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Jour : 11 mars 2019

Les riverains de Fukushima…/

Les riverains de Fukushima n’osent pas revenir dans les zones officiellement décontaminées

Par Loïc Chauveau le 11.03.2019 à 15h57

Depuis la catastrophe du 11 mars 2011, l’IRSN suit les évolutions de l’opinion des citoyens directement impactés. Revenir dans son ancienne ville après la décontamination n’est pas une décision simple à prendre.

Fukushima
La centrale de Fukushima photographiée le 11 mars 2016, 5 ans après la catastrophe.
© NEWSCOM/SIPA

CONFIANCE. Ce programme qui allie l’Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN) et l’université japonaise Tokyo Tech s’appelle « Shinrai » soit « confiance » en japonais. Depuis 2014, il s’attache à comprendre les rapports qui se nouent entre les autorités en charge des conséquences de l’explosion des réacteurs nucléaires de la centrale de Fukushima et les habitants. Officiellement, tout se déroule au mieux. Selon la Préfecture de Fukushima, la zone d’évacuation totale n’est plus que de 371km² soit 2,7% de la surface de la Préfecture. De 165.000 évacués en 2012, on est tombé en décembre 2018 à près de 43.000 personnes qui ne peuvent toujours pas retrouver leur maison.

Au huitième anniversaire de la catastrophe, Shinrai publie un nouveau rapport qui montre combien le retour des populations dans leur ancien lien de vie est dans la réalité difficile. Les chercheurs suivent pas à pas 120 personnes via des entretiens personnalisés et recueillent leurs réactions aux décisions des autorités. Ils constatent ainsi que les retours vers la ville d’origine sont peu nombreux. En moyenne, 15% seulement des habitants sont revenus après la décontamination de leur quartier et l’autorisation des pouvoirs publics. À l’exception de la ville de Tamura qui a vu 80% de retour, d’autres agglomérations comme Kawauchi (28,5%) ou Naraha (31,8%) ont des taux bien plus faibles et dans des villes partiellement évacuées comme Tomokia et Namie, 4% seulement des habitants se sont réinstallés bien que les autorités assurent qu’il n’y a désormais plus de danger pour la santé.

Les anciens reviennent, pas les jeunes

MEDECINS. Le rapport Shinrai confirme ce que le gouvernement japonais redoutait. Le taux de retour des enfants des 9 municipalités concernées est de 8,6% seulement. La tendance est clairement identifiée par l’Agence publique de reconstruction : plus la personne concernée est jeune, moins elle a envie de revenir. Dans les entretiens, les maires semblent ne plus se faire d’illusions : les familles avec des enfants en bas âge ne se réinstalleront probablement pas. Le portrait du « revenant » est donc celui d’un homme d’environ 50 à 60 ans, en bonne santé, autonome, ayant une voiture, capable d’entretenir des relations de voisinage et dont les enfants sont adultes et vivent ailleurs.

Fukushima : huit ans…/

Fukushima : huit ans après, le coût astronomique de la décontamination de l’eau

Première publication : 11/03/2019 – 16:53

Des employés de la compagnie exploitante Tepco près du réacteur numéro 3 de la centrale de Fukushima, le 31 janvier 2018.
Des employés de la compagnie exploitante Tepco près du réacteur numéro 3 de la centrale de Fukushima, le 31 janvier 2018. Behrouz Mehri, AFP

Texte par :Stéphanie TROUILLARDS

Huit ans après l’accident nucléaire de Fukushima, au Japon, le site regorge toujours d’eau contaminée. Les opérations de décontamination sont en cours et pourraient durer des dizaines d’années pour un coût exorbitant.PUBLICITÉ

11 mars 2011, un séisme de magnitude 9 frappe au large des côtes de l’île de Honshu. Il provoque un puissant tsunami qui déferle sur près de 600 kilomètres de côtes au Japon. Une vague atteint la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi, mettant hors service le système de refroidissement principal et provoquant la plus grande catastrophe nucléaire depuis Tchernobyl.

Huit ans plus tard, le site reste un énorme chantier. Le gouvernement japonais et la compagnie d’électricité Tokyo Electric Power (Tepco), chargée du démantèlement de la centrale nucléaire, ont déclaré que la décontamination pourrait durer entre 30 et 40 ans et coûter près de 180 milliards d’euros, comme le rapporte le Washington Post.

Mais en 2015, Akira Ono, le chef de la centrale de Fukushima, estimait de son côté auprès du Times que ces opérations pourraient prendre jusqu’à 200 ans. Le Japan Center of Economic Research envisage également que la facture de la décontamination pourrait atteindre de 400 à 570 milliards d’euros, toujours selon le Washington Post.

A lire aussi : À Fukushima, même les robots ne survivent pas à l’intensité des radiations

Que faire de l’eau contaminée ?

Le chantier le plus problématique est celui de l’eau contaminée. L’eau, c’est au départ celle du tsunami qui a ravagé les installations, eau qu’il a fallu pomper, assainir et stocker. C’est ensuite celle qui sert à refroidir les réacteurs et enfin celle qui tombe du ciel et descend de la montagne en amont et se contamine au passage. 

Cette eau contaminée, qui réprésente au total 1,12 million de m3, est conservée dans des citernes sur le site, mais la capacité maximum (1,37 million de m3) sera atteinte fin 2020. L’eau est traitée par un système de décontamination qui élimine les éléments radioactifs, à l’exception du tritium. Mais Tepco a reconnu en fin d’année dernière que 85 % de l’eau était en fait toujours porteuse d’une teneur trop élevée concernant les 62 radionucléides censés être supprimés. La société a donc décidé de la filtrer une deuxième fois.

Un mur de glace souterrain faisant barrière et des pompes sont censés limiter la quantité d’eau contaminée par les installations. « Elle a diminué à 220 m3 en moyenne par jour en 2017-2018, contre 470 m3 quatre ans plus tôt, et nous pensons la faire descendre à 150 m3/jour en 2020 », a ainsi indiqué Akira Ono. Mais en 2016, Tepco a aussi reconnu que ce mur de glace ne faisait que ralentir la contamination, mais ne l’empêchait pas.

Que faire ensuite de cette eau encore contaminée ? « Cette eau est traitée pour en réduire la radioactivité, mais il n’en reste pas moins qu’elle est encore radioactive, et on ne sait pas quel sera le devenir de ces eaux. Les locaux comme les pêcheurs n’ont pas envie de voir de nouveaux rejets de déchets radioactifs provenir de la centrale », a expliqué à France Inter Thierry Charles, le directeur adjoint chargé de la sûreté à l’IRSN, l’institut de radioprotection et de sûreté nucléaire. « La solution la plus logique serait donc d’aboutir à un rejet maîtrisé et contrôlé dans l’environnement. Mais pour cela, il faut que Tepco démontre que cette solution est celle qui serait la plus raisonnable compte tenu des possibilités existantes », précise cet expert.

Rejeter l’eau dans l’océan ?

D’après Yumiko Hata, directrice de la gestion des déchets de Fukushima au ministère japonais de l’Industrie, cité par l’AFP : « Plusieurs solutions (injection dans les couches profondes de la Terre, rejet en mer, évaporation dans l’air, etc.) sont examinées par un groupe d’études constitué d’experts, mais nous n’avons encore rien décidé ».

Le rejet dans l’océan serait la meilleure solution, a estimé Toyoshi Fuketa de l’Autorité japonaise de régulation du nucléaire (ARN) auprès du Japan Times. Mais cette option suscite bien entendu l’inquiétude de la population locale, notamment des pêcheurs, qui se remettent à peine de la catastrophe nucléaire. Si Tepco rejette cette eau contaminée, « tout le monde va tomber en dépression », a ainsi affirmé un capitaine de pêche au quotidien japonais.

Avant la tragique date du 11 mars 2011, la ville de Fukushima était également connue pour ses plages. Elle était même un endroit prisé par les surfeurs et avait été envisagé pour accueillir les épreuves de surf lors des Jeux olympiques de 2020. Huit ans après la catastrophe, les amateurs de ce sport ont déserté ces plages, comme le décrit au Japan Times, Yuichiro Kobayashi, qui tient un magasin de surf. Si l’on rejette cette eau, « cela finira par éloigner la prochaine génération d’enfants de l’océan », conclut avec tristesse cet habitant de la région.

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