà du Japon ?

Les conséquences en termes de contamination radioactive. C’est ce que nous avons détecté en France avec le passage des masses d’air contaminées en 2011. Les conséquences les plus importantes, ce sont pour les personnes qui vivent encore dans les territoires contaminés et qui n’ont pas été évacuées ainsi que pour les personnes que le gouvernement japonais, en quelque sorte, force à revenir sur des zones qu’il n’est pas possible de décontaminer. Depuis le début de la catastrophe, le gouvernement japonais avec la complicité d’autres institutions internationales, essaie de minimiser l’ampleur de la catastrophe. C’est absolument inacceptable d’un point de vue éthique. Par rapport à la faune et à la flore, il y a des conséquences comme l’instabilité génomique, de petits mammifères qui vivent sur les sols contaminés, voient leur bagage génétique altéré, modifié et transmettent ensuite aux générations suivantes des anomalies génétiques. Au Japon, des études faites sur les singes, les oiseaux, les papillons, montrent des altérations, des difformités, des retards de croissance dans la région de Fukushima. Sur la faune, la flore, et sur l’homme, les conséquences de ce type de catastrophe nucléaire sont loin d’être complètement appréhendées.

Fukushima, affaire classée ?

Sept ans après : Fukushima, affaire classée ?

Sept ans après : Fukushima, affaire classée ?Sur le site de Fukushima, en janvier 2018. BEHROUZ MEHRI/AFP

Retour sur la catastrophe nucléaire qui a touché le Japon en 2011 à travers le témoignage du directeur de la centrale Fukushima Daiichi.

Sept années après l’accident de Fukushima (survenu le 11 mars 2011), tout ou presque a été dit sur ses causes. Pourtant, les conclusions des experts ne prêtent que peu d’attention au récit de Masao Yoshida, alors directeur de la centrale et décédé en 2013.

Qui sait quelles décisions il a dû prendre pour éviter le pire entre le 11 et le 15 mars 2011 ? Son témoignage, disponible en français, remet en cause à lui seul les fondements de la sûreté nucléaire.

Une catastrophe « Made in Japan »

L’accident a été rapidement qualifié par la communauté internationale et par les Japonais eux-mêmes comme un accident « Made in Japan » , dans le sens où il relève d’un double particularisme : les aléas naturels caractéristiques du Japon (les séismes et les tsunamis) et la culture nipponne dans sa collusion avérée, ou pas, entre les industriels et le pouvoir politique.

La gestion de l’accident, tout à la fois par l’industriel Tepco et par le gouvernement nippon, a été très durement jugée pour son inefficacité. De graves défaillances dans l’intervention des opérateurs, qui n’ont pu éviter la fusion des réacteurs et les explosions qui s’en sont suivies. Tout au plus reconnaît-on une certaine forme d’héroïsme des acteurs de terrain.

L’étiquette « Made in Japan » souligne la faillite d’un système sociotechnique qui se serait tenu bien trop loin des bonnes pratiques de la filière et des normes internationales, celles de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA). Ainsi, le caractère inéluctable de l’accident et la spécificité de ses causes en feraient étonnamment un cas à part. Sa dimension extraordinaire lui permet d’ailleurs de rejoindre dans l’histoire un autre accident « anormal », celui de Tchernobyl (dû à l’incurie soviétique), confortant de facto l’utopie d’une filière nucléaire « hautement fiable et sûre ».

Les enquêtes et expertises ont été nombreuses : une commission d’enquête gouvernementale et une commission d’enquête parlementaire japonaises, les investigations de l’AIEA, de la NRC américaine, de l’OCDE par l’intermédiaire de l’AEN…

Les analyses ont principalement porté sur les conséquences du séisme et du tsunami sur l’installation industrielle, sur la gestion de la crise par l’exploitant et les autorités, sur les modalités de coopération entre les acteurs sur site et hors site (les services de secours et les moyens externes de Tepco). Des dizaines de milliers de pages de rapports ont été rendues publiques. Au final, les autorités concluent unanimement que le seul respect des normes de l’AIEA suffit à garantir la sûreté nucléaire.

Que dire alors des auditions des parties prenantes, plus de mille, demeurées pour la plupart confidentielles ? Ceci n’est pas sans poser un problème au fonctionnement de la démocratie : accepterait-on, en France, que les auditions d’une quelconque commission d’enquête parlementaire ne soient pas rendues totalement publiques ?

Au Japon, il faudra attendre septembre 2014 pour que l’audition du directeur de la centrale de Fukushima Daiichi, Masao Yoshida, à la suite de propos diffamatoires dans la presse, soit enfin révélée. Il s’agit d’un document de plus de quatre cents pages rendant compte de près de vingt-huit heures d’audition.

Un récit pour réécrire l’histoire

L’audition de Yoshida a été traduite en français à l’initiative du Centre de recherche sur les risques et les crises (CRC) de Mines ParisTech. Cette tâche aurait dû incomber à un exploitant de la filière ; cela n’a pas été le cas, au motif certainement que tout avait déjà été dit et résolu par les rapports d’enquête.

La lecture du récit nous ouvre pourtant un nouvel horizon pour penser la gestion d’un tel accident. Naturellement, les enquêteurs qui interrogent Yoshida déroulent une grille préétablie, qui n’a d’autres buts que de valider des hypothèses dont l’ambition est de relier des faits à des justifications purement techniciennes.

Face à cela, Yoshida répond selon un tout autre point de vue. Il place au cœur de ses décisions et de ses actions le rapport devenu violent des hommes – les siens et lui-même – à la technique, plus précisément à des machines (les réacteurs) qui se sont libérées soudainement de l’emprise de l’exploitant.

Dès lors, il ne s’agissait plus de gérer une crise, d’appliquer une procédure, de dérouler un plan A, voire un plan B… d’autant que l’extrême violence de la situation a tout fait voler en éclat. Durant quelques jours, la centrale est devenue une île plongée dans l’obscurité(faute d’électricité et de diesels de secours) et le dénuement quasi total.

En grande partie livrés à eux-mêmes, les opérateurs se sont en quelque sorte retrouvés dans la situation du chasseur primitif qui à tout moment peut devenir la proie. Dans la chaleur étouffante de leur tenue de protection, terrorisés par les répliques sismiques, les intervenants sont à l’écoute du moindre bruit, ils traquent tout indice visuel à défaut de données télémesurées, ils tâtonnent dans les méandres d’un site dévasté et parviennent tant bien que mal à se préserver de la contamination radioactive pour poursuivre leur activité.

Yoshida nous livre ses peurs, ses doutes, ses croyances. Il sublime l’engagement de ses collaborateurs, œuvrant de l’intérieur (au sein de la centrale). Il fustige par contre l’absence et l’incompétence des autres, de tous les autres, ceux de l’extérieur (le siège de Tepco, les forces de secours, le gouvernement, l’autorité de contrôle…).

L’intensité émotionnelle de son témoignage, teintée de tragi-comédie, interpelle, bouscule. Elle fait voler en éclat des rationalités par trop gestionnaires, qui appauvrissent la complexité des situations jusqu’à mépriser ce qui fait humanité. D’autant plus que les travailleurs se retrouvent face à leur propre fin, et bien plus encore, celles de leurs frères d’armes, de leur famille et de tout autre attachement social et identitaire.

Au bout de quatre jours d’une lutte acharnée, le pire (l’explosion des réacteurs de Daiichi et les très probables « sur-accidents » des centrales de Daini et Onagawa toutes proches) a été évité de bien peu, presque miraculeusement.

Face à une catastrophe non advenue, qu’avons-nous appris ? Presque rien…

Au-delà des marges de sécurité

Bien évidemment, le réexamen des normes de sûreté (les « stress tests ») est utile, comme l’est la construction d’un noyau dur (sorte de ligne Maginot, dressée en rempart contre les agressions externes) ou l’installation de coûteux diesels de secours (les grands oubliés du nucléaire français avant Fukushima, censés fournir de l’électricité aux équipements de sûreté en cas de défaillance des alimentations électriques).

Ces dispositions augmentent sans aucun doute les marges de sécurité. Mais qu’en est-il au-delà ?

La création des « forces spéciales » du nucléaire (la FARN, Force d’action rapide du nucléaire d’EDF) illustre bien cet enjeu. Elles se tiennent prêtes à intervenir pour restaurer – et non liquider – les installations, dans le respect de la loi en matière d’exposition aux radiations… Que feront-elles si la radioactivité dépasse les seuils fixés par le législateur ? Pourra-t-on compter sur leur engagement, comme celui de Yoshida et les siens, tout à la fois héros et victimes sacrifiées d’autorité ou par libre consentement, pour éviter l’apocalypse ?

Franck Guarnieri, Directeur du Centre de recherche sur les risques et les crises, Mines ParisTech

La version originale de cet article a été publiée sur The Conversation.

Fukushima : sept ans après, …

Fukushima : sept ans après, l’amer retour en terre radioactive

Le 9 mars 2018

 

Le 11 mars 2011, un séisme et un tsunami dévastateurs frappaient le Japon. Une catastrophe nucléaire majeure débutait avec la fusion de trois réacteurs de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, exploitée par TEPCO. Sept ans après, la catastrophe continue de se dérouler sous nos yeux, entraînant à la fois une contamination de l’environnement et des souffrances humaines intolérables.

Des taux de radioactivité élevés

 

Suite à l’accident nucléaire de Fukushima, des dizaines de milliers de personnes ont dû quitter leurs terres et leurs maisons et se réfugier dans d’autres territoires japonais afin d’éviter l’exposition à des niveaux de radiations trop élevées. On dénombrait 120 000 déplacés en 2016. Le gouvernement japonais souhaite désormais le retour rapide des personnes déplacées dans leurs territoires d’origine.

Pourtant, les dernières mesures de radioactivité menées par les experts en radioprotection de Greenpeace dans la zone d’exclusion de Namie, à une trentaine de kilomètres de la centrale de Fukushima, montrent que le retour des populations ne saurait être à l’ordre du jour dans cette zone avant de très nombreuses années. La décontamination des zones habitées est partielle. Les zones de forêts à proximité par exemple ne peuvent être décontaminées ce qui ne permet pas un retour à la vie normale.

Le 1er mars dernier, Greenpeace a mis en ligne une analyse des résultats de la campagne de mesureeffectuée dans la région de Namie. Bien que le contenu de ce rapport soit très technique, c’est avant tout des vies et des terres des déplacés qui en est le principal sujet.

« On a volé leur ville aux enfants »

La ville de Namie, dans la préfecture de Fukushima, a été évacuée à la suite de l’accident nucléaire. Elle est encore fortement contaminée. © Christian Åslund / Greenpeace

C’est par exemple l’histoire de Mme Kanno et de ses voisins, résidente de Tsushima, dans la région de Namie, et de personnes déplacées depuis sept ans. Contrainte de vivre à plusieurs centaines de kilomètres de Fukushima, où se trouve sa maison, cette survivante de l’accident nucléaire continue de témoigner.A l’occasion d’une visite avec une équipe de Greenpeace, de retour dans la ville qu’elle a dû quitter, elle tente de contenir ses larmes : « On a volé leur ville aux enfants, les habitants ont perdu leurs moyens de subsistance à cause de l’accident nucléaire. Je trouve cela profondément triste et déplorable. J’espère que personne n’aura jamais à vivre ce que nous avons vécu. »

Je me demande sincèrement si, dans le monde, nous devrions continuer à produire de l’électricité générant des déchets radioactifs que personne ne sait gérer.

MME MIZUE KANNO, SURVIVANTE ET ÉVACUÉE DE FUKUSHIMA

Fukushima : le mur de glace…

Fukushima : le mur de glace ne parvient pas à stopper l’eau radioactive

L’objectif de ce mur de glace est d’empêcher que l’eau souterraine ne se contamine en passant dans les bâtiments des réacteurs avant de finir dans la mer.[AFP]

Le mur de glace souterrain installé autour de la centrale nucléaire de Fukushima, afin d’éviter la contamination des flux d’eau, ne serait pas d’une efficacité redoutable.

Construite à la fin du mois d’août dernier, l’installation, coulée sur 1500 mètres de long et 30 mètres de profondeur, devait permettre de faire considérablement baisser la quantité d’eau traversant chaque jour les bâtiments contaminés, la faisant ainsi passer de 400 tonnes d’eau / jour à 100 tonnes / jour.

Or, selon les données communiquées par Tepco, les infiltrations sont encore trop importantes, 141 tonnes / jour ayant été enregistrées en moyenne depuis août. Le problème semble principalement trouver sa source dans la topographie particulière de Fukushima que dans la qualité de la construction de l’édifice.

«L’hydrologie du site est très variable, le débit d’eau est difficile à prédire», a expliqué Dale Klein, ex-président de l’US Nuclear Regulatory Commission et qui conseille Tepco. Ainsi, après le passage d’un typhonen octobre dernier, le débit est passé à 866 tonnes par jour.

L’objectif de ce mur de glace est d’empêcher que l’eau souterraine ne se contamine en passant dans les bâtiments des réacteurs avant de finir dans la mer. En appui de ce dispositif, Tepco a installé d’immenses cuves pour pomper et stocker l’eau contaminée, notamment au tritium, élément radioactif rejeté par les centrales nucléaires.

Fukushima: sept ans après

Fukushima: sept ans après la catastrophe, la reconstruction est loin d’être achevée

8 mars 2018
La tâche de reconstruction est immense : en 2011, 95.000 habitations ont été partiellement ou totalement démolies.La tâche de reconstruction est immense : en 2011, 95.000 habitations ont été partiellement ou totalement démolies. – © Bernard Delattre

 

Ce dimanche, le Japon commémorera la catastrophe de Fukushima. Le 11 mars 2011, 18.000 personnes ont perdu la vie dans le tremblement de terre puis le tsunami et l’accident nucléaire qui ont dévasté le Nord-Est de ce pays. Sept ans plus tard, le chantier de reconstruction de cette région est loin d’être achevé. La tâche est immense : à l’époque, 95.000 habitations ont été partiellement ou totalement démolies.

Il n’empêche, ça et là, petit à petit la vie reprend. Namie est une petite ville située à dix kilomètres de la centrale de Fukushima. En 2011, ses 21.000 habitants durent tous évacuer, les radiations la rendaient inhabitable. Mais, depuis l’an dernier, on peut de nouveau résider dans les quartiers qui ont été décontaminés. Petit à petit, les évacués y reviennent.

Relancer la région

Beaucoup, à midi, vont manger chez « Kitchen Grandma », un restaurant communautaire qui sert de la cuisine familiale et bon-marché. L’ouvrir alors que la ville compte encore peu d’habitants et donc de clients, ce n’était pas évident. « Personne n’osait se lancer, et j’ai fini par me dire que c’était à moi à y aller, raconte Rieko WatanabeJe touche une pension de retraite qui me suffit pour vivre. Donc je n’ai pas forcément besoin que cette affaire soit tout de suite rentable ou qu’elle rapporte beaucoup d’argent. Les jeunes finiront par revenir à Namié et, un jour, l’un d’eux reprendra ce restaurant. En attendant, c’est à nous, les seniors, de redonner un peu de vie à la ville et d’assurer la transition« .

 

Dans un tout autre domaine, Yoshinori Asao, en 2015, a ouvert un studio de création de films d’animation. « Il y a trois ans, pas grand-chose n’avait évolué à Fukushima. Les gens tardaient à y revenir vu la mauvaise image de la région depuis 2011. Je me suis dit qu’y créer un studio d’animation pourrait contribuer à changer cette image. Auprès des jeunes, notamment. Relancer une région, cela passe aussi par les arts et la culture; ce n’est pas seulement une question de routes à refaire ou de bâtiments à reconstruire… » Le studio a créé de l’emploi dans une région où le taux de chômage est dix fois plus élevé que la moyenne nationale.

Méfiance envers les produits de Fukushima

L’agriculture est un autre gros problème dans la région. Seule la moitié des terres agricoles dévastées en 2011 ont été remises en état. En plus, la rumeur prétend toujours que les produits de Fukushima sont contaminés. Ce qui est faux, cela énerve donc Yasuhiko Niida qui produit du saké à base de riz bio. « La catastrophe a fait chuter nos ventes de 20%. Sept ans après, elles ne sont toujours pas remontées au niveau d’avant 2011. Pourtant, la centrale nucléaire étant à 60 kilomètres d’ici, à l’époque, on a subi très peu de retombées. Mais bon, il faut du temps pour venir à bout des ragots… Qu’importe: cette entreprise existe depuis plus de 300 ans donc, si elle doit se battre encore pendant 100 ans pour y parvenir, elle le fera!« .

 

Hiroshi Motoki fait preuve du même volontarisme : il vend 1400 tonnes de tomates par an. « Selon les sondages, 20% des Japonais se méfient des produits de Fukushima, qu’ils croient toujours contaminés. Mais c’est de l’histoire ancienne! Donc moi, j’essaie de motiver le consommateur en lui disant qu’en achetant nos tomates, il aide les petits agriculteurs locaux et, en plus, il soutient un mode de culture qui donne de bons produits parce qu’il respecte l’environnement« .

Malgré ces entrepreneurs motivés, la reconstruction de la région prendra encore des années.

Fukushima : le prêtre qui ne veut pas…

Fukushima : le prêtre qui ne veut pas abandonner son temple dans une forêt contaminée

par francetvinfo

Fukushima: un million de tonnes d’eau radioactive

Le Japon ne sait pas quoi faire d’un million de tonnes d’eau radioactive

Quelques conteneurs remplis d’eau radioactive à Fukushima.[BEHROUZ MEHRI / AFP]

Sept ans après le drame de Fukushima, le Japon n’a toujours pas trouvé de solution durable pour sécuriser la zone, et ne sait que faire des tonnes d’eau radioactive accumulées.

La Tokyo Electric Power Company, qui exploite le site de la centrale nucléaire de Fukushima, a déclaré au média américain ABC avoir réussi à stabiliser la quantité d’eau contaminée s’infiltrant dans les réacteurs. La compagnie devait, les premiers mois, récupérer 400 tonnes d’eau contaminée par jour «mais ce chiffre est descendu à environ 100 tonnes par jour», déclare Naohiro Masuda, chef du service de démantèlement de TEPCO.

Cette eau radioactive est ensuite stockée dans d’énormes réservoirs, et, même si la quantité à traiter diminue chaque jour, au total, un million de tonne d’eau contaminée par le nucléaire se retrouve sur les bras du Japon.

D’après les informations d’ABC, le gouvernement pense à décontaminer l’eau avant de la rejeter progressivement dans l’océan. Un certain traitement pourrait retirer tous les éléments radioactifs de l’eau, excepté le tritium, mais les autorités assurent qu’il ne s’agit pas d’un élément dangereux en petites quantités. Les pêcheurs locaux se sont élevés contre cette annonce, ayant notamment peur pour la qualité et la valeur de leur marchandise si cette solution était choisie.

Depuis la catastrophe de Fukushima, le 11 mars 2011, le Japon a réussi à limiter les dégâts sans toutefois résoudre les problèmes de pollution au nucléaire. D’après Greenpeace, le niveau de radioactivité dans cette région reste, aujourd’hui, trois fois supérieur aux ambitions du gouvernement.

Page 5 of 5

Fièrement propulsé par WordPress & Thème par Anders Norén