Fukushima, la Vie Plus Pareille
Un séisme dévastateur, un tsunami submergeant suivi de l’explosion de trois réacteurs nucléaires. Au delà du film catastrophe, l’impact et les conséquences sont autrement plus réels pour la population nippone en général, et les habitants de la préfecture de Fukushima en particulier. Dans ce dernier volet, nous vous proposons de faire le point sur la situation civile.
Décontamination et réhabilitation sont leur lot commun quotidien depuis cette crise japonaise, la plus grave survenue depuis les bombardements de Hiroshima et de Nagasaki. Derrière la reconstruction au jour le jour de leur territoire, l’objectif d’être soudés devant les regards internationaux, l’intérêt olympique des jeux de 2020 porté comme étendard de l’unité nationale.
Tout juste remis. A peine. Et déjà un nouveau tremblement de terre plus intensif est envisagé à court ou moyen terme sur la péninsule. Ce qui n’est pas du tout pour rassurer une population durement frappée et encore traumatisée de l’épisode 2011. Près de 15 000 personnes auront en effet perdu la vie lors de cette triple catastrophe. D’autres encore seront décédées de causes indirectement liées au tremblement de terre et au tsunami dans les jours qui ont suivi (le chiffre est estimé à environ 3500, auxquelles peuvent sans doute être ajoutées 2600 personnes toujours portées disparues).
Mais, une fois les accidents clos et les dégâts matériels répertoriés, les conséquences perdurent. Et pas seulement pour les intervenants directs du site nucléaire de Fukushima-Daiichi occupés à la maîtrise complète des réacteurs. Soixante-quatre d’entre eux sont d’ailleurs décédés des suites de leur travail, selon les chiffres officiels. Aussi, des résultats du groupe de recherche INWORKS (Ionising radiation and risk of death from leukemia and lymphoma in radiation-monitored workers) avancent même que le risque de mortalité par leucémie ou myélome multiple de ces travailleurs après exposition à des faibles doses est désormais avéré. Le chiffre est donc certainement amené à évoluer défavorablement. Quid de la vie quotidienne des civils ?
Mon toit de chaume pour une vie normale
Oui, c’est la population civile qui est à nouveau aux premières loges, comme sempiternellement en temps de guerre. Dans des conditions où le secret le dispute au mutisme institutionnel, la plupart de l’actualité de cette catastrophe nucléaire échappe à la majorité des japonais eux-mêmes. Dès le 11 mars 2011, une fois l’état d’urgence déclaré, tous les résidents ont été évacués, dans un rayon de 3 kilomètres de la centrale.
Puis 10.
Et enfin 20 kilomètres !
Soit le déplacement d’environ 100 000 personnes émigrées des zones menacées par l’émission de radioéléments, déplacées à l’intérieur ou l’extérieur du département.
Car une grande quantité d’éléments radioactifs se sera déversée dans l’environnement. Selon le rapport remis par le gouvernement japonais à l’agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), une quantité de Césium 137 équivalent à 168 bombes atomiques a été libérée dans l’atmosphère à la suite de cet accident (le césium 137 est un des éléments radioactifs les plus nocifs pour l’environnement et la santé ; il faut 30 ans pour réduire sa quantité de moitié, soit si le calcul ne vous effraie pas, 100 ans pour que sa valeur plafonne à 10%).
Par la suite un zonage tenant compte des différents niveaux de contamination a dû inévitablement être établi par les autorités. Zonage en des cercles concentriques. Mais voilà, depuis Tchernobyl, nous savons que ce modèle ne s’applique pas à une catastrophe nucléaire : la contamination est liée aux aléas des vents, des précipitations… et dès lors, la contamination s’éparpille en des taches, avec ses zones dites « chaudes » plus radioactives. On est donc loin de la configuration en disques.
Il n’en reste pas moins que trois grandes zones sont définies selon cette méthode : la « zone de préparation au retour » (1 à 20 milliSievert/an) à décontaminer en priorité et dans laquelle les rescapés ont été invités à revenir ; la « zone d’habitation limitée » (20 à 50 mSv/an) où le retour n’est prévu qu’après décontamination ; la « zone de retour difficile » (où la contamination est supérieure à 50 mSv/an, si fortement touchée que le gouvernement s’est déclaré officiellement impuissant) au nord-ouest de la centrale où tout retour est aujourd’hui impossible. L’objectif affiché était de faire baisser la dose annuelle de 50% en deux ans dans ces deux premières zones et à terme que la radioactivité n’y excède pas 1 mSv/an, soit pour rappel la dose annuelle maximale de radiations d’origine artificielle recommandée par la Commission Internationale de protection contre les radiations (CIPR). Le gouvernement misait parallèlement à ce que la radioactivité baisse de 40% de manière naturelle…
Début 2018, la superficie des zones toujours évacuées était encore de 370 km2 (sur lesquelles vivaient 21 000 personnes avant l’accident ; elle était de 1150 km2 en 2013 et concernait 81 000 personnes avant l’accident).
La décontamination à marche forcée
Pourquoi décontaminer alors que la centrale rejette encore des poussières dans l’atmosphère vous demandez-vous ? Oui, l’idée peut paraître saugrenue de prime abord. Mais l’objectif du gouvernement était de rapidement contrecarrer le sentiment de perte définitive de terres agricoles et de zones d’habitation.
Si bien que fin décembre 2011, dès la fin de l’état d’urgence et le début de la réhabilitation, les mêmes opérations que celles lancées à Tchernobyl sont activées : des tournesols sont plantés, censés absorber le Césium (contaminés à leur tour, ils deviennent dans le même temps des déchets nucléaires), des opérations de décontamination se mettent en place, consistant à ratisser, creuser, racler la terre contaminée.
Seulement, devant la quantité de déchets à traiter, les stations d’épurations et les centres d’incinération ne suffisent plus (et se transforment également eux-mêmes en déchets, vous avez compris le principe). Leurs boues radioactives sont carrément vendues comme engrais et disséminées à travers tout le pays.
Dès 2015, on dénombrait déjà 700 000 tonnes de déchets nucléaires autour de la centrale de Fukushima Daiichi… Et, vaste chantier oblige, les déchets sont destinés à croître en proportion : les autorités en attendent 22 millions de mètres cubes après incinération des déchets organiques. D’ici 2021, ce ne sont pas moins de 15,2 millions de mètres cubes qui devraient être entreposés provisoirement sur un site communal de 16 km2 entourant la centrale accidentée. Que de chiffres incommensurables… Disons, grosso modo, que les déchets s’entassent un peu partout, parfois à perte de vue. A tel point que ces milliers de sacs contenant des tonnes de terre contaminée sont répartis sur plus de 115 000 sites en la préfecture de Fukushima, principalement en bord de mer. Devant le volume ingérable, décision exceptionnelle a été prise de réutiliser les débris en-deçà d’une certaine valeur de radioactivité (8 000 Bq/kg si vous tenez à le savoir) pour la construction des routes et autres travaux relatifs aux ponts et chaussées dans l’ensemble du pays. Devant la situation, il s’agit en fait pour chaque préfecture de faire montre de patriotisme (d’esprit de sacrifice ?) et de prendre sa part de déchets, les stocker et les traiter.
Officiellement, la décontamination serait presque terminée. Hormis les zones dites de « retour difficile ». Comment s’effectue donc pratiquement cette décontamination ?
Les travailleurs dans des zones d’irradiations fortes, les zones à risques, ne sont pas les salariés officiels de Tepco (la multinationale japonaise en charge de l’exploitation de la centrale de Fukushima-Daiichi). Ils sont des sous-traitants. Au Japon, il y a carrément jusqu’à dix étages de sous-traitance, de quoi diluer les responsabilités. La gestion et le contrôle de la santé des travailleurs concernés (6 000 personnes tous les jours !) sont assez fluctuants et hasardeux (peu d’informations sont disponibles concernant les premiers liquidateurs, la dosimétrie n’étant pas totalement fiable, et de nombreux intervenants ayant disparu des registres quand ils sont existants ; d’autres se voient imposer des clauses de confidentialité). Ce qui n’est pas sans incidence sur une partie particulière de la population : les « burakumins », une sorte de caste inférieure comparable aux intouchables indiens, recrutés par la mafia japonaise, véritable chair à neutrons. Enfin, nous trouvons également des travailleurs étrangers affluant en masse, attirés par les primes et pas toujours dans la légalité. Au final, une gestion du risque sanitaire à long terme rendue difficile pour cette catégorie de travailleurs.
La décontamination, objectif principal pour le gouvernement nippon, a mobilisé jusqu’à 3 milliards de dollars. Pour l’instant. Trois géants du BTP (bâtisseurs des centrales…) sont chargés de décontaminer une superficie de 20 000 km2 (vous connaissez la Slovénie ?). Afin de permettre ce travail spécifique, le gouvernement a relevé le seuil maximum d’exposition à 20 mSv/an (seuil appliqué aux seuls travailleurs du nucléaire selon les normes en vigueur internationalement ; pour le public, ce seuil est normalement de 1 mSv).
Mais les travailleurs salariés ne suffisent pas à venir à bout du sacerdoce. Si bien que ce sont parfois les municipalités et les habitants eux-mêmes qui doivent décontaminer. Il faut dire que le gouvernement a fait voter une loi sur mesure en août 2011 : elle oblige les habitants à participer à la décontamination, ni plus ni moins. Dans chaque quartier, les résidents raclent donc les surfaces du sol, nettoient à l’eau les bâtiments et coupent les branches des arbres. Les déchets sont parfois transportés dans leur véhicule personnel.
Afin de réhabiliter cette zone économique, l’efficacité est rendue prioritaire : la préfecture de Fukushima est en effet une région agricole des plus fertiles et la laisser incultivable obligerait à indemniser des dizaines de milliers de personnes pour la perte définitive de leurs lieux de vie et de travail.
Mais voilà, aucun désinfectant n’existe pour venir à bout des radiations, aucun moyen technique ne permet d’annuler la radioactivité. Elle ne fait au mieux qu’être déplacée. Ainsi, lessiver une surface radioactive revient à produire de l’eau radioactive. Épousseter un objet radioactif rendre un chiffon radioactif. Brûler des branches radioactives disperser une fumée radioactive dans l’atmosphère. On ne vient pas à bout de la radioactivité comme on tue un germe. Mais alors, comment décontaminer un territoire ?
Ce qui prime est de mettre en avant la solidarité générale. Comme lors de l’accident de Tchernobyl, il s’agit d’intervenir sur les sols et les surfaces dans les villes et villages, comme les toits, les murs et les revêtements routiers, arracher la végétation, enfouir la couche supérieure de terre… Malheureusement, lessiver des tuiles ou du béton ne permet pas de venir à bout du césium déposé.
« Nous enlevions la couche contaminée de la terre, la chargions dans des camions et la transportions dans des “sépulcres”. Je croyais au début que les “sépulcres” étaient des constructions compliquées, conçues par des ingénieurs, mais il s’agissait de simples fosses. Nous soulevions la terre et l’enroulions comme un tapis… l’herbe verte avec les fleurs, les racines, les scarabées, les araignées, les vers de terre… Un travail de fous. On ne peut quand même pas éplucher toute la terre, ôter tout ce qui est vivant. Si nous ne nous étions pas soûlés à mort toutes les nuits, je doute que nous eussions pu supporter cela. L’équilibre psychique était rompu. Des centaines de kilomètres de terre arrachée, dénudée, stérile. Les maisons, les remises, les arbres, les routes, les jardins d’enfants, les puits restaient comme nus… », extrait de La Supplication, témoignage d’Ivan Nikolaïevitch Jmykhov, ingénieur chimiste soviétique lors de l’épisode post-catastrophe de Tchernobyl (Lattès, Paris, 1998)
Qu’importe. Suivant les instructions du gouvernement, la municipalité de Fukushima a publié un manuel d’auto-décontamination à l’usage de ses résidents. D’abord effeuiller tous les arbres du jardin particulier, déraciner buissons, plantes et gazon, ramasser pierres et cailloux ; puis pelleter la terre de surface à hauteur de cinq à six centimètres sur toute la surface du terrain ; enfin, mettre le tout dans des sacs en plastique et les enterrer sous une grande bâche. Et, malgré les préconisations du ministère japonais de l’Environnement de se munir d’un masque et d’une combinaison anti-radiations (à l’instar des liquidateurs travaillant à la centrale), les travaux de décontamination menés à l’échelle locale par des associations de riverains ou des compagnies de sous-traitance ne donnent lieu qu’à des distributions de masques de gaze, de gants de vaisselle et d’anoraks. Ersatz de protection.
Mais les affichages sont formels : tous doivent contribuer à « la reconstruction de [leur] région ». Ce qui pour beaucoup constitue aussi une unique opportunité d’embauche locale rémunérée pour de « banales opérations de nettoyage ». Parfois, ce sont carrément des lycéens qui sont sollicités pour nettoyer les terrains de sport de certaines écoles de la ville. Ou comment dédramatiser un travail de décontamination en faisant participer des enfants.
Malgré cette élan national, les éléments jouent parfois encore en défaveur : l’eau radioactive (au tritium), par débordements, se déverse toujours dans l’océan, bien malgré les tentatives de récupérations et de filtrages (en février 2014, ce sont cent tonnes d’eau radioactive ayant servi pour le refroidissement qui s’étaient déversées des réservoirs vers l’océan Pacifique ; d’innombrables fuites d’eau similaires sont également à déplorer, jamais officiellement). Mais, pour ne pas obérer du moral de la population, les plages rouvrent parallèlement, cependant que des éléments sont retrouvés beaucoup plus au nord de l’océan, au niveau de l’Alaska. Au point que l’AIEA elle-même demande des actions ciblées et efficientes. Il n’empêche, devant l’accumulation débordante des eaux contaminées, le Japon a autorisé des relâchements dans l’océan.
Livrés à eux-mêmes pour gérer les conséquences de cette catastrophe dans leur environnement, les résidents se sont organisés en une association référençant 47 départements du Japon. Le Projet 47 (c’est son nom), combine à la fois aide d’urgence avec distribution de nourriture, de vêtements… et information indépendante des autorités. Elle s’appuie notamment sur les chiffres relevés par les compteurs Geiger qu’elle a pris soin de distribuer et dont elle publie les résultats.
La radioactivité s’invite chez vous
Plus des deux tiers du département de Fukushima sont composés de montagnes, forêts et bois. Les éléments radioactifs suspendus aux feuillages, accrochés aux écorces et incrustés dans la terre se déplacent au gré du vent, des écoulements pluvieux, de l’érosion et reviennent inexorablement polluer villages et habitations déclarés décontaminés. Comment expliquer alors qu’une partie des habitants soit tout de même retournée au village ?
Des indemnités étaient versées par Tepco aux évacués, logés dans des préfabriqués dans lesquels les conditions de vie sont très difficiles. Mais depuis août 2012 et l’annonce de la prétendue fin des travaux de décontamination, le versement mensuel des 100 000 yens (715 euros environ) a été suspendu, comme pour les sinistrés de Kawauchi par exemple.
La réouverture de telles parties de la zone d’évacuation entraînant automatiquement la fin des indemnités de logement accordées, ainsi que l’expulsion des habitants des cités de logements provisoires, on comprend l’empressement des autorités à « réhabiliter ». Après des travaux de décontaminations, outre Kawaushi, ce sont aussi les communes de Tamura, Nahara, Katsuaro, Minamisoma, Namie, Kawamata, Itate, Okuma et Tomioka qui ont été réouvertes (mais pas toujours pour la totalité de leur territoire). Ce qui n’a pas été sans provoquer la colère des réfugiés, voire des jalousies entre sinistrés compte tenu des zones diverses concernées selon une forte hétérogénéité de critères. A terme, plus les travaux de décontamination avancent, plus les sinistrés seront rappelés à « rentrer chez eux » et verront leurs indemnités versées par Tepco interrompues.
Depuis mars 2017, l’aspect financier ne cesse d’être occulté. Mais le gouvernement n’est pas sans considérer également le volet économique. Car vider l’ensemble d’une zone contaminée, c’est en détruire irrémédiablement son économie. Il convient alors de soutenir coûte que coûte l’économie locale, les producteurs de la région agricole sinistrée. Et du riz excédant les standards sanitaires, pourtant aux seuils relevés, est par exemple vendu sur les marchés.
Iitaté, village témoin
Prenons l’exemple d’un village de la préfecture de Fukushima. Iitaté. Cas d’espèce pour lequel un documentaire a d’ailleurs été consacré : Iitaté, chronique d’un village contaminé (du réalisateur Doi Toshikuni).
Situé à environ 45 kilomètres de la centrale, il a été extrêmement contaminé. Ses habitants n’ont été informés de l’état de contamination qu’un mois après l’accident et ont alors été forcés d’abandonner immédiatement les lieux (6 000 personnes vivaient à Iitaté avant l’accident, 400 maintenant). Depuis, Iitaté a pu bénéficier d’un investissement colossal de plus d’ 1,7 milliard d’euros pour la reconstruction des divers équipements publics. Un budget énorme, en vue de faire revenir tous les habitants. Les autorités insistant sur les conséquences radioactives qui ne seraient pas si importantes que ça, si tant est que les habitants voulaient bien faire attention à ne pas manger d’aliments contaminés, à ne pas passer dans tels ou tels quartiers un peu contaminés (les tâches « chaudes »). Seulement, la population vivait majoritairement de la terre, le département étant l’un des plus importants centres agricoles et ce village un foyer de l’agriculture biologique.
Malgré une baisse naturelle du taux de contamination environnementale, celui‐ci est encore par endroit 10 à 20 fois supérieur au taux d’avant l’accident. Selon Tetsuji Imanaka, professeur en physique du nucléaire à l’Institut de recherche sur les réacteurs nucléaires de l’université de Kyôto, la politique du refuge reste d’actualité, d’autant qu’il est totalement impossible d’enlever la contamination des montagnes environnantes. Ce chercheur a donc mené une étude de contamination dans le village.
Les niveaux de rayonnement mesurés à 130 endroits ont été effectués à l’intérieur d’une fourgonnette parcourant le village. Des échantillons de sol ont également été prélevés à cinq endroits et soumis à une analyse par rayons gamma. Un taux d’exposition aux rayonnements supérieur à 20 μSv/heure a été observé dans le sud du village, avec des tâches à 30 et 45 mS/heure. Ce qui en fait une zone très contaminée. Les radionucléides volatiles tels que l’Iode et le Césium sont les principaux composants de la contamination radioactive. Des traces d’isotopes de strontium et surtout de plutonium provenant de l’accident ont également été confirmées dans plusieurs échantillons de sol, dont le niveau était inférieur aux retombées mondiales. Le village n’était pas averti de cette importante contamination. Les travaux de décontamination ont débuté en 2014. Cinq centimètres du sol agricole a été ôté et cela a occasionné 2,3 millions de sacs de déchets dans ce village. La levée de l’ordre d’évacuation a été effectuée en avril 2017. Seules 800 personnes étaient revenues en octobre 2018. Les forêts et collines n’ont pas été décontaminées et l’exposition y est encore très forte, ne deviendra tolérable qu’après cent ans. Les effets sanitaires y sont latents, les dégâts sanitaires n’étant pas immédiats.
Mais alors, quelles conséquences sur la santé de cette contamination avérée ?
Retombées grisâtres sur la santé
Les conséquences sanitaires de l’accident ont concerné en premier lieu le Japon. Dans les autres pays, elles ont été beaucoup plus réduites, voire négligeables en Amérique et en Europe. Au Japon, les contaminations ont essentiellement touché les alentours de la centrale, le nord-ouest, les préfectures autour de Fukushima et à un moindre degré Tokyo et ses millions d’habitants.
Les premières mesures ont porté sur le contrôle de l’eau, des aliments et de leur vente. Dans les premières semaines qui suivirent l’accident, la principale contamination dont il fallait se protéger était celle de l’iode 131, amené à disparaître en quelques semaines, mais qui pénètre la chaîne alimentaire rapidement. Trois mois après l’accident, trois types de denrées présentaient encore une contamination significative en césiums radioactifs (134 et 137), dépassant occasionnellement les niveaux maximaux admissibles : les pousses de bambou, des feuilles de thé vert et les abricots du Japon. Six ans après l’accident, la radioactivité des productions agricoles des territoires concernés sont largement en dessous des seuils, sauf rares exceptions (certains champignons par exemple). Il en va de même pour la pêche en eau vive, mais la pêche de poissons dans les fonds sédimentaires à proximité du site reste interdite en raison de la fixation du césium dans ces sédiments. Pour tous les aliments suivis depuis 2011 (céréales, fruits et légumes, viande, lait …), les taux de contamination totaux ont diminué pour atteindre un taux négligeable, rendant possible leur consommation. Tous les résultats obtenus ont révélé des niveaux en-deçà de la limite de 100 becquerels par kilo instaurée par les autorités japonaises. Une évaluation par l’UNSCEAR des niveaux et des effets de l’exposition aux rayonnements due à l’accident nucléaire a été menée en complément.
Mais quels sont les risques de contracter des cancers après ces contaminations de l’air, des sols…? Les expositions à la radioactivité auxquelles a été soumise la grande majorité de la population au Japon appartiennent au domaine dit des « faibles doses ». Un domaine de rayonnements dont les conséquences ne font pas encore consensus dans la communauté : les scientifiques ignorent encore s’ils induisent ou non des cancers. Au nom du principe de précaution, les organismes de radioprotection font l’hypothèse que c’est le cas. Ils se basent alors pour calculer le nombre de cancers à venir sur une règle appelée « relation linéaire sans seuil« . Ce qui ne satisfait pas tout le monde. Le rapport BEIR VII démontre bien quant à lui que les probabilités de cancer tardif suite à une irradiation de 1 mSv sont de 1/100 000. Mais tout cela doit certainement encore être consolidé pour devenir une affirmation.
Pour le moment, il est peut-être trop tôt pour savoir si d’éventuels cancers se déclareront d’ici quelques années. Une étude épidémiologique de grande ampleur a été lancée dès 2011 sur les effets des radiations à faibles doses sur les résidents de la préfecture de Fukushima. Plus de 2 millions de personnes seront médicalement suivies pendant trente ans.
Un bilan thyroïdien (échographie, puis biopsie en cas d’anomalie) a été réalisé par l’Université médicale de Fukushima (FMU) immédiatement après l’accident sur les enfants alors âgés de 0 à 18 ans, soit près de 300 000 personnes présentes dans la préfecture de Fukushima au moment de la catastrophe. Des campagnes d’analyses sont effectuées tous les deux ans afin de constater une éventuelle augmentation des cas. La première campagne a débouché sur la détection d’une tumeur cancéreuse retirée pour 98 enfants et 197 atteints d’une tumeur maligne. Il n’y avait alors aucun lien de causalité décelable entre les retombées radioactives et l’incidence des cancers de la thyroïde. Une autre campagne a révélé 116 cas atteints ou suspectés de tumeurs malignes (102 ont subi une intervention chirurgicale, confirmant le diagnostic pour 101 d’entre eux). D’ordinaire, l’incidence du cancer thyroïdien ne dépasse pas 3 sujets sur 1 million, contre 0.04 % ici. Dans le cas de Fukushima, ce taux s’avère donc plusieurs de dizaines de fois supérieur à la normale, comme le confirmera la commission d’experts dans son rapport provisoire.
Environ 270 000 enfants ont été soumis à un examen de la thyroïde lors d’une seconde campagne de dépistage menée de 2014 à 2017. Parmi eux, 59 ont été diagnostiqués ou suspectés, 34 subissant une intervention chirurgicale qui confirmera le diagnostic. Soit un taux élevé de nodules tumoraux de la thyroïde chez les enfants âgés de 18 ans ou moins au moment de l’accident. Cependant, et c’est le problème des dépistages, il peut révéler des cancers thyroïdiens qui n’auraient pas progressé et n’auraient jamais été diagnostiqués en l’absence d’examen : c’est ce que l’on nomme le sur-diagnostic, qui pourra être levé lors des campagnes suivantes. Et l’IRSN de conclure pour l’instant en ces termes : « il est encore prématuré de se prononcer sur une éventuelle augmentation des cancers de la thyroïde consécutive à l’accident, […] mais plusieurs éléments indiquent que la fréquence élevée de nodules tumoraux thyroïdiens observés dans la préfecture de Fukushima est liée à l’effet du dépistage plutôt qu’à un effet des rayonnements ionisants ». Une conclusion définitive, en termes choisis, qui dédouane de façon bienvenue les émissions dues à la catastrophe nucléaire.
De son côté, le professeur Tsuda et son équipe ont repris la totalité des données rassemblées d’octobre 2011 à juin 2015. Ils ont mené une étude comparative prenant en compte la moyenne connue de développement de cancer de la thyroïde sur l’ensemble du Japon par classe d’âge et par année afin de quantifier le rapport de causes à effets entre la pollution engendrée par les isotopes qui se sont répandus dans l’atmosphère après l’explosion de la centrale et l’accroissement du nombre de cancer de la thyroïde chez les enfants de moins de 18 ans dans la région.
« Si l’on fait une comparaison avec la moyenne nationalement connue, on en déduit que le taux de cancer de la thyroïde des moins de 18 ans a été multiplié par 50. Dans les endroits où le taux est naturellement faible, on trouve une multiplication par 20 fois du nombre de cancer de la thyroïde. Dans les localités où le taux était le plus faible, nous n’avons pas encore détecté de cas de développement de cancer de la thyroïde »
Ce qui va à l’encontre du rapport de l’Organisation Mondiale de la Santé de 2013qui sous-estimait les conséquences sanitaires de l’explosion de la centrale de Fukushima. Et favorisait la volonté des autorités d’avoir autorisé les familles réfugiées à revenir habiter leur habitation en zone contaminée.
En attendant, le Conseil des droits de l’homme des Nations Unies (UNHRC) s’est inquiété de la continuité à fournir un suivi sanitaire régulier, du respect des droits des femmes enceintes, de celles en âge de procréer et des enfants en ramenant par précaution la dose admissible de rayonnement à la limite de 1 mSv/an comme il est d’usage internationalement pour les civils.
Et s’ils y mettaient aussi un peu du leur ?
Dans le contexte post‐Fukushima, de nombreuses initiatives citoyennes rapidement mises en place pour mesurer et diffuser les informations ont dans un premier temps été méprisées par les autorités voire contre-carrées : les populations n’ont pas été informées des données du logiciel météorologique Speedi qui modélisait en temps réel les probables retombées radioactives de la catastrophe. Aussi, l’Agence nationale de météorologie a imposé aux universitaires de cesser de diffuser des données relatives à l’extension des radiations sur leurs sites. Le 18 mars 2011, soit quatre jours après l’explosion du réacteur n°3 de Fukushima Daiichi, le cabinet du Premier ministre a d’ailleurs fait voter une loi modifiant le code pénal, afin de permettre au gouvernement d’enregistrer sans décision de justice des données de connexion à Internet pour une durée de soixante jours, dans le cadre d’un « renforcement de la lutte contre le crime international et organisé » et « contre les virus » mais dont les véritables finalités semblaient peut-être toutes autres…
In fine, ces initiatives citoyennes ont été tolérées. Des appareils de mesure ont été distribués aux citoyens pour identifier les points chauds dans leur municipalité. Car la protection radiologique des habitants est devenu un objectif des professionnels de santé.
« La culture du risque doit entrer dans les mentalités, par le biais de l’éducation, de la télévision… développer des politiques de communication du risque visant, particulièrement en cas de catastrophe nucléaire, à limiter tout mouvement de population, toute tension sociale et toute forme de désinformation liées aux effets sanitaires de l’exposition au rayonnement ionisant. Il s’agit aussi de construire de toutes pièces une forte justification sociétale permettant de garantir, grâce à des dialogues entre parties prenantes et des forums pluralistes, la pleine acceptabilité de la menace nucléaire »
Voilà bien l’essentiel du projet FAIRDO qui vise à faire rester ou revenir en territoires contaminés les populations victimes de catastrophes nucléaires. Un tel programme (Ethos de son petit nom) avait déjà été mis en œuvre à Tchernobyl dès 1986. Et c’est bien d’une réhabilitation de conditions de vie dignes ou d’une qualité de vie dont il est question. Ce programme de radioprotection en Biélorussie visait ainsi à faire vivre les populations en zone contaminée, via des recommandation de la CIPR. C’est dans cette droite lignée des travaux d’Ethos que les autorités nippones cherchent à maintenir les populations dans ces zones. Dès le 21 mars 2011, un rapport de la CIPR recommandait clairement : « quand la source des radiations est sous contrôle, des zones contaminées peuvent volontiers subsister. Les autorités devront ordonner toutes les mesures protectrices nécessaires pour permettre aux gens de continuer à vivre là, plutôt que d’abandonner ces zones ».
Les objectifs de cette phase post‐accidentelle sont explicites : optimiser les capacités d’auto-organisation des populations dans un contexte de « crise » nucléaire. La contamination radioactive et ses dégâts devant faire l’objet d’une appréciation individuelle fondée sur une perception subjective. Soit, protéger les citoyens mais aussi les habiliter à construire leur propre projet de vie dans cet environnement contaminé. Cela en stimulant et encourageant les initiatives citoyennes et locales, on l’aura compris.
Cette politique se base sur le principe du ALARA (promis, c’est le dernier acronyme à retenir : ‘As Low as Reasonably Achievable’, c’est-à-dire ‘aussi faible qu’il est raisonnablement possible’ ce qui revêt un caractère éminemment relatif). Chacun est donc incité à rester vivre dans les zones contaminées tout en « optimisant » son exposition à la radioactivité en fonction du coût économique et social de sa protection. A défaut de les soigner, il s’agit de maximiser le nombre de personnes contraintes de suivre un protocole de contrôle et de mesure, afin de survivre dans la contamination à moindre coût. Un sens de l’adaptation « permettant d’éviter du stress et de l’hostilité », selon Jacques Repussard, Directeur Général de l’IRSN.
« Des arbitrages peuvent s’avérer nécessaires (par exemple protection sanitaire versus sauvegarde des activités économiques et sociales), et ils ne peuvent être résolus que dans les contextes locaux par les gens eux-mêmes », selon ce programme
Pour les opposants à ce genre de projet, il ne s’agirait ni plus ni moins que d’auto-expérimentations sur des populations. Ces programmes de cogestion que les japonais sont en train de tester correspondrait à une coexistence raisonnée avec la radioactivité, plus ou moins forte ou résiduelle, en s’adaptant quotidiennement à elle.
Cette ambition démesurée des adeptes de la résilience [fait passer] le négatif [pour] positif, et l’on pourrait même ajouter, […] qu’il devient « jouissif ». C’est toute l’ambition des « dialogues de la CIPR » à Fukushima, présidés par Jacques Lochard. Ces « dialogues », dans le pacte d’ignorance auquel ils proposent de souscrire au nom du primat de « la vie quotidienne », enjoignent à chacun de devenir « partie prenante » de sa propre irradiation, le tout dans un élan […] de « responsabilisation » et d’ « empowerment », selon Thierry Ribault.
Apprendre à vivre en zone contaminée sous contrainte radiologique, voilà l’essence des recommandations des autorités. Une fois passées les rétentions d’informations sur les données officielles, les mesures par les populations elles-même sont finalement jugées souhaitables, chacun devenant le gestionnaire de sa contamination, auto-gestionnaire de sa dose, comme le visait le programme Ethos, parmi d’autres programmes internationaux qui auront toujours suivi les contaminations radioactives accidentelles (nous vous faisons grâce de vous les lister, nous y reviendrons plus tard, à l’occasion du ‘Projet NHK‘…). Tout droit sorti de cette logique, Safecast est un réseau global dédié de capteurs mis en place afin de recueillir et partager des mesures de radiation pour habiliter les gens à gérer la situation grâce à des données relatives à leur environnement.
Vivre sur les sites de la catastrophe, c’est alors « l’oublier plus facilement ». Ce décor hostile est le lieu où chacun est « transformé en liquidateur et gestionnaire de sa propre contamination ». Selon Thierry Ribault, chercheur au CNRS, différentes phases sont à distinguer en pareil cas extrême : catastropher, liquider, évacuer, réhabiliter, banaliser.
Une thèse en cours d’élaboration (‘Reconstruire après Fukushima : responsabiliser et précariser par le risque‘) vise à étudier les conséquences de l’accident nucléaire de Fukushima sur les individus affectés par cette catastrophe à partir de la politique réalisée dans les territoires à risque sur le long terme. Rina Kojima y étudie la mobilité des personnes, qu’elles décident de partir, de rester ou bien de retourner dans un territoire à risques non spécifiés, en fonction de la désignation et de la redésignation des zones d’évacuation, puis de la levée des ordres d’évacuation. Via cette décision ou non de mobilité, y déceler le processus de prise de décision par ces personnes à partir de leur représentation du risque et des problèmes sociaux qu’elles vivent. Quel en est alors l’enchaînement dans la reconstruction individuelle et collective, le processus mobilisé par le gouvernement japonais depuis mars 2011 pour y parvenir ? Nous y reviendrons ultérieurement, patience (voir infra ‘Projet NHK‘).
Brèfle, les temps changent. Tchernobyl avait imposé une défense basée sur le déni de l’ampleur de la catastrophe, sur le secret des données. Aujourd’hui, Fukushima convertit à la transparence, dans une surabondance d’informations, parfois contradictoires d’ailleurs.
« Alone in Fukushima » est un film à la gloire de « l’étrange paradis peuplé de beaux animaux victimes des radiations » qui retrace cet état d’esprit, cette force résiliente, cette faculté de s’adapter. On y vénère les « personnes qui grandissent plus forts dans ces tragédies qui leur ouvrent d’autres voies et de nouveaux horizons ». Un support audiovisuel à la doctrine du ‘vivre avec’ la contamination radioactive.
Le sens de l’effort
Dans un peu moins d’un an, dès le 24 juillet 2020, les Jeux Olympiques débuteront. Plus de 11 000 athlètes s’y affronteront. Pour que la fête soit pleine et entière, une stratégique campagne de communication s’est donc focalisée sur l’acceptation du risque pour inciter au retour, en vue d’une « stabilisation » avant l’accueil des JO. Ainsi, un centre dans lequel les habitants apprennent les différents modes de décontamination possibles via des maquettes ludiques a été construit. Pour faire sens, le relais de la flamme olympique partira même de Fukushima le 26 mars 2020 pour un voyage de 121 jours dans les préfectures nippones, en pleine saison de floraison des cerisiers.
Depuis 2011, les Japonais ont mis tous les moyens en œuvre pour décontaminer la zone autour de la centrale. Sur les 1200 km2 interdits d’accès à l’époque, aujourd’hui le périmètre est ramené à 250 km2. Seuls 2,7 % du territoire de la préfecture de Fukushima resteraient contaminés selon les données officielles fournies. L’agriculture dans la région y serait revenue à la « normale » avec quelques restrictions. A titre d’exemple, le riz de cette région est à nouveau autorisé à l’exportation. L’objectif du gouvernement est bien de refaire de toute la région une zone à nouveau habitable, sans restriction aucune. Figure imposée car la préfecture de Fukushima accueillera les équipes de handball et les épreuves de base-ball. Alors même que le site Daiichi est toujours et pour longtemps en cours de démantèlement et vulnérable aux séismes et typhons…
La population a largement été autorisée à revenir sur une partie du territoire d’Okuma (une des localités hébergeant la centrale de Fukushima). Le repeuplement actif de la région s’accélère inexorablement à l’orée de la réception des JO. On active d’autant plus la population à regagner ses pénates que le versement des indemnisations aux 44000 évacués encore répertoriés se tarit. ‘Doit’ se tarir.
Le tourisme de masse post-catastrophique semble donner raison à la volonté de réhabilitation entreprise par les autorités japonaises et l’image saine qu’elles recherchent de la région. Et les JO du Soleil Levant de permettre au Japon de ne pas perdre la flamme. De garder espoir…
Projet HNK
Cette triple catastrophe a été analysée du point de vue institutionnel, avec la gestion gouvernementale ; du point de vue des intervenants directs situés au cœur de la centrale et dernièrement pour nous permettre d’en déceler les problématiques encore existantes et les solutions envisagées. Ahuris, nous découvrons dans cet ultime épisode que de cette situation chaotique l’État a la volonté indéniable de faire de ses habitants de Fukushima une force participative citoyenne et des co-gestionnaires du désastre.
Ce qui n’est pas sans relancer avec d’autant plus de virulence la critique antinucléaire, tant au Japon qu’en France. Et si les gouvernements japonais et français avaient annoncé dans un premier temps leur ferme volonté de tirer toutes les leçons de la catastrophe de Fukushima, ils tendent finalement l’un et l’autre vers une relance des centrales (le premier par la réouverture, le second par le prolongement des exploitations).
Quel est l’intérêt caché de ces quatre épisodes ? Tout simplement que Japon et France sont quelque peu semblables. En nombre de réacteurs et par la taille des entreprises du secteur, le Japon demeure la troisième industrie électronucléaire au monde après les Etats-Unis et la France. France et Japon, dans ce secteur, tant du point de vue de la volonté politique que de la technologie nucléaire mise en œuvre, sont intimement jumeaux. Cela n’est tellement pas nouveau que le partenariat est vieux de plus de quarante ans : le Japon avait depuis le début des années 1970 une convention de coopération avec la France en matière d’énergie nucléaire. S’y échangent depuis lors des savoir-faire, notamment au sujet des réacteurs.
Mais voilà, des catastrophes sont passées par là. Contre tout attente. Car, selon un discours véhiculé dès les débuts du programme nucléaire français, l’approche probabiliste promettait qu’une catastrophe nucléaire ne pouvait arriver que tous les 100 000 ans. Autant dire jamais à l’échelle de l’Homme. Depuis, l’accident de Tchernobyl a été imputé au facteur humain et à l’obsolescence du système soviétique ; celui de Fukushima au facteur naturel. Pour ne citer qu’eux. Et si chaque nouvelle catastrophe est censée développer d’autant la culture de sûreté et participer à son amélioration, le nucléaire semble bien devenir une industrie dangereuse comme une autre, au regard de ces statistiques. Contredisant donc par là même les projections probabilistiques évoquées.
Oui, il est désormais officiellement admis qu’il ne faut plus occulter la possibilité d’un tel accident en France.
Et cette gestion post-accidentelle dans un pays développé comme le nôtre n’est pas sans éveiller la curiosité. En France, le Comité directeur pour la gestion de la phase post-accidentelle (Codirpa) participe activement de cette logique de responsabilisation des citoyens érigés en co-gestionnaires. Oui, malgré la sûreté que les autorités souhaitent la plus efficiente possible, la fatalité de l’avenir nucléarisé et avec lui sa vie en zone contaminée en cas d’accident sont une situation que le gouvernement se doit d’anticiper : faire de l’éventuelle catastrophe un outil d’amélioration de la sûreté d’une industrie nucléaire aujourd’hui assumée comme irremplaçable. Il existe alors un destin commun entre les irradiés de Tchernobyl et ceux de Fukushima, par-delà les frontières et les cultures : celui du sacrifice. Quel serait le nôtre ?
Au sortir de ces quatre épisodes dédiés à la catastrophe de Fukushima, LaTéléLibre est intriguée et s’interroge : sur l’état des réacteurs français, sur la gestion des autorités en cas d’accident nucléaire. Entre autres. Plus généralement, la rédaction souhaite faire un état des lieux de cette industrie en France. Afin d’éclairer le débat actuel sur la prolongation des centrales. Celui de la gestion des déchets. Parmi tant de sujets que nous visons à aborder.
De ce projet, nous allons vous en expliquer les détails très prochainement : un site dédié sur cette grande thématique qui engage notre politique énergétique, notre avenir territorial, la santé des citoyens résidents… va être mis en ligne. Ce projet d’envergure, siglé HNK et balayant toutes les composantes du nucléaire en France, se nommera Homo nuclearus.
To be continued.
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