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Fukushima, triste anniversaire

Fukushima, triste anniversaire

31 MARS 2018

PAR OLIVIER CABANEL BLOG : LE BLOG DE OLIVIER CABANEL

Voilà déjà 7 longues années que la pire des catastrophes nucléaire s’est produite, le 11 mars 2011, à Fukushima, au Japon…Tepco tentant tout d’abord, pendant de longues semaines, de cacher la triste vérité.

Sans doute porté par une prémonition, j’écrivais, dans un article intitulé « Tchernobyl, drôle d’anniversaire, : « Si les manœuvres désespérées pour refroidir le réacteur échouent, on aura comme à Tchernobyl fusion du cœur, explosion, et dissémination dans l’atmosphère de particules radioactives, qui, portées par les vents, viendront polluer nos poumons et le sol, au gré des pluies »…une demi-heure après avoir écris ces lignes, la fusion des réacteurs était devenue réalité.

Il est intéressant de relire les commentaires de quelques nucléocrates, qui, jusqu’au bout, tenteront de minimiser la situation, et j’attends encore leurs plus plates excuses…

Mais où en sommes-nous aujourd’hui ?

De multiples problèmes ne sont toujours pas résolus…l’eau contaminée s’accumule, une partie à rejoint l’océan, avec les dommages que l’on peut imaginer, car, selon la règle du plus gros mangeant le plus petit, les premiers ont accumulé des doses radioactives posant un vrai problème de santé à ceux qui vont s’aventurer à les consommer.

https://static.mediapart.fr/etmagine/default/files/2017/07/30/carte-nucleaire-fukushima.jpg?width=426&height=212&width_format=pixel&height_format=pixel

Cette image montre la quantité de déversements déjà effectués.

La contamination de la chaine alimentaire ne cesse de causer des dommages, et on trouve 40% d’espèces impropres à la consommation, selon les normes japonaises qui ont déjà été baissées. lien

Le consommateur a pris conscience du danger, et malgré les propos rassurant des laboratoires japonais, lesquels affirment que la contamination des poissons ne dépasse pas les normes, les poissons ne se vendent pas très bien, c’est le moins qu’on puisse dire.lien

http://www.sortirdunucleaire.org/IMG/jpg/chaine_alimentaire_contaminee-58706.jpg

D’ailleurs d’autres constats sont encore moins rassurants.

Ainsi, des scientifiques ont constaté, dès le mois de juin 2015, une élévation de la radioactivité sur la Côte Ouest des Etats-Unis, notamment en Césium 137, et en Strontium 90, ce dernier capable de provoquer des cancers des os, et du sang.

Extrait : « les radiations dans le poisson sont si terribles que le poisson sauvage pêché en Alaska, le Hareng du Pacifique, et le poisson blanc Canadien ont été trouvé en sang, avec des tumeurs cancéreuses tout au long du corps ». lien

http://www.finalscape.com/wp-content/uploads/2017/03/fukushima.jpg

Un groupe d’étude s’est occupé de la question, et Nicolas Fisher, de l’Université Stony Brooks (état de New York) confirme la présence de césium 134 et de césium 137.

Daniel Madigan, l’écologiste qui a dirigé l’étude affirme : « le thon emmagasine le maximum de radiation et l’apporte à travers le plus grand océan du monde. Nous étions vraiment surpris de voir cela dans son ensemble et encore plus surpris de voir le taux mesuré dans chacun des poissons ».

Pas étonnant dès lors que les japonais, et pas seulement eux, éprouvent quelque appréhension à consommer du thon, ce qui on s’en doute est dommageable au commerce japonais, et la situation ne risque pas de s’améliorer, vu que le césium 137 à une période (demi-vie) de 30 ans, c’est dire qu’il va poser un problème pendant au moins un siècle… lien

Or les techniciens de Fukushima, au-delà de ce qui déjà été rejeté dans l’Océan, se trouvent devant un stock d’un million de tonnes d’eau radioactive, et ils ont le projet de le rejeter progressivement dans l’Océan, en assurant qu’ils pouvaient traiter cette eau, a part le Tritium. lien

Encore faut-il que ce soit possible, car jusqu’à présent les tentatives de traitement de cette eau ont toutes échoué…

Areva avait en 2014 proposé un dispositif de décontamination, que Tepco a finalement décidé d’abandonner, vu le peu de résultats. lien

Quant aux robots divers et variés qui ont tenté d’intervenir pour au moins savoir l’état des fonds de cuve dévastés, le taux de radiation est si élevé qu’il empêche toute mission de longue durée, et a part les quelques images glanées récemment par l’un d’eux, avant de tomber en panne, on ne peut pas dire que les opérations aient été couronnées de succès. lien

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Sur le chapitre des finances et des milliards déjà dépensés, tout comme ceux à venir, on atteint des sommets.

En octobre 2016, une estimation très optimiste du démantèlement faite par les autorités japonaises dépassait 17 milliards d’euros, contredisant celle de 2014. lien

En effet,  le gouvernement japonais l’avait déjà estimé à 42 milliards d’euros, alors que Kenichi Oshima, professeur d’économie environnementale à l’Université Ritsumeikanavait multiplié par 2 le chiffre initial, soit 80 milliards d’euros. lien

Depuis, les milliards ont fait des petits, car en ajoutant au prix du démantèlement celui du dédommagement des riverains et de la décontamination de l’environnement, la facture grimpe à 170 milliards. lien

Et encore faudrait-il que la décontamination soit possible…

Pas étonnant dès lors que, contre l’avis du premier ministre japonais, la très grande majorité des citoyens nippons ne veulent plus entendre parler du nucléaire.

La sortie du nucléaire n’est pas seulement demandée par le peuple, mais aussi par le prince Akishino, son épouse Kiko, appelant à manifester pour s’opposer à l’atome, soutenus par les anciens premiers ministres Junichiro Koizumi, Mohiriro Hosokawa, et même Naoto Kan, celui-là même qui dirigeait le pays au moment de la catastrophe. lien

Et où en sommes-nous en France ?…

Les promesses du grenelle de l’environnement censées promouvoir le remplacement du nucléaire par les énergies propres ont fait long feu…lien

Des EPR sont prévus pour remplacer les vieilles centrales, alors qu’ils ont couté au moins 3 fois plus cher que prévu…celui de Flamanville est doté d’une cuve dont l’acier pose quelques problèmes, ce qui n’a pas empêché l’autorité de sécurité de le valider. lien

Récemment, l’ASN (autorité de sureté nucléaire) a validé un générateur de vapeur défectueux à Fessenheim…alors que la centrale doit être bientôt fermée. lien

Ne parlons pas des autres vieilles centrales qui subissent des pannes à répétition, des fuites, équipées de tuyauteries rouillées… lien

A Bugey, à 30 km de Lyon, Une nouvelle fuite a été signalée le 7 mars. lien

Ce qui fait dire à d’honorables responsables, qu’un accident nucléaire grave n’est plus à écarter en France, le président de l’ANCCLI (association nationales des comités et commission locales d’information), Jean Claude Delalonde en l’occurrence, ayant déclaré : « en France, les conséquences d’un accident nucléaire pourraient être pires qu’à Tchernobyl ou Fukushima ». lien

Alors que Hulot a reculé sur l’objectif de la transition énergétique (lien), Macron va aux Indes pour vendre des EPR…mais il ne communique que sur le photovoltaïque. lien

Comme dit mon vieil ami africain : « le feu qui te brûlera c’est celui qui te chauffe ».

Le 13 mars, une émission tv sur le sujet ici (à 14h40)

Le dessin illustrant l’article est de Cabu

Merci aux internautes de leur aide précieuse

Olivier Cabanel

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Fukushima: dans la ville fantôme

Fukushima: dans la ville fantôme de Namie, une usine pour tourner la page

 Une rue de la ville de Namie, près de Fukushima, le 5 mars 2018. La Ville comptait avant la catastrophe quelques 21.000 personnes, elle n’en compte aujourd’hui qu’un peu plus de 500 AFP/ARCHIVES – BEHROUZ MEHRI

Namie, ville du nord-est du Japon située à quelques kilomètres de la centrale de Fukushima, était il y a peu encore une zone interdite. Partiellement rouverte, elle a inauguré cette semaine sa première usine depuis le drame de mars 2011.

Le groupe japonais Nissan a décidé d’implanter là un site de recyclage des batteries de ses voitures électriques Leaf. Le bâtiment est sommaire et quasi vide et le nombre d’employés très modeste – dix seulement -, mais c’est tout un symbole salué par Tamotsu Baba, le maire de cette cité portuaire meurtrie par le tsunami du 11 mars et l’accident nucléaire qui en a chassé les habitants.

A ses côtés, le ministre de la Reconstruction Masayoshi Hoshino a aussi fait part de son enthousiasme à l’occasion d’une cérémonie organisée en début de semaine. « Sept ans ont passé, l’ordre d’évacuation a été levé » en mars 2017 dans cette partie de la commune « et nous travaillons dur » pour faire revenir les résidents, a-t-il déclaré.

En février, 516 habitants seulement vivaient à Namie, qui comptait avant la catastrophe environ 21.000 personnes sur ses registres et dont 80% du territoire reste interdit d’accès.

« Il nous faut des infrastructures, des emplois, des écoles », et cette usine « à la technologie de pointe », dont la construction a été financée aux deux tiers par le gouvernement central, participe à cet effort, s’est félicité M. Hoshino.

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– ‘Contribuer à la reconstruction’ –

Nissan espère attirer « l’attention de l’étranger » et de nombreux visiteurs avec ce programme d’échange de batteries pour automobiles électriques, présenté comme unique au monde, qui débutera en mai au Japon avant une possible expansion à l’international.

« Nous contribuerons ainsi à la reconstruction de Namie », souligne Eiji Makino, patron de 4R Energy Corporation, la co-entreprise formée en 2010 par Nissan et Sumitomo Corporation qui exploite l’usine.

La compagnie a développé un système capable de mesurer rapidement la performance des batteries lithium-ion usagées (au bout de dix ans de vie en moyenne), en analysant chacun des 48 modules: le processus prend désormais quatre heures, au lieu de 16 jours au début des recherches.

Les modules les moins dégradés sont ensuite réassemblés pour fournir aux automobilistes des batteries de remplacement pour la première génération de la Leaf, sortie en 2010, au prix de 300.000 yens l’unité (2.290 euros), à comparer à 650.000 yens pour une nouvelle batterie.

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Si l’activité sera dans un premier temps limitée, Nissan voit grand, pariant sur l’essor annoncé des véhicules électriques, favorisé par des politiques publiques volontaristes et la crise du diesel.

Le constructeur nippon, parmi les premiers groupes mondiaux sur ce créneau avec son allié français Renault, veut multiplier par six ses ventes annuelles de voitures électrifiées d’ici 2023, et les autres constructeurs sont tout aussi ambitieux.

– ‘Difficile de rentrer’ –

Plusieurs centaines de batteries seront initialement traitées chaque année sur le site de Namie, pour une capacité maximale de 2.250 unités.

« Il y a un potentiel énorme », juge M. Makino qui imagine « atteindre un jour 1.000 employés ». A condition de réussir à attirer la main-d’oeuvre dans cette zone sinistrée.

Dans un rapport publié fin février, l’ONG anti-nucléaire Greenpeace jugeait « les niveaux de radiation trop élevés pour permettre un retour sans danger ».

Mais le responsable de 4R Energy se veut rassurant: « La célèbre avenue des Champs-Elysées affiche des niveaux deux fois supérieurs » à ceux de la zone Namie rouverte. « Le gouvernement central a mené les travaux de décontamination et il n’y a aucun problème », insiste-t-il.

Au-delà de craintes pour leur santé, les habitants ont souvent refait leur vie ailleurs, expliquait récemment le gouverneur de Fukushima, Masao Uchibori. « Ils ont acheté une nouvelle maison, leurs enfants vont à l’école locale, ils ont trouvé un travail sur place (…) et il est difficile pour eux de rentrer ».

Même en créant les conditions nécessaires au retour, via l’installation d’entreprises, hôpitaux ou centres commerciaux, cela ne suffira pas, estime le gouverneur, qui convoite plutôt de nouveaux résidents à travers des projets d’innovation et de robotique.

Mais là aussi le défi est grand tant l’image de la région a été durablement affectée par l’accident nucléaire, le plus grave de l’histoire depuis celui de Tchernobyl en 1986.

Fukushima, une catastrophe mais …

Fukushima, une catastrophe mais une apocalypse évitée

23.03.2018
Par Guillaume Erner

Fukushima : un procédé français de …

Fukushima : un procédé français de dépollution décontamination des terres expérimenté au Japon


Le CEA, Orano et Veolia ont expérimenté au Japon entre le 13 et le 17 novembre 2017 un procédé de décontamination de terres radioactives. Ces essais ont été réalisés au Japon sur plusieurs centaines de kilogrammes de terre de la région de Fukushima.

Publié le 22 mars 2018

​Dans la région de Fukushima, environ 22 millions de mètres cube de terre contaminés par la radioactivité ont été retirés de la surface des sols après l’accident de la centrale nucléaire dans le but de restaurer au plus vite l’accessibilité de la zone à ses habitants. Cette terre est entreposée dans de grands sacs appelés ‘big bags’ sur plusieurs sites dédiés. Les autorités japonaises cherchent les meilleures technologies pour supprimer ou réduire la présence d’éléments radioactifs dans les terres. Il s’agit de réduire le volume de ces déchets en concentrant la radioactivité essentiellement due au césium dans un faible volume et récupérer la partie décontaminée. La particularité du procédé proposé par le CEA, Orano et Veolia est de séparer directement les particules de terres contaminées par le césium radioactif des particules très peu ou pas contaminées.

Des technologies pour remédier à une pollution accidentelle

En France, les acteurs de ce projet, baptisé Demeterres (1), développent, depuis 2013, plusieurs technologies inédites de remédiation des sols et des effluents contaminés. Ces technologies, fondées sur des procédés biologiques ou physico-chimiques ont pour but de décontaminer les sols en utilisant des méthodes « éco-compatibles » en vue de les réhabiliter pour restaurer leur usage.

Une campagne d’essais réels au Japon

L’un des procédés physico-chimiques développés dans le cadre de ce projet par le CEA, Orano et Veolia, désigné « mousse de flottation », a été testé au Japon dans la semaine du 13 au 17 novembre 2017. Il consiste à faire mousser une suspension de terre dans une colonne de flottation. La terre contaminée est préalablement mise en suspension dans l’eau avec un produit moussant. Le mélange est injecté dans une colonne verticale dans laquelle on injecte ensuite des bulles d’air. Les particules d’argile chargées en césium sont entrainées à la surface par les bulles et forment une mousse qui s’accumule et est aspirée en tête de colonne. On récupère donc :

  • d’une part, dans la partie « mousse » en haut de la colonne, les fines particules contenant une forte proportion de la radioactivité,
  • d’autre part, en pied de colonne, la terre débarrassée des fines particules, donc d’une grande partie de la radioactivité.

Les essais de flottation, menés par les équipes CEA/Orano/Veolia françaises au Japon en novembre 2017 ont permis d’atteindre les objectifs fixés sur deux big bags. Il a été possible de récupérer 70 à 85 % de la masse initiale de terre dans laquelle il ne reste que 33 % à 50 % de la quantité de radioactivité initiale.
Cette terre a un niveau de radioactivité conforme au seuil de 8 kBq/kg fixé par la réglementation japonaise en vue d’une possible revalorisation.
Pour améliorer encore le rendement d’extraction du césium, des optimisations de la préparation de la terre (séchage, émiettage, prétamisage et dispersion dans l’eau) ont été proposées.

Perspectives

Si la technologie présentée est sélectionnée par les autorités japonaises, l’étape suivante consistera à la développer à plus grande échelle afin qu’elle puisse être mise en œuvre dans les communes japonaises hébergeant des centres de stockage.
Ce procédé a fait l’objet d’un brevet CEA exploité au niveau « pilote pré-industriel» par Orano et Veolia.

Du pilote à la démonstration in situ

  • 2016 : premier pilote en colonne (de 2 m de hauteur, 20 cm de diamètre) est testé en France, au CEA Marcoule, sur différentes terres non contaminées. Les paramètres : débit d’air, agent moussant, temps de résidence… ont été optimisés pour extraire un maximum de particules d’argile. Ces essais ont permis de recueillir des données utiles sur le fonctionnement du procédé.
  • Avril 2017 : la technologie est proposée, via une filiale japonaise d’Orano (Anadec), dans le cadre de l’appel à projets « Démonstration de nouvelles techniques de décontamination » du Ministry of Environment (MoE) japonais.
  • Juillet 2017 : la technologie est sélectionnée pour démonstration in situ, par les autorités japonaises, tout comme neuf autres technologies (sur 19 projets présentés). Ces démonstrations de technologies innovantes sont fondées sur des essais de fonctionnement de courte durée en environnement réel. Ils permettent, pour les acteurs locaux, d’enrichir l’éventail de possibilités pour décontaminer les sols.
  • Novembre 2017 : les essais de démonstration en présence de représentants du MoE ont été réalisés avec succès, du 13 au 17 novembre 2017, sur la commune d’Okuma qui héberge des centres de stockage de big-bags contenant des sols contaminés. Sur la plupart des terres testées, 70 à 80 % des fines particules préalablement libérées par l’agitation dans l’eau ont bien été séparées par flottation permettant la concentration volumique de la radioactivité d’un facteur 3 à 7.
(1) Développement de méthodes bio- et éco-technologiques pour la remédiation raisonnée des effluents et des sols en appui à une stratégie de réhabilitation agricole post-accidentelle

demeterrees-2.jpgPilote intégré de flottation par mousse particulaire, en phase de test au CEA Marcoule (France) © Sylvain Faure/CEA

demeterrees-1.jpgLa récolte de la mousse contenant le césium fixé sur les particules d’argile, lors de l’expérimentation au Japon © J-L Sida/CEA

Rencontre avec des familles rescapées de Fukushima

Drôme: rencontre avec des familles rescapées de Fukushima

Deux mères de famille japonaise en visite à la CRIIRAD- Valence Drôme le 19/03/2018 / © France 3 RADeux mères de famille japonaise en visite à la CRIIRAD- Valence Drôme le 19/03/2018 / © France 3 RA

 

Six ans après l’accident nucléaire du 11 mars 2011 à Fukushima, une délégation de trois familles japonaises accompagnées de leurs enfants, effectue une tournée en France pour témoigner de la situation critique des sinistrés nucléaires au Japon. Elle était à Valence ce lundi 19 mars.

Par Isabelle Gonzalez

L’accident nucléaire qui a sinistré en mars 2011 la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi au Japon est passé, en cette année 2018, à un état de crise chronique avec des fuites radioactives récurrentes. Alors que la contamination de l’environnement présente toujours des risques sanitaires très importants, sur de vastes territoires, la «politique du retour» décidée par le gouvernement et la fin de l’aide publique auprès des évacués, bouleversent la situation des personnes sinistrées.


C’est dans un tel contexte qu’une délégation de trois familles japonaises accompagnées de leurs enfants s’est rendue au Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU à Genève pour faire reconnaître leur droit fondamental de vivre dans un environnement sain, exempt de radioactivité. Ces familles sont soutenues, dans leur démarche par l’Association Lyon-Japon NIHONJINKAI, la Bibliothèque Centre Ville de Grenoble, le Comité de l’Isère du Mouvement de la Paix, la CRIIRAD, l’Hôtel Novotel Lyon Confluence, la Réaction en Chaîne Humaine, le collectif Sortir du Nucléaire Isère et Stop Nucléaire 26-07.

Elle effectue ensuite une tournée en France pour témoigner sur la situation critique des sinistrés nucléaires au Japon. Elle était à Valence dans la Drôme ce lundi.

Drôme : A la rencontre de 3 familles japonaises rescapées de Fukushima
Le témoignages de trois mères japonaises à Valence aujourd’hui. Ce sont des rescapées de la catastrophe de Fukushima. Elles ont rencontré les responsables de la CRIIRAD. L’association veut les aider et apporter son expertise. Reportage de Daniel Pajonk et Stéphane Hyvon.

Catastrophe de Fukushima: sept ans après

Experts de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) en visite sur le site de Fukushima. Mai 2011.
© TEPCO HANDOUT

Catastrophe de Fukushima: sept ans après

OPINION. Chaque jour, 6000 liquidateurs travaillent sur le site afin de garder la maîtrise sur le plus grand accident nucléaire mondial, écrit le géo-économiste Laurent Horvath

Le 11 mars 2018, 7 bougies ont été soufflées sur le gâteau de la catastrophe nucléaire à la centrale de Fukushima Daiichi, au Japon. Le démantèlement estimé à 620 milliards de dollars, qui devrait durer quarante ans, suit son bonhomme de chemin. L’opérateur TEPCO continue de refroidir avec de l’eau les 3 réacteurs dont le combustible a fondu (corium) et espère pouvoir le repérer grâce à des robots et un peu de chance. Chaque jour, 6000 liquidateurs travaillent sur le site afin de garder la maîtrise sur le plus grand accident nucléaire mondial.

Des policiers japonais en plein travail à Ukedo, à quelqus kilomètres au nord du site du TEPCO.KIMIMASA MAYAMA

Après le tsunami, les combustibles nucléaires des réacteurs 1, 2 et 3 avaient rapidement fondu. Depuis, les cuves de ces réacteurs doivent être refroidies en permanence pour éviter une surchauffe.

Robots bredouilles

TEPCO tente de localiser précisément le combustible fondu et les débris de combustible pour les extraire et rendre les réacteurs inoffensifs. Mais pour l’instant les robots et les caméras sont rentrés bredouille. Les magmas pourraient avoir traversé les dalles de confinement et se trouver sous la centrale. Ces opérations sont essentielles pour pouvoir sécuriser et stabiliser Fukushima.

1 million de mètres cubes d’eau radioactive sont stockés dans des milliers de cuves sur le site

Cela n’empêche pas TEPCO d’espérer pouvoir enlever le corium dans le réacteur 3 durant 2018. Sur ce réacteur, un toit a été spécialement installé pour limiter des fuites radioactives durant l’opération. Pour les réacteurs 1 et 2, cette opération ne devrait pas se réaliser avant 2023. Pour le réacteur 4, la construction d’un toit au-dessus de la piscine de stockage a été achevée fin février. Cela évitera les fuites de radioactivité pendant la manipulation de ces débris.

TEPCO utilise 100 tonnes d’eau par jour pour stabiliser la température des réacteurs et éviter un échauffement. Ainsi, 1 million de mètres cubes d’eau radioactive sont stockés dans des milliers de cuves sur le site. L’eau est en partie traitée, mais aucune solution n’a encore été trouvée pour éliminer l’un de ces éléments radioactifs: le tritium. In fine, une grande partie devrait être rejetée dans le Pacifique avec l’aval du gouvernement.

Des véhicules sont inspectés au checkpoint d’Okuma, près du site du TEPCO. KIMIMASA MAYAMA
Remise en service de 42 réacteurs

Depuis l’année dernière, un mur de glace souterrain est en place autour des bâtiments pour éviter que les eaux ne soient souillées au contact des installations. Pour limiter les fuites, un mur imperméabilisant est en place depuis 2016 du côté du Pacifique, tandis que le sol de la centrale a été presque entièrement bétonné. Cependant, l’ancien premier ministre, Naoto Kan, met en doute la pertinence de ce mur de froid.

Le gouvernement du premier ministre Abe souhaite remettre en service 42 réacteurs sur les 54 en fonctionnement avant le 11 mars 2011. Depuis, cinq réacteurs ont redémarré, et 19 autres sont dans les starting-blocks. Cependant, les coûts d’adaptation aux nouvelles normes de sécurité s’élèvent à près d’un milliard de dollars par réacteur et la relance nucléaire se heurte aux réticences des populations. Seulement 10% des habitants sont revenus vivre dans le secteur qui est toujours fortement irradié.

7 ans après à Fukushima

Fukushima 7 ans après

http://www.europe1.fr/emissions/les-reportages-des-carnets-du-monde/fukushima-7-ans-apres-3601571

Le 11 mars 2011, un tremblement de terre suivi d’un tsunami et d’un accident à la centrale nucléaire de Fukushima faisait 18.000 morts et disparus. Sept ans plus tard, retour à Fukushima où la vie reprend laborieusement ses droits dans certaines zones. Si les terres contaminées par les radiations ont poussé de nombreux habitants à refaire leur vie ailleurs, dans certaines villes, on commence à voir de nouveau bourgeonner l’activité humaine

Avec Bernard Delattre, correspondante à Tokyo, Japon.

Fukushima: les imparables leçons…

Nucléaire: les imparables leçons de la catastrophe de Fukushima

PAR

Deux voix venues du Japon secouent la torpeur pronucléaire de la France, en ce septième anniversaire de la catastrophe de Fukushima. Écouter Naoto Kan, ancien premier ministre devenu anti-atome, et lire Masao Yoshida, le directeur défunt de la centrale, c’est comprendre l’impuissance des gouvernements face à une catastrophe nucléaire.

Vente de réacteurs EPR à l’Inde, soutien à celui voulu par la Grande-Bretagne à Hinkley Point, torpillage de l’objectif de réduction à 50 % de la part d’électricité d’origine nucléaire : le soutien de l’État à l’atome est plus marqué que jamais.

C’est dans ce contexte particulier que deux voix venues du Japon perturbent l’apparent consensus officiel. L’une est articulée par un dirigeant politique de premier plan, auréolé de son retournement contre le nucléaire à la suite de la catastrophe de Fukushima. C’est celle de Naoto Kan, premier ministre en fonctions lorsqu’un tremblement de terre et un tsunami ravagent son pays et déclenchent l’une des pires crises nucléaires de l’Histoire à la centrale de Fukushima Daichii, en mars 2011. Aujourd’hui député à la Diète, élu du parti démocrate du Japon (PDJ), il soutient une proposition de loi favorable à la sortie du nucléaire alors que l’actuel chef du gouvernement, Shinzo Abe, veut au contraire relancer les réacteurs à l’arrêt.

À l’occasion du septième anniversaire de la catastrophe de Fukushima, il est en visite en France pour alerter sur les dangers de l’atome. « Ce que je veux dire aux Français, c’est que le risque est énorme, explique-t-il à Mediapart. S’il y a un accident dans une centrale nucléaire, vous risquez d’avoir un tiers de votre territoire, ou peut-être la moitié, qui devienne inutilisable, invivable pendant des dizaines d’années. Je crois que vous devez être conscients de cela, que vous devez sortir du nucléaire, consommer moins d’électricité et, surtout, faire confiance aux énergies renouvelables. Prenez conscience de ce risque, il est énorme. »

Pendant près d’une semaine, il a multiplié les interventions publiques : discours devant des militant·e·s de La France insoumise – qui organise une votation citoyenne sur le sujet –, allocutions à l’Assemblée nationale et au Parlement européen, déplacement devant le chantier de l’EPR à Flamanville et à La Hague, où sont stockés les déchets radioactifs français. Sa venue suscite l’intérêt des médias, où certain·e·s le décrivent en « rock star »de l’antinucléaire.

Naoto Kan, pendant sa visite à Rikuzentakata, frappée par le séisme et le tsunami, le 2 avril 2011 (Reuters/Damir Sagolj).Naoto Kan, pendant sa visite à Rikuzentakata, frappée par le séisme et le tsunami, le 2 avril 2011 (Reuters/Damir Sagolj).

L’autre voix est bien plus discrète, et s’exprime dans un livre sobrement intitulé Un récit de Fukushima. Elle est posthume. C’est celle de Masao Yoshida, directeur de la centrale Fukushima Daiichi au moment de la catastrophe. Il est mort en juillet 2013 d’un cancer de l’œsophage. Mais deux chercheurs français, Franck Guarnieri et Sébastien Travadel, ont fait traduire et éditer pour la première fois en français de larges extraits de son audition auprès de la commission d’enquête alors mise sur pied par Naoto Kan.

À les entendre tous les deux aujourd’hui, avec le décalage de registre de parole et des années, deux visions s’affrontent sur la responsabilité face à la catastrophe. Interrogé pendant près d’une heure par Mediapart sur ses décisions pendant et après la catastrophe en 2011, Naoto Kan, physicien de formation, décrit à plusieurs reprises son incapacité à évaluer seul la gravité de la situation. Pourquoi son gouvernement a-t-il autorisé un seuil d’exposition de la population de 20 millisievert (mSv), considéré comme dangereux par certain·e·s expert·e·s en radioprotection, ouvrant la voie au retour chez eux des déplacé·e·s de Fukushima ? « Attention, ce n’est pas moi qui ai décidé que ce seuil de 20 mSv était le bon, nous répond-il, ce n’est pas du tout quelque chose que des hommes politiques peuvent décider comme cela. Ce sont les experts qui ont décidé. Ce sont des compromis de discussions entre experts médicaux et nucléaires. On a fait une cote à 20 mSv qui semble à peu près acceptable par toutes les parties. Moi, personnellement, je n’ai aucun avis là-dessus. »

Il rapporte à ce sujet une autre anecdote, effrayante a posteriori : « Au sein du ministère de l’économie et de l’industrie, il y avait l’Agence de sûreté nucléaire [devenue depuis l’Autorité régulatrice du nucléaire – ndlr], formée d’experts. En cas de crise, un dispositif se met en place, avec une commission de sûreté nucléaire, sous la responsabilité directe du premier ministre, assisté par des membres de l’agence. Au moment où l’accident s’est produit, le responsable de cette agence du Miti est venu me voir, et je lui ai posé trois questions : quelle est la situation actuelle ? Comment ça va évoluer ? Quelles mesures pouvons-nous prendre pour remédier à cette situation ? Mais les réponses qu’il m’a données étaient tellement confuses et absconses que je me suis dit : “Qu’est-ce que ça veut dire ? Soit c’est moi qui ne comprends pas. Soit c’est lui qui n’est pas tout à fait compétent et ne me donne pas les explications qu’il faut.” Je lui ai donc demandé : “Pourquoi je ne comprends pas vos explications ?” Il a été obligé de me dire qu’il ne connaissait rien au nucléaire et qu’il était diplômé de l’université de Tokyo en sciences économiques. C’est normal que le ministère de l’économie nomme un économiste pour s’occuper d’industrie nucléaire. Mais c’était très gênant qu’il soit à la direction d’une agence en principe formée d’experts qui devaient m’aider à prendre des décisions. Cela montre que tout l’organigramme du gouvernement japonais était fondé sur la supposition qu’il n’y aurait pas d’accident majeur dans l’industrie nucléaire. Ils n’avaient jamais pensé à la possibilité d’un accident majeur. Il est normal qu’un ministre ne soit pas au courant, mais que le responsable de la sécurité, chargé d’édicter les règles, ne le soit pas, là ça pose un gros problème. »Quelques mois plus tard, une commission parlementaire lance une enquête sur la conduite des autorités pendant la catastrophe. « On a compris à ce moment-là, et c’est écrit dans le rapport de la commission, qu’au lieu de servir de soutien aux politiques qui, par définition, ne connaissent pas bien le nucléaire, l’Agence de sûreté nucléaire avait été en fait la courroie de transmission des opérateurs », poursuit Naoto Kan.

« Tout le monde a fui et personne n’est venu »

Face à la complexité technique du fonctionnement des réacteurs et à la difficulté de comprendre quelle décision prendre, Naoto Kan avoue son impuissance : « Pendant toute cette période, ce que je peux dire de mon expérience, c’est que je n’ai jamais eu en temps utile les infos que je voulais avoir. Ce n’est pas la faute des experts, c’est la faute du temps. » Il a démissionné de son poste de premier ministre fin août 2011, sous le feu des critiques pour sa gestion de la catastrophe de Fukushima, jugée calamiteuse par l’opposition.

Une rumeur l’a accusé d’avoir interdit de communiquer sur la fusion des cœurs de trois réacteurs de la centrale de Fukushima, l’accident le plus grave pour une centrale, pour ne pas effrayer la population. « Mais je n’ai pas su quand la fusion a eu lieu, affirme-t-il aujourd’hui. On a appris il y a deux mois que c’était le président de Tepco [l’opérateur de la centrale – ndlr] qui avait interdit qu’on utilise ce mot. Il l’a reconnu il y a trois mois. »

N’a-t-il pas été possible au chef du gouvernement d’être informé correctement de ce qui se passait dans la centrale accidentée ? « Ceux qui savent tout, c’est Tepco, répond-il. Je ne peux apprendre les choses que par eux, selon leur bon vouloir. Ils connaissent toutes les données de la centrale. Je n’ai aucun moyen de savoir par moi-même. » Aujourd’hui encore, les témoignages du président et du directeur général de Tepco devant la commission d’enquête gouvernementale restent confidentiels, à leur demande. « Donc pour le moment, il y a encore des informations secrètes, explique Naoto Kan. J’ai témoigné et tout a été publié. Tous les autres participants ont donné leur accord mais les deux principaux dirigeants de Tepco, non. C’est bien sûr un grand problème. »

À l’inverse, dans un récit bouleversant de précision devant la commission d’enquête parlementaire, Masao Yoshida, l’ancien directeur de la centrale de Fukushima, dénonce l’irresponsabilité des politiques : « Le tsunami de mars a fait 23 000 victimes. Qui les a tuées ? C’est un séisme de magnitude 9 qui les a tuées. On brandit notre responsabilité. Mais pourquoi n’avait-on pas pris les dispositions pour que ces personnes ne meurent pas ? Au lieu de se poser ces questions, la discussion fait un bond et se concentre sur le seul point de la responsabilité de Tepco. Je ne trouve pas ça normal. S’il s’agit de mesures fondamentales pour protéger la vie et les biens des Japonais, il faudrait que la cellule de gestion de crise du premier ministre prenne les mesures qui s’imposent avec les autorités locales. Mais l’État ne fait rien. Il se contente de remettre en question l’organisation des centrales nucléaires (…). Bien sûr protéger une centrale nucléaire est important, mais si on n’a pas de plan d’ensemble, on ne peut pas parler de véritables mesures de protection. Je trouve que l’État a une vision biaisée, concernant les séismes et les tsunamis. »

Que nous apprend son récit ? La terreur d’avoir à prendre des décisions face à une catastrophe en train de se produire, sans avoir, lui non plus, les éléments nécessaires à la prise de décision. Quarante et une minutes après le début du séisme, les premières vagues du tsunami atteignent Fukushima Daiichi. Elles mesurent environ 8 mètres de haut. Dix minutes plus tard, déferlent des vagues estimées à plus de 15 mètres de haut. Jusque-là, la NHK, la télé japonaise, n’avait annoncé que des vagues de 5 mètres. La centrale a été conçue pour résister à un tsunami de 6,10 mètres de haut.

Un quartier déserté de la ville balnéaire de Namie, évacuée pendant la catastrophe nucléaire de Fukushima, le 28 février 2017 (Reuters).Un quartier déserté de la ville balnéaire de Namie, évacuée pendant la catastrophe nucléaire de Fukushima, le 28 février 2017 (Reuters).

La perte des circuits électriques rend très difficile l’action de refroidissement des réacteurs et empêche le suivi de ce qui s’y passe par les outils dédiés. Les ingénieurs doivent agir dans le noir, parfois littéralement : il n’y a plus de lumière dans la salle des commandes et les pilotes ne voient plus leurs instruments. Enfermés dans le bâtiment antisismique, sans images de l’extérieur, le directeur et ses collaborateurs ne comprennent que le tsunami est passé que lorsqu’ils voient que l’alimentation en courant électrique a cessé et que les générateurs de vapeur ne fonctionnent plus.

« Nous étions tous tellement terrassés que nous sommes restés sans voix (…), tout en accomplissant ces tâches administratives, émotionnellement nous étions anéantis. »Dans cette situation extrême, les procédures et manuels de gestion de crise deviennent inutiles. L’« imaginaire collectif » des opérateurs de la centrale a été « balayé », analysent Franck Guarnieri et Sébastien Travadel. Ils font l’expérience de l’effondrement de leur cadre institutionnel, expliquent les deux chercheurs. Aucune procédure ne prévoit ce qui se passe, les autorités politiques ne savent pas quoi faire, le directeur de la centrale est quasiment coupé du monde. « La centrale s’est libérée des hommes, écrivent-ils. Il ne s’agit plus ici de l’exploiter, de la contrôler, de la maintenir, mais bien de la combattre. Un combat à mort. »

Des décisions ultratechniques, complexes et dangereuses doivent être prises dans un état de bouleversement émotionnel. Le directeur décide d’injecter de l’eau de mer dans les réacteurs pour empêcher qu’ils ne s’emballent. Masao Yoshida explique : « Je n’en avais pas entendu parler parce que nulle part au monde on ne l’avait jamais fait. » Mais la situation se complique terriblement et, au bout d’un moment, ce sont trois réacteurs que les équipes doivent gérer en même temps. « Je vous assure, personne n’a jamais eu à faire face à trois tranches nucléaires à la fois, et pour être franc, je pense que cela n’arrivera probablement plus jamais. Je n’ai même pas envie d’y repenser. »

Le 13 mars, au troisième jour depuis l’accident, le réacteur 3 explose : « Au début, tout juste après l’explosion, quand les tout premiers rapports sont arrivés du terrain et que j’ai su qu’il y avait une quarantaine de disparus, j’ai vraiment eu l’intention de me donner la mort. Si c’était vrai. S’il y avait quarante morts, j’étais décidé à me faire hara-kiri. » Mais finalement, personne n’y a perdu la vie et l’équipe poursuit son travail. Au bout d’un moment, les sous-traitants sont renvoyés chez eux. Seuls restent le directeur et une cinquantaine de personnes – contre environ 5 000 avant l’accident.

Il est d’autant plus instructif d’entendre ces deux voix aujourd’hui en parallèle que Naoto Kan et Masao Yoshida se sont fait face lors de l’accident. Et se sont affrontés, indirectement. Quand le directeur de la centrale décide d’injecter de l’eau de mer pour refroidir les réacteurs, le vice-président de Tepco, depuis le bureau du premier ministre, lui ordonne d’arrêter. L’ingénieur raconte comment il a sciemment désobéi et menti à ses supérieurs.

Au deuxième jour de l’accident, Naoto Kan se rend sur la centrale, pour une visite qui ne dure pas même une heure. Sa rencontre avec le responsable de l’installation semble tragiquement inutile. « Tout de suite, il m’a demandé d’un ton assez sévère ce qu’il en était, se souvient Yoshida, l’ambiance était telle qu’il était difficile de parler. J’ai bien dit que la situation était difficile sur le terrain, mais j’ai conscience que je n’ai pas suffisamment expliqué en quoi. En fait, nous ne pouvions pas parler librement. Le premier ministre posait des questions surprenantes, auxquelles on essayait simplement de répondre. » Quel type de questions ? Par exemple, comment un simple tsunami pouvait-il paralyser une centrale nucléaire.

Lors de sa visite, Naoto Kan ne voit qu’une salle de réunion du bâtiment antisismique. Il ne pénètre pas dans la cellule de crise. Au plus fort de la crise, lors d’un entretien par téléconférence, Naoto Kan demandera plus tard aux opérateurs « de sacrifier » leurs vies. À l’intérieur de la centrale, la solitude des équipes est insondable. Yoshida réclame aux autorités locales que les réseaux de pompiers leur livrent de l’eau. Mais « tout le monde a fui et personne n’est venu ».  

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Au fil des heures, les relations se tendent entre l’intérieur de la centrale et les autorités extérieures. Les deux chercheurs chargés de l’édition du témoignage de Yoshida proposent une audacieuse interprétation de ce conflit : « C’est peut-être précisément l’éveil de ces conflits et leur mode de résolution qui a permis au collectif sur site de reprendre la maîtrise de ses installations. »Les multiples et légitimes critiques à l’encontre de Tepco ont laissé dans l’ombre le courage et les souffrances des opérateurs, qui sont restés jusqu’au bout aux commandes de la centrale. Naoto Kan en est aujourd’hui l’héritier paradoxal. Son récit rejoint celui de l’ingénieur défunt sur un point essentiel : l’impuissance humaine et le désespoir face à une catastrophe nucléaire.

« Dix jours après l’accident, j’ai demandé au président de la commission de sécurité nucléaire de faire une simulation pour le cas le pire : qu’est-ce qui pourrait se passer ?, se rappelle-t-il aujourd’hui. Ça lui a pris une semaine. Pour le cas où la centrale deviendrait vraiment incontrôlable, il aurait fallu évacuer une zone jusqu’à 250 km de la centrale. Tokyo était concernée. 50 millions d’habitants devaient être chassés de chez eux, et ne pourraient pas y revenir pendant plusieurs dizaines d’années. Et quand j’ai vu qu’une simple centrale représentait un risque si important, ce jour-là, j’ai complètement changé d’avis. On ne peut pas envisager une industrie avec des risques aussi énormes. 50 millions d’habitants, c’est 40 % de la population japonaise. Le centre du pays serait devenu complètement inutilisable. Pire que quand le Japon a perdu la guerre. Ce jour-là, quand j’ai compris que ce risque était présent, j’ai changé à jamais. »

Les faits et gestes de Naoto Kan sont critiquables. Le bilan de son exercice du pouvoir doit être envisagé avec distance. Mais son alerte possède la simplicité formelle du rescapé d’un désastre. Les mots de son témoignage sont lourds de sens. Ils engagent la responsabilité de celles et ceux qui les écoutent, à commencer par, espérons-le, le gouvernement et le chef de l’État français.

Fukushima: Sept ans de malheur …

Sept ans de malheur nucléaire à Fukushima

(Image satellite mars 2011)

Si vous voulez aller vers des choses positives, je vous y encourage. Cultivez vos passions, mangez sainement, évitez les personnes toxiques, soyez optimistes, profitez des petits bonheurs de chaque jour, faites-vous plaisir. Mais si vous n’êtes pas en forme en ce moment, ne lisez pas cet article, ne fréquentez pas ce blog, car il donne la vérité toute crue sur Fukushima et le nucléaire en général, des choses dont on entend peu parler malgré leur gravité. En créant ce blog il y a sept ans, je ne visais pas autre chose que de présenter des infos qui ont du mal à circuler. Car elles dérangent, elles ne vont pas dans le sens que l’on aimerait, elles font mal, elles interrogent, elles remettent en question des connaissances que l’on croyait acquises. Car le nucléaire, qui a été présenté à l’origine comme la solution à tous les problèmes de la terre, est un enfer. Un enfer pour les populations civiles qui ont subi le feu nucléaire en 1945, un enfer pour les gens contaminés dans et autour des mines d’uranium, un enfer pour les populations malades sur d’immenses territoires suite aux essais atmosphériques et aux catastrophes nucléaires, sans que l’OMS ne s’en occupe, un enfer pour les gens qui ont des cancers à cause du fait qu’ils vivent près d’une centrale nucléaire prétendument propre, un enfer pour les milliers de travailleurs de Tepco qui « gèrent » au mieux les ruines de la centrale de Fukushima Daiichi, un enfer pour les réfugiés nucléaires que le gouvernement japonais incite à revenir vivre dans des territoires contaminés.

Voilà sept ans que la catastrophe de Fukushima a eu lieu, sept ans de malheurs que les auteurs de ce blog vous ont contés. Et pourtant, la catastrophe ne fait que commencer. Car la pollution nucléaire se compte en centaines, en milliers, en millions d’années selon les radionucléides. Il faudra faire avec désormais. C’est pourquoi, si l’on veut penser un tant soit peu aux générations futures, il est important de sortir du nucléaire pour arrêter de produire des déchets dont on ne sait que faire et surtout, avant qu’une nouvelle catastrophe, possiblement fatale pour l’avenir de l’humanité, ne se produise.

Pierre Fetet

Le nombre de cancers de la thyroïde augmente sans cesse

La seule enquête épidémiologique existante au Japon en rapport avec la catastrophe nucléaire de Fukushima concerne un diagnostic réalisé pour environ 380 000 jeunes, mineurs au moment de la catastrophe. Avant 2011, l’incidence du cancer de la thyroïde des enfants au Japon était de 0,35 cas par an pour 100 000 enfants ; un seul nouveau cas de cancer de la thyroïde de l’enfant chaque année devait donc advenir dans la préfecture de Fukushima. Or, à ce jour, 160 cas de cancer thyroïdien sont confirmés et 35 enfants sont en attente d’une opération. Malgré ce résultat significatif, l’Université de Médecine de Fukushima affirme que la catastrophe nucléaire de Fukushima n’a pas eu d’influence sur l’augmentation des cancers de la thyroïde des enfants. Cherchez l’erreur.

Répartition géographique des cas de cancers de la thyroïde

Pour en savoir plus, je vous encourage à lire l’étude réalisée par le Dr Alex Rosen, médecin, président de l’IPPNW-Allemagne (International Physicians for the Prevention of Nuclear War) et publiée le 7 mars 2018

Lien vers la traduction française de l’étude détaillée,

éditée dans le site de Georges Magnier, Vivre après Fukushima

La pollution due aux rejets de mars 2011 s’est répandue sur des centaines de km²

On retrouve autour de la centrale et jusqu’à des centaines de kilomètres de la centrale du combustible usé prisonnier de billes de verre microscopiques. Les plus petites de ces particules, insolubles, sont très légères et peuvent voyager avec le vent. On peut donc les inhaler. Une fois logées dans des poumons, elles sont piégées à vie et peuvent alors provoquer des cancers.

On ne connaît pas bien le processus de création de ces microbilles qui ont été rejetées dans l’atmosphère en mars 2011, mais elles existent et posent un véritable problème sanitaire. Mais les autorités ne tiennent pas compte de cette pollution. L’incitation au retour des populations dans les territoires contaminés n’est basée que sur la dose ambiante et jamais sur la pollution effective du sol ou les matières en suspension dans l’atmosphère. D’où l’intérêt des mesures des taux de radioactivité par les citoyens eux-mêmes.

Pour en apprendre davantage sur les billes de verre au césium, il faut lire l’article de Cécile Brice publié dans son blog Japosphère le 7 mars 2018 :

Billes de césium à Fukushima, incertitude scientifique contre certitude politique

Nous avions déjà évoqué cette information en février 2016 avec cet article :

Un nouveau produit dérivé de la fusion des cœurs a été découvert au loin de la centrale de Fukushima Daiichi

A propos de la pollution et des doses mesurées différemment par les autorités et la population, je vous invite à vous reporter au site Nos Voisins Lointains 3.11 qui suit de près ce dossier et publie les cartes citoyennes :

Le public devrait-il être autorisé à voir la carte de la radio-contamination ?

Dernière carte de la pollution radioactive effeectuée par des citoyens pour Tomioka

Fukushima : quand les médias …

Fukushima : quand les médias francophones passent à côté des 7 ans de la catastrophe au Japon

Jean-François Heimburger
Jean-François Heimburger

Le Japon a-t-il bien tiré les leçons de la catastrophe du 11 mars 2008 ? (Source : South China Morning Post)Le Japon a-t-il bien tiré les leçons de la catastrophe du 11 mars 2008 ? (Source : South China Morning Post)

Mokutô. Dimanche 11 mars 2018 à 14 h 46, un peu partout au Japon, les habitants se sont recueillis à travers cette « prière silencieuse », pour consoler et calmer l’âme des victimes de la catastrophe de l’est du Japon. Sept ans auparavant, un séisme s’était produit au large des côtes nord-est de l’Archipel, engendrant un tsunami qui a dévasté plusieurs centaines de kilomètres de littoral et emporté la vie de milliers d’habitants. Ce phénomène a également provoqué un accident grave à la centrale nucléaire de Fukushima 1.

Les conséquences humaines sont très lourdes. Le séisme et le tsunami ont provoqué la mort ou la disparition de 18 434 personnes selon la police, principalement dans trois départements : 58 % à Miyagi, 31 % à Iwate et 10 % à Fukushima. Depuis, d’après l’Agence de reconstruction, 3 647 personnes sont également décédées indirectement, suite à l’aggravation de blessures ou de maladies, et 73 349 habitants étaient toujours évacués en février dernier, dans des logements provisoires, chez des proches ou dans des établissements hospitaliers.

Les médias japonais ont largement couvert les événements organisés ce dimanche. Ils ont traité des commémorations dans tout le pays, mais aussi de la situation de la reconstruction dans les zones sinistrées, de la vie des personnes évacuées ou encore de la prévention des catastrophes. Si des informations sur les conséquences de l’accident nucléaire et les quelques manifestations ont également été diffusées au Japon, c’est principalement sur ce sujet que les médias francophones ont concentré leur intérêt. En témoigne le terme de « catastrophe de Fukushima », majoritairement employé pour parler, improprement, des dégâts provoqués par le séisme et le tsunami. Précisons qu’au Japon, les médias utilisent à juste titre les termes de « Higashinihon daishinsai », c’est-à-dire de « catastrophe sismique de l’est du Japon », et de « Genpatsu jiko », « accident nucléaire ».
Regardons de près le contenu des informations francophones. Trois dépêches de l’Agence France Presse ont été diffusées et reprises ce 11 mars par les sites de presse en ligne. Un article (« Le Japon se souvient sept ans après le tsunami et la catastrophe nucléaire« ) portait sur la commémoration et la catastrophe en général. Deux autres articles (« Japon : la situation à la centrale de Fukushima 7 ans après le tsunami » et « Au Japon, des particuliers surveillent la radioactivité« ) avaient pour thème les conséquences de l’accident nucléaire. Le premier était près de deux fois plus court que chacun des deux autres.
Ne pas avoir diffusé ce jour-là un article plus consistant sur les conséquences de la catastrophe, sur les difficultés économiques et sociales dans toutes les régions sinistrées, sur les leçons tirées ou non, ou encore sur l’état de la préparation de la population à faire face à de futurs désastres, tout cela interroge. D’autant plus au regard de l’importance de l’Agence France Presse dans le paysage médiatique, cet organisme nourrissant largement les nombreuses rédactions francophones.
La diffusion de ces articles par les sites de presse en ligne est par ailleurs révélatrice du traitement déséquilibré des informations. Ils ont ainsi été nettement plus nombreux à diffuser l’article sur la situation à la centrale nucléaire que le premier sur le souvenir.
À part ces dépêches, certaines rédactions ont également publié ces derniers jours des articles et reportages propres, pour la plupart consacrés en priorité à la question du nucléaire. Celle-ci est évidemment importante. Mais pourquoi ne pas avoir accordé de la place aux autres sujets ? Pense-t-on que cela intéresse moins les lecteurs francophones ? Y a-t-il d’autres raisons ?
Par Jean-François Heimburger

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